Ivan va-t-il pouvoir bénéficier d’un nouveau procès ? Condamné par défaut, classé parmi les plus dangereux délinquants sexuels, le retrait de son passeport pourrait changer la donne.
Un petit homme entre deux âges apparaît fatigué au milieu des agents de police qui l’entourent dans le box de la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. En janvier 2019, Ivan avait été condamné par défaut à 5 ans d’emprisonnement pour le viol d’une enfant de sept ans dans un centre d’asile à Foetz en février 2016. Pendant que tombait sa sentence, Ivan était à Belgrade et prétend ne pas avoir reçu de convocation à se présenter devant la justice.
Jugé par défaut, puis considéré comme fugitif, l’homme de 42 ans intègre la liste des 17 prédateurs sexuels les plus recherchés d’Europe en octobre 2020 avant de négocier son retour au Luxembourg avec les autorités et de s’opposer à la peine prononcée en s’appuyant sur un délai légal d’opposition contre jugement de 15 jours. Seulement, pour que cette demande soit recevable, la justice doit débattre du moment exact où le jugement lui a été notifié. Cette question devait être tranchée en février dernier par la chambre criminelle. Le parquet avait alors en sa possession un accusé de réception signé, dont la signature est contestée par la défense.
«L’opposition est recevable»
«Pour moi, clairement, il n’y a pas eu notification à personne», indique Me Strasser, conseil d’Ivan. «La signature qui figure sur l’accusé de réception n’est pas celle de mon client.» La signature en question est celle de la responsable du foyer de demandeurs d’asile où résidaient Ivan et sa famille. Les responsables des foyers avaient, à l’époque des faits, comme elle l’a expliqué hier à la barre, pour habitude de signer les accusés de réception des courriers destinés aux résidents du foyer avant de les leur remettre. Elle indiquera également ne pas se souvenir à qui elle a remis le document.
Certainement pas à Ivan, clame Me Strasser, pour la bonne raison que son client ne se trouvait pas au Luxembourg à ce moment-là. Le Kosovare se trouvait en Serbie et son passeport venait de lui être confisqué à la douane, le 3 décembre 2018, selon l’avocat. Il ne l’a récupéré que le 4 novembre 2020. Il avait donc quitté le Luxembourg avant le jugement.
«La décision d’exécution des peines lui a été notifiée le 24 novembre 2020, lorsqu’il est arrivé en prison», note Me Strasser. Intercepté par la police belge le 12 novembre 2020 à l’aéroport de Zaventem, Ivan a été remis aux autorités luxembourgeoises après qu’un mandat d’arrêt européen a été émis à son encontre par le parquet général. Ivan se serait livré sans résistance deux jours après avoir découvert son nom sur la liste des délinquants sexuels les plus dangereux répertoriés par Europol.
«L’opposition date du 5 décembre 2020 en dedans les quinze jours. Donc l’opposition est recevable», estime Me Strasser. Un avis que partage le parquet : «Ivan profite du délai car on ne peut prouver quand il a eu connaissance de cette notification de jugement. Il est revenu au Luxembourg sur base d’un mandat et a reçu l’information de l’existence de ce jugement.»
Ivan et son avocat seront fixés de la recevabilité ou non de leur demande le vendredi 14 mai. Si les juges décident de suivre le parquet, l’affaire pour laquelle Ivan a été condamné en son absence sera rejugée les 15 et 16 juin
Sophie Kieffer