Alors que de nombreuses encres de couleur seront prohibées dans toute l’Europe dès janvier prochain, le chef de file des tatoueurs luxembourgeois confie ses craintes pour l’avenir.
À partir du 4 janvier 2022, la palette de couleurs des artistes tatoueurs européens sera considérablement réduite, conformément à un tour de vis décidé par l’UE pour protéger les adeptes du dermographe de potentiels effets liés aux composants chimiques contenus dans les encres colorées.
Marion Thill, le vice-président de l’ASBL confédération Hair, Beauty and Tattoo guild, qui représente la cinquantaine de salons de tatouage installés au Grand-Duché, ne cache pas son incompréhension.
Quand avez-vous appris l’existence de ce nouveau règlement européen très restrictif ?
Marion Thill : Ça nous est tombé dessus au début de l’été. On a tenté de se battre, une pétition a été lancée, mais le règlement a déjà été voté. Il n’y a plus rien à faire. À part saisir la Cour de justice, ce qui est long et coûteux. On va devoir se conformer aux nouvelles règles. Pas le choix. On se prépare à une période très critique…
C’est le nombre actuel de signataires de la pétition nº1072/2020 lancée par le mouvement «Save the pigments» pour le maintien de différents pigments visés par la nouvelle réglementation.
D’après le syndicat français des artistes tatoueurs, jamais une pétition en ligne sur le site du Parlement européen n’a recueilli autant de soutiens.
Pour autant, les chances d’aboutir à une révision du règlement sont minces.
Que regrettez-vous dans cette décision ?
Le fait que l’UE se base uniquement sur une étude appliquée aux cosmétiques : injecter une quantité minime de composants chimiques sous la peau, une fois pour toute la vie, est une chose, s’en appliquer tous les jours sur le corps, ce qu’on fait avec une crème par exemple, en est une autre.
Il n’y a pas de preuve scientifique que les encres posent problème dans notre pratique. L’UE le reconnaît d’ailleurs, mais préfère pousser le principe de précaution à l’extrême.
Les autorités citent le risque d’allergie, mais aussi de cancer voire de mutation génétique.
Cinquante-quatre millions de tatouages sont réalisés chaque année en Europe et seuls un millier de cas posent des problèmes, principalement pour des allergies. Et on ne sait même pas si ce sont les pigments qui en sont à l’origine ! Cela pourrait tout aussi bien être des encres douteuses, des contrefaçons venues d’Asie.
Quelles couleurs vont être bannies désormais ?
Toutes les teintes sont concernées, y compris le noir, le gris et le blanc. Sauf que pour celles-ci, des alternatives sont déjà sur le marché. Bien entendu, elles s’arrachent, il est donc difficile de s’en procurer. On tente d’anticiper, de trouver de nouveaux fournisseurs avec du stock, mais c’est dur.
Existe-t-il déjà des formules plus saines ?
Non. L’industrie n’a pas fait ce qu’il fallait, alors qu’on sait depuis très longtemps que les encres de couleur sont dans le viseur des autorités sanitaires. Pour autant, rien n’a été entrepris pour mettre au point des formules conformes. La plupart des fabricants sont aux États-Unis : même si l’Europe représente un gros marché, elle n’est pas leur priorité.
On craint surtout que les clients se tournent vers le tatouage clandestin
Concrètement, que va-t-il se passer dans votre studio le 4 janvier ?
Tout mon stock va partir à la poubelle ! Il y aura quatre postes de travail à équiper avec un nouveau kit d’encre complet, si on trouve des produits disponibles ! Sans compter que ces nouvelles encres conformes seront bien plus chères, vu la demande. Pour nous, c’est une plongée totale dans l’incertitude.
Certains salons pourraient ignorer ces nouvelles règles…
Ils ne pourront pas, car les fournisseurs auront l’interdiction de leur vendre ces encres. Et s’ils décidaient malgré tout d’en acheter par des moyens détournés, ils s’exposeraient à de gros risques : ils seraient considérés comme importateurs et leur propre responsabilité serait engagée pour certifier la composition des produits.
Quelles conséquences pour les clients ? Pour les artistes ?
Beaucoup de clients se posent des questions : certains ont une grande pièce en cours, ils ont peur de ne pas pouvoir la finir si les encres nécessaires manquent, ou alors ils craignent que la différence de teinte se voie.
Et pour les tatoueurs, c’est un coup dur : il leur sera impossible d’obtenir des tatouages de la même qualité que maintenant. Ils devront attendre que des encres conformes soient développées et commercialisées. Et avec l’interdiction des pigments bleu et vert prévue, elle, en 2023, c’est environ 60 % de la palette de couleurs actuelle qui va disparaître.
Comment réagit le secteur au Luxembourg ?
Les professionnels manquent cruellement d’information. La confédération leur a déjà adressé des courriers et on a prévu une réunion début décembre, mais je crains que nombre d’entre eux ne découvrent la gravité de la situation qu’au moment de passer une nouvelle commande en janvier ou bien lors d’un contrôle.
Les clients doivent-ils faire une croix sur leurs projets colorés ?
Pas forcément. Mais il faudra attendre les nouveaux produits pour voir si c’est adapté. On craint surtout que les clients se tournent vers le tatouage clandestin dont les conditions d’hygiène sont déplorables et les produits non certifiés. Là, on court un gros risque en termes de santé publique. Ce règlement pourrait donc engendrer précisément ce que l’UE voulait éviter.
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Cocktails chimiques et métaux lourds
L’encre de tatouage contient des pigments insolubles, un liant, un solvant, des additifs pour stabiliser la formule et des conservateurs. Elle se compose de centaines de substances chimiques dont certaines interdites en cosmétique. On y trouve aussi des sels métalliques qui peuvent être toxiques. S’il est établi que les pigments peuvent migrer du derme vers les ganglions lymphatiques ou le foie, leur effet cancérigène reste à prouver. C’est donc par précaution que l’UE a tranché.
Christelle Brucker
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C’est leur gagne pain il faut les comprendre !!!!
Heureusement le Luxembourg n’a pas d’autres problèmes à résoudre que l’interdiction de vente pour certaines encres de tatoueurs! Crise climatique, crise migratoire, pandémie, une économie à bout de souffle, émeutes orchestrées par l’extrême droite – peu importe, au Luxembourg les tatoueurs se plaignent d’un règlement UE visant la protection de la santé. C’est ridicule.
C’est leur gagne pain il faut les comprendre
Des problèmes au Luxembourg il y en aura toujours,tu veux que les tatoueurs attendent que d’autres problèmes soient résolus puis résoudre les leurs? Par ton commentaire je vois que tu n’est pas tatoué. Tais toi vaux mieux. Mets toi a leur place.