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De l’acte de tuer aux droits des animaux


Pour pouvoir tuer des animaux, les acteurs de l'industrie ont besoin de se forger des «concepts mentaux». (photo archives LQ)

Dimanche se sont terminés trois jours de conférence internationale sur les droits des animaux à Esch-sur-Alzette. Parmi les intervenants, il y avait Martin Smedjeback, un activiste, et la sociologue Kristina Mering. Pendant l’International Animal Rights Conference 2016, quelque 500 participants sont venus écouter les interventions d’environ 50 activistes et théoriciens.

Avec quelques amis et des activistes, il lui arrive de s’introduire la nuit sur des terrains d’entreprises d’élevage de volaille, de porc ou de poisson : pour le Suédois Martin Smedjeback, végane et activiste de la paix, le but est toujours le même : sauver d’une mort certaine le plus d’animaux possible en les amenant dans un endroit sûr.

Ces actions, le militant pour les droits des animaux les inscrit dans le cadre plus large de la «désobéissance civile». Elles sont guidées par cinq principes : la non-violence, qui caractérise toutes ses actions, mais aussi le fait d’appeler et de renseigner la police sur les actions effectuées, d’enfreindre la loi, de ne pas masquer son identité et de ne pas agir pour un gain personnel. On devine le résultat : Martin Smedjeback en est à son quatrième séjour en prison. Il vient d’effectuer sa dernière peine en janvier : «À la cantine, j’avais la possibilité de manger végane tous les jours sans être obligé de préparer mon repas moi-même», plaisante-t-il.

La Suède fait partie des pays qui punissent le moins sévèrement les actions des militants en faveur des droits des animaux. Les premiers à se lancer dans ce genre d’action étaient australiens. Depuis, elles ont lieu dans le monde entier. Dans le cas de Martin Smedjeback, tout commence par un peu de «reconnaissance» (inspection des lieux), puis par l’introduction, en combinaison anticontamination et muni d’une caméra embarquée, dans l’entreprise.

«Pour pouvoir faire ce qu’ils font…»

«Les producteurs ne sont pas nos ennemis», précise le Suédois, qui laisse toujours derrière lui une lettre explicative ainsi qu’un bol de biscuits à destination des producteurs. Sauf qu’à la fin, les biscuits ont été confisqués par la police et montrés comme pièce à conviction lors du procès à l’issu duquel les activistes ont été condamnés à verser une amende de 3 500 euros : somme réunie en 24 heures sur internet grâce à un appel aux dons.

Bien sûr, il y a d’autres manières d’attirer l’attention sur ce qui passe dans l’industrie de la viande ou de la fourrure. Ainsi, la sociologue Kristina Mering a-t-elle étudié la «construction d’attitudes face aux animaux» en se basant sur ses recherches dans l’industrie de la fourrure dans son Estonie natale, notamment en menant des entretiens aussi bien avec des employés qu’avec des patrons du secteur.

Ces recherches très pertinentes nous ramènent aux origines de la question de la relation homme-animal et aux multiples légitimations qu’a cherchées le premier pour ôter la vie au second. Comme le montre Kristina Mering, l’animal est d’abord une construction sociale. «Pour pouvoir faire ce qu’ils font», explique la sociologue, les acteurs de l’industrie «ont besoin d’un concept mental». Certains misent sur la camaraderie entre les employés, d’autres glosent sur les «cycles de vie différents des animaux et des hommes». Enfin, certains, pour supporter la mort de centaines de bêtes chercheraient rédemption en adoptant quelques animaux. Il y a aussi la division du travail qui opère une distinction entre ceux qui tuent, ceux qui savent et ceux qui préfèrent ne pas penser au «référent absent», autrement dit à l’animal tué.

Frédéric Braun

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