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Luxleaks : le Luxembourg n’a pas attenté à la liberté d’expression, selon la CEDH


La Cour européenne des droits de l’homme a rendu son avis ce mardi matin dans l’affaire opposant Raphaël Halet au Luxembourg. (illustration Fabrizio Pizzolante)

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé mardi que la justice luxembourgeoise n’avait pas violé les dispositions de la Convention européenne sur la liberté d’expression en condamnant à une amende l’informateur d’un journaliste dans la vaste affaire d’évasion fiscale « Luxleaks ».

Saisie par cet informateur français, Raphaël Halet, qui entendait être pleinement reconnu comme lanceur d’alerte, la CEDH a estimé que les juridictions luxembourgeoises avaient « ménagé en l’espèce un juste équilibre » entre les droits de son employeur, le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC), et sa liberté d’expression.

Raphaël Halet, poursuivi au Luxembourg pour avoir divulgué des documents fiscaux de clients de son employeur, avait été condamné en 2014 à 1 000 euros d’amende en appel. Les juridictions du Grand-Duché, rappelle la CEDH, n’avaient pas admis « le fait justificatif du lanceur d’alerte concernant M. Halet ».

Elles avaient ainsi considéré que « la divulgation des documents couverts par le secret professionnel causait à l’employeur un préjudice – résultant notamment de l’atteinte à sa réputation et de la perte de confiance de ses clients quant au dispositif de sécurité au sein de l’entreprise – supérieur à l’intérêt général ».

Estimant que Raphaël Halet pouvait être considéré « a priori » comme un lanceur d’alerte, les juges européens ont toutefois jugé que les documents qu’il avait divulgués « n’avaient pas un intérêt suffisant pour qu’il puisse être acquitté », la Cour d’appel luxembourgeoise ayant par ailleurs « examiné minutieusement » le dossier.

La CEDH observe également que la justice luxembourgeoise avait tenu compte « à titre de circonstance atténuante, du ‘caractère désintéressé' » du geste de Raphaël Halet « pour lui infliger uniquement une amende d’un montant plutôt faible ». Elle en conclut que cette sanction « relativement modérée » ne produisait « pas un effet réellement dissuasif sur l’exercice de la liberté du requérant ni d’autres salariés ».

Le « combat d’une vie »

Employé par PricewaterhouseCoopers (PwC), Raphaël Halet avait dénoncé auprès d’un journaliste la pratique des « rescrits fiscaux », qui permettait à de nombreuses multinationales de bénéficier de conditions très avantageuses accordées par le fisc luxembourgeois.

Il avait ainsi communiqué, en octobre et décembre 2012, 16 documents utilisés par ce journaliste dans le cadre de l’émission télévisée « Cash Investigation » diffusée en juin 2013 sur la chaîne de télévision France 2.

Dans une interview accordée en mai à l’AFP, Raphaël Halet avait de nouveau dénoncé le « montage industriel de l’évasion fiscale » pratiqué à l’époque au Luxembourg, espérant que la justice européenne lui reconnaîtrait le « statut de lanceur d’alerte ». Ce « marathon » judiciaire est le « combat d’une vie », avait-il souligné.

Avant lui, un autre informateur, Antoine Deltour, auditeur auprès de PwC, avait copié en 2010, à la veille de son départ du cabinet consécutif à sa démission, 45.000 pages de documents confidentiels, dont 20 000 pages de documents fiscaux portant sur 538 dossiers, rappelle encore la CEDH. Ces documents avaient été remis au journaliste qui, tout comme ce premier informateur, avait été acquitté, preuve, selon la CEDH, que les autorités luxembourgeoises s’étaient « livrées à une analyse circonstanciée » de l’affaire.

Le scandale des Luxleaks avait éclaboussé l’ancien président de la Commission européenne et Premier ministre luxembourgeois (1995-2013) Jean-Claude Juncker qui avait reconnu une « grave erreur », concédant avoir « attendu trop longtemps avant de réagir ».

AFP/LQ

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