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Jean Asselborn : Grexit et Brexit, « deux étoiles menaçantes » au-dessus de l’UE


Le ministres des Affaires étrangères est conscient de l'énorme défi qui attend le Luxembourg : «Même si, au moment où je vous parle, d'importantes incertitudes persistent, notre présidence sera réussie si on évite la sortie de la Grèce de la zone euro et si on parvient à forger une voie sur laquelle le Royaume-Uni ne persistera pas à quitter l'UE.» (photo Fabrizio Pizzolante)

À deux jours du début de la présidence européenne du Luxembourg, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, appelle les chefs d’État et de gouvernement à retrouver les valeurs fondatrices d’une UE en pleine crise.

La crise grecque mais aussi l’imbroglio et l’absence de solidarité dans le dossier des migrants et une possible sortie du Royaume-Uni font actuellement vaciller l’Union européenne. Le défi qui attend le Grand-Duché lors de sa présidence est donc de taille.

Le message de Jean Asselborn, qui reste un Européen convaincu, est clair : la présidence luxembourgeoise est décidée à prendre ses responsabilités mais ne pourra rien faire sans le soutien des 27 autres pays membres de l’UE.

Le Quotidien : L’UE vit des temps agités actuellement. La tâche qui attend le Luxembourg pendant sa présidence du Conseil de l’UE sera donc de taille. Est-ce que le pays est prêt à relever ce défi?

Jean Asselborn : Deux étoiles menaçantes scintillent au-dessus de notre présidence  : le Grexit et le Brexit (NDLR : sortie de la zone euro de la Grèce et sortie de l’UE du Royaume-Uni). Même si en ce moment la situation en Grèce est trop opaque pour se prononcer sur ce dossier, il nous faudra rester clairvoyants pour éviter des décisions irréversibles.

Les égoïsmes nationaux ou même l’autoritarisme ne doivent pas prendre le dessus. L’Union européenne est une carcasse politique qui ne peut tenir que si ses piliers, qui sont la solidarité et le sentiment d’unité, continuent de primer.

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Jean Asselborn ne se laisse pas décourager. Il souligne que la présidence luxembourgeoise «va tout faire pour permettre à l’UE d’avoir la force et l’énergie de relever les nombreux défis qui se posent à elle». (photo Fabrizio Pizzolante)

À partir de mercredi, tous les regards seront tournés vers le Luxembourg. Comment comptez- vous répondre aux importantes attentes qui sont placées dans la présidence?

Il faut être clair : ce n’est pas nous qui avons le sort de l’UE entre nos mains. On est décidés à placer nos accents là où on le pourra. Mais ce n’est pas par un simple souffle de vent que les problèmes vont disparaître. Cela vaut pour la Grèce, mais aussi pour la crise des migrants, le conflit entre l’Ukraine et la Russie ou encore les négociations tendues sur le TTIP (NDLR : accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis). On va cependant tout faire pour faire avancer les choses et permettre à l’UE d’avoir la force et l’énergie de relever les nombreux défis qui se posent à elle.

Depuis de longues années, l’UE s’éloigne des citoyens. Son image s’est considérablement ternie et son manque de réactivité est parfois criant. Comment voyez-vous l’état de santé de l’Europe?

Notre présidence sera placée sous le thème « Une Union pour les citoyens ». Le fonctionnement des institutions est important. Dans ce contexte, le nouvel accord interinstitutionnel (NDLR : accord incluant la Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Parlement européen) sera une des principales tâches de la présidence.

L’image de l’UE ne doit pas être marquée par la théâtralité des politiciens. Il faut sortir du cercle vicieux dans lequel Bruxelles est toujours le bouc émissaire pour tout et où les positions nationales sont toujours les bonnes. La méthode communautaire doit continuer de primer. Les réformes émanant de l’UE ne doivent plus être perçues comme des sanctions, comme une dérégularisation ou comme un démantèlement social. L’UE ne doit pas faire peur mais donner espoir, offrir des perspectives et de la confiance aux gens. La crédibilité de l’UE et de ses valeurs est en jeu.

Le Royaume-Uni menace de quitter l’UE en l’absence de nouvelles concessions. Comment abordez-vous cet épineux dossier?

Je vais rencontrer ce lundi à Londres le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, Philip Hammond. Le ministre d’État pour l’Europe, David Lidington, et le gouvernement britannique souhaitent nous expliquer leurs doléances.

