L’administration de l’Enregistrement avait constaté qu’un garage luxembourgeois avait reçu plus de 15 000 euros en liquide par un client sans en vérifier l’origine.
Pour la vente d’une voiture, le garage avait au total encaissé 48 000 euros cash. Parce qu’on lui reproche de ne pas avoir mis en place de mesures appropriées afin de prévenir et d’empêcher les opérations de blanchiment, l’administrateur délégué du garage s’est retrouvé à la barre, lundi. Le parquet lui reproche également de ne pas avoir sensibilisé et formé ses employés au sujet.
« J’ai été mis devant le fait accompli. Mon père a encaissé l’argent » , s’est exclamé, lundi matin, le prévenu de 48 ans. « C’est la première fois que vous parlez de votre père. Lors de votre audition, il n’en était pas question », l’a interpellé la présidente de la chambre correctionnelle au tribunal d’arrondissement.
Les faits qu’on reproche à l’administrateur délégué de ce garage remontent à juillet 2014. À l’époque, un client avait acheté une Maserati dans ce garage pour le prix de 48 000 euros. L’ensemble de la somme avait été payé cash.
Devant les juges, le client a expliqué lundi avoir réglé en liquide en espérant recevoir une dernière remise sur la voiture d’occasion. Il était donc allé retirer les 48 000 euros à sa banque avant de les remettre en une seule fois au vendeur du garage. « J’ai encore proposé une copie du reçu de la banque, mais on n’en a pas voulu », a-t-il ajouté.
C’est à l’occasion d’un contrôle de lutte antiblanchiment que l’administration de l’Enregistrement avait constaté, le 7 novembre 2014, que le garage avait reçu un paiement de plus de 15 000 euros en espèces par un client. À partir de cette somme, on tombe sous le coup de la loi relative à la lutte contre le blanchiment et certaines obligations sont à respecter.
Dans le livre de caisse, l’administration de l’Enregistrement avait découvert cinq transactions qui correspondaient à la facture de la même voiture. La somme de 48 000 euros avait ainsi été inscrite en cinq étapes, à savoir : quatre fois la somme de 10 000 euros et une fois 8 000 euros. «À première vue, on ne peut pas voir que c’est une seule et même opération », a noté le témoin. Interrogé sur-le-champ, l’administrateur délégué avait déclaré qu’il ne savait pas pourquoi cela avait été inscrit de telle manière. « C’est une opération, cela ne change rien », a résumé l’enquêteur du service antiblanchiment en charge du dossier.
Toujours d’après l’enquête, le vendeur a formellement déclaré avoir reçu en personne l’argent et avoir remis ensuite l’ensemble de la somme à l’administrateur délégué. Le caissier, pour sa part, avait affirmé que s’il avait inscrit le montant en cinq fois, c’est qu’il l’avait aussi reçu en cinq fois.
«Cela s’est passé par ignorance»
Le prévenu a affirmé lundi que depuis, les voitures vendues sont uniquement réglées par virement. Les employés auraient également suivi une formation. Selon l’avocat à la défense, Me Michel Karp, « aucune mesure n’a été prise, mais cela s’est passé par ignorance ». Dans sa plaidoirie, il a également soulevé que l’administration de l’Enregistrement a déjà prononcé une amende. Il a demandé la suspension du prononcé.
«C’est le premier garagiste qui arrive avec une telle affaire au tribunal », a entamé le premier substitut Guy Breistroff, lors de son réquisitoire. Mais pour des affaires similaires, des avocats et agents immobiliers auraient déjà été poursuivis. Le parquet a, par ailleurs, rappelé qu’en cas d’opérations avec plus de 15 000 euros en liquide, il faut tenir compte de certaines obligations. « Les biens de grande valeur, c’est un secteur à risque où on peut blanchir de l’argent sale .»
Même si le prévenu conteste, le parquet estime que les faits sont prouvés. « Pourquoi les paiements sont-ils fractionnés dans le livre de caisse? », note-t-il en remarquant, par ailleurs, que les montants ont été comptabilisés à une fausse date. « La société a un avantage compétitif, si elle ne se tient pas aux mesures », a conclu le premier substitut avant de requérir une amende contre le prévenu ainsi que sa société. Le 10 décembre, le tribunal rendra son jugement.
Fabienne Armborst