Esch : les réfractaires au confinement prennent 50 et 145 euros d’amende

Le tribunal de police d’Esch n’a pas suivi les réquisitions du parquet, qui réclamait l’amende maximale de 500 euros.

Ils habitent Schifflange et le 11 avril, peu avant midi, ils se trouvaient près de la station-service Q8 à Dudelange. En pleine période de confinement, ce n’était pas le bon plan. Car à part quelques exceptions, les déplacements sur la voie publique étaient interdits. Forcément, les deux voisins, qui marchaient dans la même direction avec une troisième connaissance, n’étaient pas passés inaperçus.

Soupçonnant qu’ils ne respectaient pas le fameux règlement du 18 mars 2020, une patrouille de police, qui passait par là, était allée à leur rencontre. Le contrôle d’identité s’est terminé par une verbalisation. Comme seul l’un des trois hommes avait accepté et payé l’avertissement taxé de 145 euros, les deux autres étaient cités, mi-mai, devant le tribunal de police d’Esch-sur-Alzette. Le juge n’avait toutefois pu se saisir que de l’affaire d’un seul réfractaire, le second n’ayant pas été valablement touché à son adresse. Luis (34 ans) a ainsi été condamné jeudi, à une amende de 50 euros. Le juge a tenu compte de sa situation financière précaire. On est bien loin de la peine maximale de 500 euros requise par le parquet. «Pour tout le monde, c’était difficile de rester à la maison en cette période de confinement strict. Mais c’est dans l’intérêt de la santé publique, pour éviter la propagation du coronavirus», avait argué sa représentante dans son réquisitoire.

Aussi le prévenu de la seconde affaire échappe à la grosse amende. Interpellé le 10 avril vers 22 h 20 boulevard Prince-Henri à Esch en compagnie d’une autre personne, le trentenaire écope, lui, de 145 euros d’amende. Ici aussi, la police avait dû dresser un procès-verbal. Car le duo, n’habitant pas à la même adresse, n’avait même pas daigné se séparer après avoir été averti une première fois. Et seul l’un des deux avait directement réglé par carte bancaire les 145 euros.

Le tribunal compétent… statue en dernier ressort

À noter que le tribunal d’Esch ne se saisissait pas de la première affaire «Covid». Les premiers réfractaires au confinement à être cités devant la justice luxembourgeoise étaient cinq jeunes qui s’étaient réunis le 20 mars au parc de Hesperange. Mais eux ont profité d’une faille et carrément échappé à la condamnation! Le jugement du tribunal de police de Luxembourg, rendu le 25 mai dernier, retient qu’à la date des faits jugés, le règlement grand-ducal du 18 mars 2020, modifié le 20 mars 2020, ne prévoyait l’intervention des juridictions qu’en cas de réclamation formulée contre une amende forfaitaire décidée par le procureur d’État… Il faut en effet attendre les modifications du règlement en date du 8 avril 2020, pour y lire : «En cas de contestation de l’infraction sur place, le procès-verbal est dressé.»

Le nouveau contentieux risque de soulever encore d’autres questions juridiques. Lors des procès à Esch, c’est la question du principe du double degré de juridiction qui existe en matière pénale qui avait été évoquée. Ce dernier permet en effet à tout justiciable, s’il n’est pas satisfait par la première décision, de voir son affaire rejugée par une juridiction supérieure à celle initialement saisie… Le juge s’est prononcé : l’infraction n’étant pas punissable d’une peine d’emprisonnement, il s’agit d’une infraction mineure. Et le tribunal de police statue donc en dernier ressort.

Fabienne Armborst