Il est clair que sans le Royaume-Uni, l’UE ne jouerait plus dans la Ligue des champions d’un point de vue stratégique. On perdrait un élément très important aussi en ce qui concerne nos relations avec les États-Unis. Mais on peut également retourner la médaille en affirmant que sans l’UE, le Royaume-Uni n’aurait pas le même poids sur la scène internationale.

Avec une sortie, tout le monde serait perdant. Mais il est de notre devoir d’être à l’écoute des Britanniques. Une amélioration du fonctionnement de l’UE est tout à fait envisageable. Changer les traités équivaudrait à ouvrir une boîte de Pandore. Après coup, d’autres États viendraient avec d’autres revendications et l’UE serait morte. Il sera important de continuer de garder une unité sur ce point. L’Allemagne et la France auront un rôle important à jouer.

Une des conséquences de la crise financière de 2008 a été une crise sociale qui a aussi durement touché l’Europe. Les répercussions de la politique d’austérité de ces dernières années se font toujours ressentir. Quels sont les accents que la présidence luxembourgeoise souhaite poser pour redresser la barre?

On soutient activement l’initiative de la Commission européenne pour établir un « triple A social ». L’UE ne doit pas seulement être un projet de paix mais aussi un projet de paix sociale. Pendant notre présidence, notre objectif sera d’œuvrer en faveur d’un développement durable avec à la clé des plus-values qui auront aussi une retombée sociale.

Il est possible de faire une bonne politique sociale seulement si on mène aussi une bonne politique économique. C’est pourquoi le plan Juncker, qui prévoit un fonds stratégique de 315 milliards d’euros pour la relance de la croissance, est à prendre au sérieux. Il s’agit d’une priorité que notre présidence partage avec la coalition qui s’est formée au Parlement européen. La politique industrielle, la recherche et l’innovation, mais aussi la construction d’un grand marché digital européen, seront d’autres priorités.

Bien avant l’entame de la présidence, le Luxembourg s’est retrouvé sous le feu des projecteurs à cause de sa politique fiscale mais aussi en raison du manque de transparence de sa place financière. Quelle sera la position du gouvernement dans ces deux dossiers, qui risquent d’affaiblir la position du Grand-Duché en tant que chef de file du Conseil de l’UE?

Il est important d’être aujourd’hui parmi les premiers pays à être montés au front pour lutter contre l’évasion mais aussi la fraude fiscale. Les mêmes règles doivent valoir pour chaque pays. Cela n’est pas seulement le cas au niveau européen mais également au niveau de tous les pays de l’OCDE (NDLR  : Organisation de coopération et de développement économiques qui regroupe 34 pays internationaux).

Il est vrai que le Luxembourg possède une place financière surdimensionnée. Mais cela ne peut pas nous être reproché, car d’autres pays ont, par exemple, un secteur automobile surdimensionné.

L ‘économie a besoin d’un système bancaire pour fonctionner. Et sans économie qui tourne, une politique sociale n’est pas possible. Comme le dit justement le ministre des Finances, Pierre Gramegna, notre place financière ne se caractérise plus par son opacité mais par sa compétence, sa transparence et la confiance qu’elle insuffle.

On coopère intensément avec l’OCDE, aussi en ce qui concerne le travail sur la transparence des rulings (NDLR : accords d’optimisation fiscale) et dans la lutte contre l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices (BEPS).

Très tôt, vous vous êtes engagés à trouver une solution pour résoudre la crise des migrants en Méditerranée. Jeudi, les chefs d’État et de gouvernement ont rejeté l’idée d’un quota obligatoire pour assurer une répartition équitable des migrants. Le Luxembourg hérite désormais de cette patate chaude. Croyez-vous toujours à un accord?

Beaucoup de choses ont été cassées jeudi à Bruxelles. Il sera très difficile de les réparer. Cette semaine, je vais encore rencontrer le ministre de l’Intérieur allemand, Thomas de Maizière, et son homologue italien, Angelino Alfano. Je vais en outre me déplacer en Sicile pour me faire une image de la situation sur place.

Pendant ce mois de juillet, je m’engage à tout faire pour trouver une solution positive. On va dresser un inventaire des solutions qui sont possibles sur la base volontaire décidée par le Conseil européen. Mais cela ne sera possible que si tout le monde est prêt à s’engager.

