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[À table avec…] Claude Wiseler : «Ma vision est claire, les autres font de la politique spectacle»


Claude Wiseler, le candidat du CSV, s'est prêté au jeu du petit déjeuner avec plaisir ! (Photo : Julien Garroy)

À l’occasion des élections législatives, Le Quotidien passe à table à l’heure du petit-déjeuner avec les têtes de liste ou les candidats emblématiques. Pour un échange libre et dépourvu de langue de bois.

La journée de la veille s’est prolongée jusque tard dans la soirée et Claude Wiseler en porte encore les stigmates sous les yeux, installé devant son petit noir et son croissant à une table du toujours authentique et pittoresque café Vis-à-Vis, place du Théâtre à Luxembourg, où le temps semble s’être figé. Sa nuit fut courte après le débat électoral organisé par nos confrères de Paperjam au centre culturel Kinneksbond à Mamer, fief du député-maire chrétien-social, Gilles Roth. «C’était frustrant», balance-t-il spontanément pour résumer son sentiment sur l’événement. Cette impression d’être seul contre tous qui ne le lâche pas et qui, selon ses calculs, offrent 75 % du temps de parole à Gambia, son unique adversaire tricéphale.

En face, pourtant, pas de programme commun. «Il y a des nuances entre eux mais ils font bloc contre le CSV», constate-t-il avec un petit sourire désabusé, donc contre lui, potentiel futur Premier ministre. C’est sûr, il a connu position beaucoup plus confortable par le passé, mais c’était un temps où personne ne se souciait d’additionner des temps de parole pour agiter le spectre d’une éventuelle coalition jusqu’à craindre un monstre à quatre têtes.

La question identitaire ne doit pas être éludée. «Il faut se positionner, c’est certain, et le CSV y est attaché, mais ce n’est pas dans l’intérêt du pays d’en faire une priorité". (Photo : Julien Garroy).

La question identitaire ne doit pas être éludée. «Il faut se positionner, c’est certain, et le CSV y est attaché, mais ce n’est pas dans l’intérêt du pays d’en faire une priorité ». (Photo : Julien Garroy).

Seulement tout a changé. Fini le train-train. Le Parti chrétien-social s’est retrouvé tout chamboulé et Claude Wiseler en a profité. Nul besoin de tuer le père pour s’affirmer, un éloignement aura suffi. Idem pour le frère. Le premier chez les eurocrates, le second chez les banquiers et Saint-Paul. Quand tout le monde spéculait sur l’après-Juncker, la majorité pariait sur Luc Frieden pour lui succéder. Sa place d’éventuel dauphin, Claude Wiseler n’y pensait pas. «Cela ne m’intéressait pas, mon nom était cité, mais j’avais du travail, je bossais», lâche-t-il avant de mordre dans son croissant et vendre l’image de celui qui se préoccupe davantage de l’intérêt général que des intérêts particuliers.
Le CSV dans l’opposition a donc été une aubaine pour lui. «J’y ai vu une possibilité de changer les idées, de renouveler le personnel», s’emballe-t-il de suite. Car c’est à cet instant-là qu’il a décidé d’être le meneur. «J’aime ce titre de chef de l’opposition», se plaît-il à dire en ajoutant qu’il lui a fait découvrir «le plaisir de la réflexion».

Son truc c’est la pédagogie

De cette réflexion est né un plan. «J’ai adoré ce travail», avoue-t-il. Meneur, donc rassembleur, Claude Wiseler a enrobé son plan d’ensemble d’une bonne dose de pédagogie, «déformation professionnelle oblige», souligne-t-il, incapable d’en faire mystère. L’ancien prof de français se dit fier d’avoir réussi à persuader des jeunes de rejoindre le parti et satisfait d’avoir pu ainsi renouveler les cadres. Le CSV n’est plus réduit à un seul homme figé sur des affiches, mais à une multitude de fantassins qui avancent avec un plan d’attaque.
Ils bougent beaucoup sur la toile. Les réseaux sociaux, auxquels Claude Wiseler a longtemps résisté, font partie du grand changement dans la façon de faire de la politique. «J’ai longtemps résisté, mais j’ai remarqué que cela permettait un autre contact avec les gens et surtout, ils acquièrent la majorité de leur savoir politique sur les réseaux sociaux», affirme-t-il. Ce littéraire a dû aussi s’habituer «à un autre langage» et il s’amuse toujours des multiples manières d’écrire le luxembourgeois. «Pourquoi vouloir imposer des règles alors que cette liberté orthographique fait tout le charme de notre langue?», questionne-t-il en guise de petite pique à l’adresse des ultras qui s’entassent sur le flanc droit.
La question identitaire ne doit pas être éludée. «Il faut se positionner, c’est certain, et le CSV y est attaché, mais ce n’est pas dans l’intérêt du pays d’en faire une priorité», estime Claude Wiseler qui peste encore et toujours contre le référendum sur le droit de vote des étrangers censé résoudre le déficit démocratique du pays. La violence de ce 80/20 a réussi à désaxer le DP qui, depuis, ne jure plus que par le «Zukunft op Lëtzebuergesch (l’avenir en luxembourgeois)». Claude Wiseler n’en pense rien de bon : «Ils ont choisi leur slogan en toute connaissance de cause, moi je ne joue pas avec ces choses-là», se contente-t-il d’observer.

