Au 2e jour de son audition à la barre vendredi, le vieux routier des prétoires Redda B. ne s’est de nouveau pas laissé impressionner. Et il n’a pas hésité à répliquer à la parquetière quand elle l’a interrogé sur les visites qu’on lui rendait en prison en Espagne…
«Il me reste encore à faire quatre années de prison en France. Avec les faits au Luxembourg, je vais sans doute passer la fin de ma vie en prison. Pour moi, ça ne change rien.» Appuyé à la barre, Redda B. (49 ans) ne se laisse pas impressionner. De la prise de tête de la veille en fin d’audience avec Mohamed F., plus aucun signe. Le vieux routier des prétoires donne la suite de son récit bien rodé.
Après l’histoire du prince qui lui avait ouvert la porte au braquage avec séquestration et prise d’otage mi-décembre 2012 à Luxembourg-Eich, place donc au «volet espagnol» vendredi matin au 7e jour du procès. C’est là qu’interviennent dans cette affaire les deux autres prévenus : Daniel V. et Mohamed F. Le duo est poursuivi pour recel et blanchiment. Daniel V., bijoutier avec pignon sur rue à Marbella, ayant notamment vendu une partie des montres de luxe volées…
Redda B. est catégorique sur ce point : «Tout ce qui est argent provenant de montres, c’est Daniel V. et moi.» Certes, il lui aurait un jour demandé quelles marques il pouvait revendre le mieux… mais pas un mot sur son projet de braquage au Luxembourg, jure-t-il. Tout au plus lui aurait-il dit : «Soit prêt à mon retour, si tout va bien.»
«Il aurait pu se contenter d’une 106!»
Et Mohamed F., le quatrième prévenu, celui qui lui aurait servi de «bon conducteur» quand il était en cavale? «Quand j’étais en prison, il a continué son train de vie. Il roulait en Maserati. Il aurait pu se contenter d’une 106!» «Ce n’est pas un délit de dépenser de l’argent», ajoutera néanmoins Redda B.
«Pourquoi vous voyiez-vous donc tous les jours?», tentera de creuser le substitut principal. Là, d’un seul coup, son discours est moins fluide. Extraits :
– Dites-moi clairement ce que vous voulez, cela sera plus simple.
– Parfois, ne rien dire veut aussi dire quelque chose.
– Dites-moi ce que vous voulez savoir!
– De quoi avez-vous parlé?»
Ce qui s’est réellement dit lors de ces visites en prison restera un mystère. Redda B. n’en dira pas non plus beaucoup plus quant à sa tentative d’évasion du centre de rétention en Espagne. «J’avais fait passer le message que j’étais prêt à donner 30 000 euros pour qu’on me fasse sortir. Ensuite, qui était là…»
Ce à quoi il ajoutera uniquement : «Aujourd’hui, je suis encore DPS (détenu particulièrement signalé) à cause de ça. Ce qui me vaut une escorte particulière et de changer régulièrement de prison.»
«Je n’ai pas besoin d’agentes féminines»
Redda B. sera aussi très clair concernant son modus operandi. Pas de place pour les femmes. «J’ai un long casier. Je monte mes affaires tout seul. Je n’ai pas besoin d’agentes féminines.» Tout au plus «pour dépenser…», glissera-t-il encore.
«Il y a l’expression « l’amour rend aveugle ». Dans cette affaire, c’est l’attrait de l’argent qui rend aveugle», s’est lancé Me Philippe Stroesser dans le bal des plaidoiries. L’avocat défendant Ali A., le second braqueur dans cette affaire, a soulevé le «rôle limité» de son client qui aurait surtout conduit le véhicule et assuré la garde des détenus. «La violence n’était pas une option prioritaire. Pour une prise d’otage, on ne peut faire moins traumatisant.» «Quant à la peine, je m’attends à répliquer à Madame le procureur d’État», a conclu Me Stroesser qui conteste l’association de malfaiteurs.
Même refrain du côté de Me Philippe Penning, qui estime que Mohamed F. ne peut être considéré comme le «bras de droit de Redda B.». «Il a généreusement profité de l’argent en Espagne, ça je peux le concéder. Mais il n’a pas participé à la revente des bijoux.»
Suite des plaidoiries mardi matin.
Fabienne Armborst
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