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Aliments contaminés : «Le principe de précaution l’emporte»


La liste des centaines de produits concernés est disponible en ligne sur le site de la Sécurité alimentaire. (Photo : julien garroy)

Près de 400 références d’aliments contaminés à l’oxyde d’éthylène retirées des rayons au Luxembourg : nouveau scandale ou preuve que le système de sécurité alimentaire fonctionne?

Glaces, préparations au poulet, riz et légumineuses en sachet micro-ondable, épices, condiments, infusions, sauces tomate, biscuits, préparations au thon, foie gras, flans, boissons végétales et même gélules minceur : la liste des produits concernés semble interminable. Et pour cause : des traces d’oxyde d’éthylène, un puissant désinfectant cancérogène interdit en Europe, ont été détectées dans la fabrication de près de 400 références distribuées au Luxembourg – plus de 11 000 chez nos voisins français!

Mais d’où vient exactement cette contamination et surtout, comment expliquer son ampleur? Patrick Hau, commissaire du gouvernement à la qualité, à la fraude et à la sécurité alimentaire au sein du ministère de la Protection des consommateurs, nous éclaire sur les coulisses des procédures de contrôles censées nous protéger.

Tout d’abord, quels sont les moyens dont dispose le Luxembourg pour garantir la sécurité alimentaire?

Patrick Hau : Il y en a plusieurs. D’abord, le pays bénéficie du cadre légal et réglementaire européen qui a mené à la mise en place de 20 systèmes de contrôles au Luxembourg, tout au long de la chaîne alimentaire. Les services de la santé, les services vétérinaires et les services techniques de l’agriculture sont mobilisés.

Ensuite, les exploitants en Europe ont l’obligation de s’autocontrôler : la première responsabilité pour la mise sur le marché de produits conformes leur revient. Cela se traduit par la présence, dans de nombreux établissements, de responsables qualité qui vérifient les procédures internes et font faire des analyses en laboratoire.

Enfin, il y a l’obligation de notification des rappels et retraits : dès qu’un défaut de conformité est détecté dans un produit sur le marché, les autorités doivent être informées et le produit retiré. Au sein de l’UE, un système d’alerte rapide permet d’informer simultanément tous les États membres.

C’est ce système qui a sonné l’alerte dans le cas de cette contamination à l’oxyde d’éthylène?

Oui, c’est ça. La France et la Belgique nous ont signalé des rappels de produits contaminés quasiment en même temps.

Cette vague de produits retirés de la vente serait liée à l’enquête sur les graines de sésame contaminées qui date de 2020. C’est le cas?

Une contamination à l’oxyde d’éthylène avait été découverte l’an dernier par nos collègues belges sur des graines de sésame importées d’Inde. Leur alerte avait alors donné lieu à de nombreux retraits de produits. C’est suite à cela que les États membres ont lancé des programmes de contrôle pour déceler la présence d’oxyde d’éthylène dans d’autres denrées alimentaires.

Ces analyses ont permis d’en détecter notamment dans une matière première, la gomme de caroube, un additif très utilisé par les industriels comme épaississant et stabilisant. Il est présent dans de très nombreux produits mais en faible quantité si bien que parfois, les traces d’oxyde d’éthylène dans le produit fini ne sont même plus décelables en laboratoire. Toutefois, le principe de précaution l’emporte et les produits sont retirés de la vente.

Ce qui explique pourquoi la liste des produits concernés est si longue. 

Tout à fait. Cette liste répertorie tous les produits dont la composition inclut cette gomme de caroube contaminée à l’oxyde d’éthylène : elle est cumulative et mise à jour régulièrement depuis le mois de mai. Comme les produits incriminés y apparaissent jusqu’à leur date de péremption, elle est particulièrement longue car ce sont principalement des glaces qui sont concernées. D’autres références vont encore s’y ajouter.

Une exposition prolongée peut jouer un rôle dans l’apparition de cancers

Qu’est-ce que l’oxyde d’éthylène et en quoi est-ce dangereux pour la santé?

C’est une substance chimique utilisée pour ses propriétés désinfectantes afin d’éviter la prolifération de micro-organismes comme des bactéries ou des moisissures après la récolte de certaines matières premières. En Europe, ce traitement est formellement interdit par la réglementation sur les produits phytopharmaceutiques mais certains pays tiers l’utilisent. En l’occurrence, des fabricants indiens pour le sésame, turcs pour la gomme de caroube, ont exporté vers l’UE leur matière première traitée à l’oxyde d’éthylène, et les contrôles à l’importation ont détecté cette non-conformité.

L’oxyde d’éthylène est cancérogène et génotoxique : une exposition prolongée à cette substance peut jouer un rôle dans l’apparition de certains cancers.

Des produits bios sont concernés alors qu’ils sont censés ne contenir aucune substance chimique. Comment est-ce possible?

La certification bio porte principalement sur le mode de culture via un cahier des charges précis, mais pas sur les critères de sécurité alimentaire. Ces matières premières ont sans doute été traitées à l’oxyde d’éthylène avant leur certification bio, juste après la récolte. Voilà sans doute une faille dans le processus de labellisation bio.

Le système européen a joué son rôle de protection. Pourtant, il a fallu trois réunions de crise à Bruxelles pour décider du retrait de ces produits. Pourquoi?

Parce que la contamination à l’oxyde d’éthylène est un cas particulier qui relève à la fois du règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques et de celui sur la sécurité de la chaîne alimentaire. Or, en les appliquant conjointement, plusieurs interprétations étaient possibles.

Des coordinateurs de crise se sont donc réunis en juin et juillet pour en discuter. Une proposition d’interprétation a été soumise par la Commission puis discutée dans chaque État membre avant d’être validée. Tout ceci a pris un certain temps durant lequel la ligne de conduite à tenir n’était pas claire et certains États (NDLR : l’Allemagne et la Belgique) ont décidé de ne plus procéder aux retraits des produits concernés jusqu’à la fin de ces discussions. Au Luxembourg, nous avons choisi de maintenir la suspension de leur commercialisation, même pendant la période de pourparlers.

Y a-t-il un moyen pour les consommateurs de se prémunir?

Je comprends que, face à cette liste interminable de produits retirés de la vente aujourd’hui, on a cette impression que tout est mauvais mais j’insiste : le système de sécurité alimentaire européen est le plus strict au monde, avec un niveau de sécurité très élevé. Pour les consommateurs, ça veut dire que les produits qui sont mis sur le marché sont sûrs.

Maintenant, il y a toujours de nouveaux paramètres qui apparaissent et nos systèmes de sécurité doivent perpétuellement s’adapter aux dernières connaissances. Certes, des incidents comme celui-ci sont découverts, mais ça montre aussi que le système fonctionne.

Pour les consommateurs, le moyen le plus sûr d’être informé en temps réel à la moindre alerte est de suivre les rappels et retraits de produits que nous publions sur notre site et de s’abonner à notre newsletter.

securite-alimentaire.public.lu 

Christelle Brucker

Patrick Hau. Photo : julien garroy

Un commentaire

  1. Schlemmer wei Paafenblat hei mat der Zensur…???????????..bölleg hobbyjournalisten

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