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Formation professionnelle : un rapport « accablant »


Des élèves mal préparés à la réforme, des enseignants dépassés, des écoles hors-la-loi... Les critiques fusent. (photo archives LQ)

C’est une véritable pluie de critiques qui s’abat sur le système de la formation professionnelle, selon une étude de l’université du Luxembourg révélée mercredi. Morceaux choisis.

Ce système de la formation professionnelle initiale est soumis à une importante réforme depuis 2008. Mais cette dernière ne convient visiblement pas aux acteurs du secteur, qui le font savoir dans cette étude.

« D’après les premières informations qui circulent, les conclusions de ce rapport seraient accablantes», prévenaient, mardi, l’OGBL. Et le syndicat ne se trompait pas. Dans l’étude de l’université du Luxembourg présentée mercredi, les acteurs du secteur sont catégoriques : le système de la formation professionnelle doit être changé.

Globalement, la mise en œuvre en 2008 de la réforme de la formation professionnelle (lire par ailleurs) a été décrite comme «chaotique». En cause, peut-on lire dans le rapport, «sa précipitation, l’impréparation des acteurs, surtout du MENJE [ministère de l’Éducation nationale], son laisser-faire, l’implication largement insuffisante du terrain, c’est-à-dire essentiellement des lycées.» Voici les principaux points évoqués dans ce rapport.

Gestion des écoles

Les personnes sondées seraient unanimes : «Les rattrapages seraient très difficiles à organiser. […] Il faudrait pratiquement établir un horaire individuel par élève.»

Ceci à cause des risques d’interférence avec les modules «normaux» ou avec les cours en entreprise, des limites horaires (les jeunes ne peuvent travailler plus de huit heures par jour), etc. Du coup, certains lycées avouent ne pas se conformer à la loi.

Les enseignants

Dans la formation des enseignants, l’entraînement pratique à la formation professionnelle serait «complètement absent». Par ailleurs, la plupart des enseignants seraient opposés à un enseignement par compétences, «soit pour des raisons pédagogiques, soit pour des raisons plus idéologiques, soit pour des raisons de convenance, soit pour toutes ces raisons à la fois». «L’évaluation serait trop compliquée et nécessiterait de ce fait trop de travail», estiment les enseignants.

Les entreprises

Dans l’ensemble, les entreprises auraient été favorables à l’approche par compétences, «car c’est celle qui correspond le mieux aux réalités du terrain». Toutefois, les entreprises seraient également enclines à augmenter le niveau de difficulté des modules de formation, «en se référant à la complexification croissante de la vie économique et parce qu’elles auraient intérêt à avoir un personnel le plus formé possible pour un niveau de salaire donné». Au Luxembourg jouerait également très fortement la concurrence d’une main-d’œuvre transfrontalière souvent plus qualifiée et plus motivée et qui inciterait les patrons à recruter des personnes souvent surqualifiées dans les pays limitrophes.

Les élèves

Ils seraient «mal préparés à la réforme» et auraient donc «des difficultés à comprendre les tenants et aboutissants de la nouvelle méthode de formation et de la nouvelle évaluation, qui est devenue plus complexe, moins lisible que les anciens bulletins avec notes sur 60.» Le rapport pointe aussi un manque d’outils pour faciliter leur orientation.

Les parents

Même critique des parents d’élèves sur les difficultés à comprendre la nouvelle notation par compétences : les parents préfèreraient souvent les anciens bulletins «qui au moins étaient plus clairs». L’emploi quasi exclusif de photocopies comme matériel didactique au détriment de livres a aussi été critiqué, «parce que cette pratique empêcherait les jeunes de construire une relation positive à la culture livresque».

Conclusions

D’une manière générale, la réforme de la formation professionnelle initiale a été jugée «la plus fondamentale, la plus vaste et la plus complexe de toute l’histoire scolaire du Luxembourg». Donc, «un réexamen serein de la réforme permettra de sortir de cette impasse et de recommencer sur de nouvelles bases dans un climat positif».

Pour cela, «il faudrait que toutes les parties prenantes soient impliquées sur un pied d’égalité et […] disposées à arriver au plus grand consensus possible». Dès lors, il faudra «un temps assez consistant» pour que cette réforme soit «parfaitement rodée», prévient le rapport.

À la suite de ces conclusions, le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, a rappelé mercredi que la «réforme de la réforme» était en cours, avec de nombreux ajustements qui se feront à la lumière de l’étude de l’Uni et qui seront adaptés à la «réalité du terrain».

Cette nouvelle réforme pourrait entrer en vigueur à la rentrée 2016/2017.

Romain Van Dyck

La réforme

La réforme de la formation professionnelle consiste en l’introduction systématique d’un enseignement par compétences pour l’ensemble des 120 métiers et en la mise en œuvre des formations sous une forme modulaire et flexible.

Ainsi, les principales modifications par rapport à l’ancien modèle sont la substitution des notations chiffrées de savoirs par des évaluations qualitatives de compétences, ainsi que les rattrapages à la carte des modules non réussis par l’élève jusqu’à la réussite de ceux-ci. Cette nouvelle procédure a buté sur un nombre important de difficultés, critiques et résistances. Une «réforme de la réforme» a donc été entreprise en 2014, aboutissant, en février 2015, au dépôt d’un nouveau projet de loi visant à réviser l’ancienne.

Un état des lieux pour mieux réformer

Pour préparer cette révision, l’Institut of LifeLong Learning and Guidance (LLLG) de l’université du Luxembourg a été chargé, par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, de réaliser une étude qualitative d’évaluation de la formation professionnelle telle qu’elle se présente actuellement. Des interviews ont été réalisées de janvier à mai 2015 avec les principaux acteurs concernés par la problématique : chambres professionnelles, fédérations de parents d’élèves, élèves, enseignants, etc. Les conclusions de cette étude ont été présentées mercredi par le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch.

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