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Camille Gira décrypte la COP21


Camille Gira est formel : "Les entreprises basées sur un modèle écologique vétuste ne tiendront pas le choc". (Photo Fabrizio Pizzolante)

Le secrétaire d’État au Développement durable et pionnier de l’écologie au Luxembourg, Camille Gira, décrypte les enjeux de la conférence sur le climat de Paris qui débutera le 30 novembre.

À l’approche de la conférence sur le climat de Paris (COP21), vous dites qu’il faut être « positif ». Quelles sont les raisons d’y croire ?

Camille Gira : Soyons d’un optimisme raisonnable. Si l’on compare par rapport à Copenhague 2009 (NDLR : archétype du sommet écologique raté), je vois trois signes rassurants. Tout d’abord, les climato-sceptiques n’existent plus. Personne aujourd’hui ne conteste l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, ni les changements qui nous attendent. Nous ne perdons plus de temps à nous convaincre entre nous.

Deuxième bonne nouvelle, deux grands acteurs mondiaux viennent à Paris avec de sérieux gages d’engagement : la Chine et les États-Unis. Tout simplement car ils sont face à une évidence : ils n’ont plus le choix. À Pékin, par exemple, un habitant respire l’équivalent de 40 cigarettes par jour ! La pollution est tellement forte que l’État oblige certaines usines à se déplacer vers le sud du pays. Aux États-Unis, le contexte est différent. Il est faux d’affirmer que les Américains ne font rien pour le climat, il suffit de regarder ce qui se fait en Californie, à San Francisco en particulier (NDLR : qui vise le zéro déchet avec une population de 850 000 habitants). Il y a, en revanche, un vrai problème de lobbying pétrolier. Par chance, Barack Obama est en fin de mandat : il peut taper du poing sur la table à la conférence, comme il l’a fait récemment en suspendant le projet Keystone XL, un oléoduc démesuré censé transporter le pétrole du Canada au golfe du Mexique.

Dernière bonne nouvelle, enfin : le Canada est de retour à la table des négociations à la suite des récentes élections. C’est un revirement inespéré pour un gros pays pétrolier. Carole Dieschbourg, notre ministre de l’Environnement, a rencontré son homologue canadienne lors d’une réunion de préparation. Elle l’a sentie très concernée par l’enjeu…

François Hollande a recadré la diplomatie américaine qui assurait la semaine dernière « qu’aucun accord contraignant ne serait signé. » Quels sont les objectifs de la COP21 ?

On invoque souvent la barre des 2°C supplémentaires à ne pas dépasser d’ici la fin du siècle. Le chiffre est contestable. Deux degrés de différence engendrent déjà des conséquences lourdes dans certains pays (montée de la mer, etc.) Surtout, il ne sert à rien de fixer des objectifs trop contraignants si on lâche des acteurs majeurs en cours de route. Je crois qu’il faut être intransigeant sur une donnée précise : le changement de direction, pour tout le monde.

L’enjeu de la COP21, c’est d’entériner les changements de cap nécessaires au niveau économique et sociétal, d’un point de vue mondial. Si on repart avec un accord à 2,7°C mais une ligne claire sur le désengagement progressif à l’égard des énergies fossiles (pétrole, charbon, etc.), ça me va. Après, on se revoit une fois tous les cinq ans, on ajuste le tir. C’est le basculement qui compte.

Dans ce concert des nations, le Luxembourg va jouer un rôle clé, car il assume la présidence du Conseil de l’Union européenne. Comment va se traduire cet engagement ?

Là encore, tout nous pousse à être positifs. C’est la première fois que les 28 pays arrivent avec un mandat unique à la table d’une conférence climat. L’Union européenne va parler d’une seule voix. Je salue ici le formidable travail de notre ministre. Dès septembre, sous l’impulsion du Luxembourg, nous tenions ce fameux mandat. Les engagements européens sont clairs et nets : nous sommes d’avis que l’humanité doit arriver à zéro émission de CO2 d’ici la fin du siècle. Donc, moins 50% en 2050 et nous, du côté européen, moins 80% dès 2050 pour accélérer le mouvement planétaire. Notre continent a une carte formidable à jouer, car nous arrivons aussi en ayant fait nos « devoirs à la maison ». À Kyoto, en 1997, l’Europe avait signé pour une réduction de 20% de ses gaz à effet de serre d’ici 2015. Nous avons réduit nos émissions de 23%. Nous avons donc toute la légitimité pour fixer de nouvelles directions. Ne nous reposons pas sur nos lauriers et prenons une position offensive.

Qui pourrait bloquer le processus, pour quelles raisons ?

Par définition, on ne peut pas prévoir les coups bas. Les pays du Golfe vont se montrer frileux sur certains points, l’Australie aussi… En revanche, la traditionnelle opposition Nord-Sud est dépassée. C’est encore un point important. À Copenhague, le discours des pays du Sud était : « Vous avez lancé la révolution industrielle en premier, vous avez une dette écologique, pas nous. » Aujourd’hui, chacun aspire à un développement harmonieux, les déséquilibres du climat ne connaissent pas les frontières. Le Chili mise beaucoup sur l’énergie solaire, l’Éthiopie se positionne également sur le créneau… Personne ne dit : « On va faire comme les Européens il y a 100 ans. »

Entretien avec Hubert Gamelon

A lire en intégralité dans Le Quotidien de ce lundi 16 novembre

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