Après une visite de cinq jours, Nils Muiznieks, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, livre son avis sur les politiques de migration, d’asile et d’intégration du Grand-Duché.
«Bien, mais peut encore mieux faire», cette formule (scolaire) pourrait résumer le sentiment de Nils Muiznieks, le Commissaire des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, après sa visite au Luxembourg. Selon le Letton, des efforts doivent encore être faits au Grand-Duché, notamment en ce qui concerne la détection et l’accompagnement des plus vulnérables ou encore en matière d’intégration.
Le Luxembourg n’aura pas droit à un long rapport de la part du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Après cinq jours de visite au Grand-Duché, Nils Muiznieks a salué, vendredi, «les efforts considérables (du Luxembourg) pour faire face à la crise européenne des migrants et réfugiés en accueillant des demandeurs d’asile et en réinstallant des réfugiés originaires d’autres régions d’Europe et au-delà. Il a su éviter le piège de l’instrumentalisation politique de la question de la migration et le gouvernement ainsi que la société civile ont pris force mesures pour protéger les personnes dans le besoin.»
«C’est un marathon»
En poste depuis le 1er avril 2012, le Letton poursuit en affirmant qu’il est «rassuré» et qu’il a «vu beaucoup de choses positives». Cela signifie-t-il que tout est parfait au Grand-Duché en ce qui concerne les questions de migration, d’asile et d’intégration? Non. Nils Muiznieks rappelle que ces questions ne sont «pas un sprint, mais un marathon». Le Commissaire des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe pointe «des efforts à poursuivre pour intégrer les demandeurs d’asile et les migrants».
Il encourage le Grand-Duché à «faire davantage pour réduire les délais concernant l’examen des demandes d’asile, à informer plus systématiquement les demandeurs de l’avancement de l’examen de leur dossier afin de ne pas les laisser dans l’incertitude et de renforcer leur confiance dans la procédure».
Nils Muiznieks estime également que le Grand-Duché doit en «faire plus» pour repérer parmi les primo-arrivants les personnes vulnérables et en particulier celles ayant été victimes de tortures, de violences sexuelles ou de la traite. «Le Luxembourg doit engager du personnel pour faire face à ces problématiques, indique le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. La plupart des réfugiés qui arrivent maintenant sont traumatisés, il faut les prendre en charge d’une manière professionnelle.»
En mars dernier, le Letton avait pointé du doigt le Luxembourg qui envisageait, dans un projet de loi, de faire passer la durée maximum de rétention de 72 heures à 7 jours : «Un centre de rétention ne doit pas être un endroit où doit séjourner un enfant, même pas une journée. On m’a dit qu’il n’y avait eu qu’un seul cas d’une famille avec un enfant qui est restée plus longtemps que prévu au centre de rétention. J’encourage le Luxembourg à trouver des alternatives au centre de rétention pour les enfants. Il faudrait que les résultats du bilan prévu des activités du centre de rétention, et en particulier de la détention de familles avec enfants, qui devraient être présentés à la Chambre des députés avant la fin de l’année, soient communiqués au grand public.»
Et il y a la Structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (SHUK), située au hall 6 de Luxexpo, qui est un centre de rétention semi-fermé qui accueille les Dublin 3 en instance de départ. «J’ai été désagréablement surpris de voir des tentes dans un hall au Luxembourg quand j’ai visité la SHUK, avoue le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, qui s’est également rendu au foyer Lily Unden et au centre de rétention du Findel pendant son séjour au Grand-Duché. Cette structure ne devrait plus être utilisée.»
Logement, travail, éducation…
Nils Muiznieks, qui a «constaté des disparités entre les foyers d’accueil du pays et que certains devraient être fermés», recommande aux autorités luxembourgeoises «d’engager une réflexion à plus long terme sur l’accès au logement des bénéficiaires d’une protection internationale. Dans la mesure du possible, les autorités devraient essayer de les installer dans des lieux propices à l’intégration, en évitant leur éloignement géographique.»
Sur le sujet du travail, le Letton salue les mesures prises par le gouvernement pour faciliter l’accès des demandeurs d’asile à l’emploi, mais il invite les autorités à envisager l’adoption du projet pilote du Conseil de l’Europe sur un «Passeport européen des qualifications des réfugiés».
En termes d’éducation, le Commissaire des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe salue la politique du Luxembourg pour une intégration de tous les enfants étrangers dans le système éducatif, à un stade très précoce et indépendamment de leur situation au regard de la législation sur l’immigration. Il encourage toutefois les autorités à procéder systématiquement à la collecte et à la publication de données sur les enfants maintenus en classes d’accueil et à les intégrer dès que possible dans le système éducatif ordinaire.
Alors en effet, le Luxembourg ne fera pas l’objet d’un long rapport de la part du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, mais le ministre des Affaires étrangères et européennes, de l’Asile et de l’Immigration, Jean Asselborn, la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen, le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, et le ministre de l’Emploi et du Travail, Nicolas Schmit, doivent s’attendre à recevoir au cours des prochaines semaines «une lettre» de la part de Nils Muiznieks et de son équipe.
Guillaume Chassaing