Pour l’instant, on est toujours dans une situation d’urgence. Comment sera-t-il possible de résoudre la crise migratoire à moyen et long termes?

La crise migratoire sera un fil rouge de notre présidence. Beaucoup de choses ont déjà été initiées, notamment en ce qui concerne le sauvetage des naufragés en Méditerranée. Il faut aussi poursuivre la lutte contre les trafiquants, qui continuent à drainer des milliers de personnes dans des conditions affreuses vers les côtes de la Méditerranée.

Ensuite, il faut aussi attaquer le problème à la base. Une meilleure politique de coopération avec les pays touchés par des conflits armés ou des crises humanitaires est nécessaire. L’exemple du Luxembourg, qui investit 1 % du revenu national brut dans sa politique de coopération, devrait être plus largement suivi.

La destruction des chalutiers servant aux migrants reste une option avancée. Les exemples récents du recours à la force, notamment en Libye, ne doivent-ils pas conduire à rester prudent dans cette façon d’agir?

On n’a pas encore de mandat du Conseil de sécurité de l’ONU pour envisager la destruction des chalutiers. Comme je viens de l’évoquer, il faut aussi s’attaquer au problème de base tout en offrant une réponse positive aux migrants.

Je le répète souvent : on est intervenu avec la force armée en Libye et on connaît le résultat. En Syrie, l’intervention est restée plus limitée et le résultat n’est pas plus positif. Il n’existe donc pas de mode d’emploi prédéfini pour briser la misère des gens concernés. Il ne faut pas s’attendre à des miracles dans le domaine de la politique extérieure pendant notre présidence, mais on va continuer à s’engager activement, aussi en ce qui concerne la lutte contre l’État islamique.

Le Luxembourg est réputé pour sa finesse diplomatique. Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, sera votre bras droit lors de cette présidence. Il assurera notamment les relations avec le Parlement européen. Comment voyez-vous la collaboration avec votre collègue ministre?

Je suis content que Nicolas Schmit ait accepté de relever ce défi. Ce n’est pas un choix anodin. En tant qu’ancien diplomate, il a déjà assuré cette mission lors de la présidence luxembourgeoise de 2005. Il a acquis beaucoup d’expérience lors de son passage à la Représentation permanente à Bruxelles. Son travail est reconnu.

À partir de quand pourra-t-on dire que la présidence luxembourgeoise est réussie?

Les défis qui nous attendent sont nombreux. Mais même si, au moment où je vous parle, d’importantes incertitudes persistent, notre présidence sera réussie si on évite la sortie de la Grèce de la zone euro et si on parvient à forger une voie sur laquelle le Royaume-Uni ne persistera pas à quitter l’UE.

Propos recueillis par David Marques

 

Jean Asselborn en bref

ÉTAT CIVIL. Jean Asselborn est né le 27 avril 1949 à Steinfort. Il est marié et père de deux enfants.

FORMATION. Après avoir quitté l’école à l’âge de 18 ans, Jean Asselborn reprend ses études en 1976 en suivant des cours du soir. En octobre 1981, il obtient une maîtrise de droit judiciaire privé à l’université Nancy II.

BOURGMESTRE. Membre du LSAP depuis 1972, Jean Asselborn est bourgmestre de la commune de Steinfort de 1982 à 2004.

DÉPUTÉ. Jean Asselborn est élu pour la première fois à la Chambre en 1984 et y siège jusqu’en 2004. Il est président du groupe parlementaire du LSAP de 1989 à 1997. Il est également président du LSAP de 1997 à 2004.

MINISTRE. Jean Asselborn fait son entrée au gouvernement comme vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en 2004. Reconduit une première fois en 2009, il entame son troisième mandat fin 2013.

Un commentaire

  1. Toute d’abord je souhaite à Mr Jean Asselborn, bonne continuité et de la chance avec le soutien des amis du parlement qu’ont vécu le parcours des crises et autres, son biographie montre et d’après son trajets pédagogique et le professionnalisme qu’il peut s’accrocher lentement a de secoués.
    Ce qui est certaine avoir une bonne stratégie du fonds de problème aboutiras a une solution qui pourrait satisfaire toute le monde. Merci bien, Mr Mr.M.NOURA

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