Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Le ministre de la Santé, Étienne Schneider, est décidé à soumettre courant janvier au Conseil de gouvernement un projet de loi pour légaliser le cannabis récréatif. La date reste toutefois à confirmer. «Il n’est pas exclu que mon successeur héritera de cette tâche», indique le ministre en partance.
Le projet devait être bouclé pour cet automne. De retour de leur visite d’études au Canada, les ministres Étienne Schneider (Santé) et Félix Braz (Justice) s’étaient montrés confiants à la mi-mai de pouvoir rapidement finaliser un concept pour la légalisation du cannabis récréatif. Le tragique accident cardiaque de Félix Braz n’est pas le seul facteur qui est venu freiner cette entreprise. «Je comptais soumettre encore en ce mois de décembre un projet de loi au Conseil de gouvernement. Il reste toutefois encore un besoin de discussion avec d’autres ministères», a admis Étienne Schneider en marge de la conférence de presse sur son plan de départ.
Début décembre, le ministre de la Santé avait déjà évoqué devant la Chambre des députés la complexité du dossier. «On a identifié de nombreuses implications, notamment en ce qui concerne les relations avec nos pays voisins», indiquait Étienne Schneider. Autre obstacle majeur : trouver une tournure juridique pour contourner les conventions internationales de l’ONU, qui interdisent la légalisation du cannabis récréatif. Le Quotidien s’en était fait écho dès le mois de juin.
Le projet de loi pourrait toutefois être finalisé courant janvier. «Avec beaucoup de chance, je vais encore pouvoir soumettre en personne le projet au Conseil de gouvernement. Mais il n’est pas exclu que mon successeur héritera de cette tâche», notait lundi le ministre en partance.
Une «douche froide» pour le Canada
Le Luxembourg devrait largement s’inspirer du modèle appliqué par le Canada. Depuis octobre 2018, des adultes peuvent acheter et consommer légalement du cannabis récréatif dans ce pays nord-américain. L’objectif du Premier ministre, Justin Trudeau, est comparable à celui poursuivi par le gouvernement luxembourgeois : éloigner les consommateurs du marché illicite, réduire de façon déterminée les dangers psychiques et physiques liés au cannabis et combattre la criminalité au niveau de l’approvisionnement.
Nos confrères du Spiegel ont publié dimanche une analyse sur la première année de la légalisation du cannabis au Canada. «Le bilan ressemble à une douche froide», écrit Alexander Sarovic. Comme cela est prévu au Grand-Duché, le modèle canadien a opté pour la mise en place d’une chaîne de production et de vente nationale afin de garantir la qualité du produit. Les licences que l’État a mis en vente sont cependant peu demandées. Les Canadiens ont seulement dépensé 908 millions de dollars canadiens (620 millions d’euros) pour acheter du cannabis légal. Avant la légalisation, le marché du cannabis avait été évalué à un volume de 8 milliards de dollars canadiens.
Ces chiffres ne veulent cependant pas dire que la consommation de cannabis a baissé. Selon des chiffres officiels, seulement trois Canadiens sur dix se sont approvisionnés auprès des revendeurs officiels. Les deux tiers restant des consommateurs ont toujours recours au marché noir. «Beaucoup des acheteurs devraient être des mineurs», indique l’article du Spiegel.
L’Uruguay, le Canada et bientôt le Luxembourg ?
La charge fiscale ainsi que la lourdeur administrative seraient deux autres facteurs qui freinent les investisseurs privés à acquérir des licences pour vendre légalement du cannabis. Quelque 400 revendeurs existent actuellement. Vu le coût des licences, les multinationales seraient clairement avantagées et se trouveraient ainsi en position dominante, expliquent nos confrères allemands.
Le gouvernement ne lâche cependant pas prise. Il compte sur le facteur temps pour que la légalisation du cannabis récréatif produise ses véritables effets. Le Canada est seulement le deuxième pays après l’Uruguay à avoir légalisé la vente et la consommation de cannabis. Dans plusieurs États américains ainsi qu’aux Pays-Bas, le cannabis récréatif est toléré. Le Luxembourg devrait d’ici deux ans intégrer la petite liste des pays ayant opté pour une légalisation. Il reste à voir si le bilan mitigé du Canada va freiner les ardeurs du gouvernement grand-ducal.
David Marques