Incarner le pouvoir de dire non

"Je ne crie pas et je suis poli. A-t-on besoin d'être une brute pour être déterminé ? " (Photo : Julien Garroy)

« Je ne crie pas et je suis poli. A-t-on besoin d’être une brute pour être déterminé ?  » (Photo : Julien Garroy)

Lui, son truc, c’est son plan, celui que ses adversaires passent leur temps à moquer parce qu’il est sans vision. Un «non-plan» qui ne les effraie pas le moins du monde. «Ma vision est claire et elle est contenue dans mon plan. Les autres font de la politique spectacle», leur rétorque-t-il. C’est de bonne guerre.
Mais les programmes sont interchangeables sur bien des aspects et les chrétiens-sociaux ont bien du mal à faire passer leur promesse de croissance quantitativement soutenue mais qualitativement contrôlée. «C’est par une politique fiscale plus attractive que je veux exercer ce choix», explique le candidat Wiseler qui s’est vite habitué à l’usage de la première personne que se réservent les capitaines de tous les bords. Il veut incarner le pouvoir de dire non aux industries qui ne présentent guère de valeur ajoutée mais qui au contraire font plus de mal que de bien au pays.
«Investir dans des start-up signifie investir dans des technologies clés comme l’intelligence artificielle, la robotique, la blockchain, etc. Les start-up doivent disposer partout des meilleures chances et pouvoir développer leurs idées entrepreneuriales innovantes», propose le programme. Les autres partis ne disent pas l’inverse.

Luxembourg comme un centre de santé international

«Nous voulons que le Luxembourg devienne un « Health hub » internationalement reconnu où la recherche, la médecine clinique et l’industrie, qui se trouvent sur un espace réduit mais très interconnecté, seront amenées à fusionner afin de devenir un « carrefour santé transfrontalier » qui puisse s’établir comme un nouveau pilier de notre économie nationale», plaide encore le parti qui veut créer une «Medical and Research School».
Claude Wiseler a beaucoup bûché avant de proposer un projet, jusqu’à imaginer une équipe réduite pour le réaliser. «Quand j’ai vu ce gouvernement avec ses 18 ministres et secrétaires d’État je me suis dit que c’était vraiment pour faire plaisir à tout le monde. Déjà à 15, je trouvais que nous étions nombreux», avoue-t-il. Il ne donne pas un nombre limité de membres dans le gouvernement qu’il se prend à imaginer, sans l’avouer, mais il est à parier qu’il sera plus concentré, à plus d’un titre. «Je veux des ministres qui travaillent, pas des ministres qui font toutes les kermesses», avait-il confié en d’autres lieux.

Geneviève Montaigu

«Le CSV a tout raté et les autres ont tout réussi » ?

Le manque de courage, c’est ce que ses adversaires reprochent depuis longtemps au CSV. «Du courage nous en avons eu quand il s’agissait de maintenir le taux d’investissements en période de crise, ce que nous avons fait», répond-il à Gambia qui se gargarise d’avoir démultiplié les investissements alors qu’ils ont gardé plus ou moins le même taux par rapport au PIB.
Quant aux réalisations proprement dites, elles doivent beaucoup au travail de l’ancien gouvernement. «Je me suis battu pour le tram et contre les réticences du DP, les lignes ferroviaires de Bettembourg ou de Wasserbilig c’était déjà nous», se défend Claude Wiseler. Il voit bien qu’en face le jeu politique a consisté depuis le début à dire que «le CSV avait tout raté et que les autres avaient tout réussi», déclare-t-il, fatigué de devoir rectifier le tir.
Force est de constater que les investissements de l’État et des CFL auront triplé sous ce gouvernement. Très bien, Claude Wiseler compte en rajouter pour la mobilité et pense aussi à développer le réseau routier.
Il a des ambitions et ne s’en cache pas. Bien au contraire, il déploie toute son énergie à convaincre, en expliquant les choses comme un prof qui s’adresse à des élèves.
«Je ne crie pas et je suis poli. A-t-on besoin d’être une brute pour être déterminé?», lâche-t-il avant de terminer son deuxième café.

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