Et si c’était la fin du diesel au Luxembourg ?

Le moteur diesel règne en maître au Grand-Duché. Mais de sombres nuages s’amoncellent: a-t-il atteint ses limites? Attention, question sensible…

Il y a lieu d’être prudent, comme nous ne savons pas encore tout sur l’étendue de la problématique. » Alors que l’affaire Volkswagen suscite de vives réactions à l’étranger, le commentaire de notre ministre déi gréng de l’Environnement semble bien timoré.

Mais ce n’est guère surprenant. Il est risqué, et nos politiques le savent, de s’attaquer à une culture automobile très ancrée au Grand-Duché. Un chiffre : en 2012, le Statec rappelait qu’avec près de 660 automobiles pour 1 000 habitants, le Luxembourg était proportionnellement le deuxième pays le plus motorisé au monde.

Or, au pays de l’auto reine, le roi s’appelle diesel : en 2014, plus des deux tiers des nouvelles immatriculations sont des diesels. Et pas des tacots : au Luxembourg, près de 80 % des véhicules en circulation ont une puissance de plus de 1 500 cm 3 (et 22 % dépassent même les 2 000 cm 3 ), quand en Allemagne la moyenne est de 1 700 cm 3 et en France de 1 500 cm 3 . Sans surprise, l’émission moyenne de CO 2 des véhicules luxembourgeois grimpe donc à 134 g/km, autant qu’en Allemagne, mais beaucoup plus qu’en France (118) ou en Belgique (124).

Un cocktail explosif pour la qualité de l’air, même s’il y a lieu de rappeler que la faute est grandement partagée avec les frontaliers, «ce poumon économique» qui se transforme chaque jour en nuages gris.

Un dernier chiffre pour rappeler le poids du diesel : porté par une politique fiscale avantageuse, il représente 80 % des carburants vendus chaque année dans nos stations-services, soit plus de 1,7 million de tonnes, et rapporte près de 700 millions d’euros par an à l’État!

Diésélistes : les efforts et les mensonges

On comprend donc l’attachement grand-ducal à ce carburant… de plus en plus décrié. La tricherie de Volkswagen a en effet remis sur la table les difficultés des diésélistes à respecter des normes antipollution de plus en plus sévères, notamment la nouvelle norme Euro 6. « Ce que nous observons avec le diesel, c’est que nous avons atteint la limite », a ainsi claironné Elon Musk, le patron des voitures électriques Tesla.

Un point de vue qui se répand. Face à ces oiseaux de mauvais augure, les diésélistes crient à l’acharnement et mettent en avant les progrès – bien réels – accomplis par les moteurs diesels depuis leur invention.

Et qui vont se poursuivre, à travers « le développement de technologies capables d’améliorer la combustion et de baisser les émissions de particules » , promet Bosch, le leader mondial des pompes et injecteurs pour moteurs diesels… Oui, ce même Bosch qui a fourni à Volkswagen le logiciel qui lui a permis de minimiser les émissions polluantes de ses véhicules.

Pendant ce temps, scientifiques et associations multiplient les alertes, obtenant même le soutien de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a classé ce carburant comme «cancérigène certain».

Car si les voitures à essence émettent plus de gaz à effet de serre (CO 2 ) que les moteurs diesels, ces derniers crachent, en revanche, bien plus d’oxydes d’azote et de particules fines. Des particules très nocives, entrainant bronchites chroniques, asthmes, cancers du poumon, accidents vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde… entre autres!

Alors, faut-il abandonner le diesel? La question est loin d’être tranchée. Passer au tout-essence serait un miniséisme économique qui ne règlerait pas le problème de la pollution, et poserait d’énormes défis à une industrie automobile qui ne peut transformer ses usines du jour au lendemain. Et les alternatives (voitures électriques ou à hydrogène, mobilité douce…) restent pour l’instant trop marginales pour être prises au sérieux.

Bref, ce «Dieselgate» a eu le mérite de jeter une lumière crue sur une problématique qui n’a pas fini de nous faire tousser…

Romain Van Dyck