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Éducation : le défi du multilinguisme dès le préscolaire


63,5% des enfants qui entrent au Précoce ne parlent pas le luxembourgeois. C'est un enjeu du défi du trilinguisme (Photo : Isabella Finzi).

L’Éducation nationale luxembourgeoise a procédé à un revirement dans l’enseignement préscolaire. Depuis septembre, le multilinguisme est devenu la règle. Un colloque à Belval est revenu sur ce changement.

Les enfants de 4 ans qui entrent dans le précoce sont 63,5 % à ne pas parler le luxembourgeois. Un nombre qui a plus que doublé en 20 ans et qui a entraîné une remise en question du système éducatif. Depuis la rentrée scolaire 2017/2018, les bambins et leurs enseignants ou éducateurs s’essayent au multilinguisme.
Les enfants apprennent le luxembourgeois mais aussi le français par le jeu, et leurs langues maternelles sont valorisées, au lieu d’être proscrites comme ce fut notamment le cas en 2014 dans une structure d’accueil eschoise qui interdisait aux enfants portugais de parler leur langue et les punissait.
Deux phénomènes sont à l’origine de ce revirement. Pour Sascha Neumann, professeur à l’université du Luxembourg, l’adoption du plurilinguisme est une tendance internationale due aux migrations économiques ou autres et à l’introduction de l’éducation précoce et des structures d’accueil pour s’adapter aux modes de vie modernes.
Le nombre de crèches aurait été multiplié par cinq entre 2005 et 2015. Les enfants sont de plus en plus tôt en contact avec des individus différents de ceux issus de leur cercle familial. Les structures d’accueil (crèches ou maisons relais) n’assurent plus uniquement un rôle de garde d’enfants, mais ajoutent des apprentissages aux contenus, notamment celui des langues.

Deux tiers des écoliers sont étrangers
Deux tiers des enfants de 4 ans qui entrent en préscolaire sont d’origine étrangère et ne parlent pas la langue luxembourgeoise. Un constat qui a donné matière à réfléchir au ministère de l’Éducation nationale. Il en a conclu, dans la réforme de la loi sur la jeunesse votée en 2016, que l’éducation n’était plus uniquement du fait de l’école et a instauré un cadre national pour l’éducation non formelle. «Ce cadre intégrait l’exigence du multilinguisme et les écoles ont été vivement invitées à s’en inspirer», indique Claudine Kirsch, professeure assistante à l’université du Luxembourg et vice-directrice de l’Institut de recherche sur le multilinguisme qui participe au projet MuLiPEC.
Le but de cette mesure n’est pas que les enfants maîtrisent parfaitement le luxembourgeois ou le français après deux années de précoce. «Il ne s’agit pas de transformer les éducateurs et les instituteurs en professeurs de langue, même si ces derniers ont un apprentissage initial de l’enseignement des langues», précise Claudine Kirsch. Le but est d’éveiller les enfants aux langues et à leur apprentissage. Mais aussi de «privilégier l’ouverture sur l’autre et la tolérance afin de garantir les valeurs démocratiques, encourager le potentiel des enfants et leur réussite scolaire, renforcer leur confiance en eux et leur apprendre à tirer du positif de leur situation».

Besoin de former les éducateurs
Le tout à travers des activités aussi variées que le dessin, le bricolage, le chant ou tout en encourageant les enfants à raconter des histoires en passant d’une langue à l’autre avec l’application iTEO. «Les éducateurs et les enseignants font des activités qui ont du sens avec les enfants afin qu’ils puissent se développer. À eux de trouver comment intégrer la langue française et de valoriser chaque langue maternelle», note Claudine Kirsch.
Comme souvent au Luxembourg, la situation est inédite. Car si nos voisins européens ont déjà adopté la pratique du multilinguisme depuis un certain temps, ils n’utilisent que deux langues.
«Les éducateurs ont déjà reçu un peu de formation, ces deux dernières années, poursuit la professeure. Les enseignants, quant à eux, découvrent de nouvelles pratiques. Depuis la rentrée dernière, ils sont formés par des représentants du ministère. Mais trop peu, 4 ou 5 heures seulement. Il va falloir beaucoup de temps avant que les gens trouvent la meilleure manière de faire.»
Il y va de l’avenir des écoliers et de leur intégration dans la société qui les accueille, ainsi que de la qualité de l’accueil fourni par les membres de la société en question. L’introduction du multilinguisme évite les replis communautaires, car qui possède la langue peut participer au débat. La décision est donc éminemment politique.

Sophie Kieffer.

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