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Abus sexuels : l’ex-prof condamné à 8 ans de réclusion avec sursis


La chambre criminelle a également prononcé contre le quadragénaire l'interdiction durant dix ans de travailler dans la fonction publique et d'enseigner. (Photo : archives lq)

L’enseignant suspendu du LTB, jugé notamment pour avoir eu des relations sexuelles avec des adolescents qu’il avait rencontrés sur internet, a l’obligation de se soumettre à un traitement.

L’affaire avait éclaté au grand jour à l’automne 2016 lorsque le quadragénaire travaillant au lycée technique de Bonnevoie (LTB), où il était aussi attaché de direction, avait été placé en détention préventive. L’âge des adolescents dont il avait fait la connaissance sur internet sur une plateforme pour homos variait entre 15 et 17 ans. Le hasard avait voulu qu’un élève du LTB reconnaisse son prof sur le site de rencontre. Mais il avait refusé toute rencontre avec lui.

Dans son réquisitoire, le substitut principal Laurent Seck n’avait pas mâché ses mots. Il avait parlé d’un «prédateur sexuel» qui aurait «chassé sur les sites de rencontre». Au total, 14 victimes auraient pu être comptabilisées. Seule une n’avait pu être identifiée. Au moins un des garçons n’aurait pas atteint l’âge de 16 ans au moment des faits. Par conséquent, il ne pouvait donner son consentement, et donc il y aurait bien eu viol. Le parquet reprochait également au prévenu de 47 ans d’avoir incité les mineurs à la prostitution en les payant pour leurs services sexuels et de leur avoir transmis des messages à caractère pornographique. «Il a choisi des mineurs. C’est plus facile et moins cher que d’aller chez les prostitués mâles adultes. »

Le parquet avait requis dix ans de réclusion

Dix ans de réclusion avaient été requis contre l’enseignant suspendu et actuellement sous contrôle judiciaire. Au final, la 9e chambre criminelle est restée en dessous de ces réquisitions. Elle a retenu qu’il y a eu dépassement du délai raisonnable. Par application de circonstances atténuantes, elle l’a condamné, jeudi après-midi, à huit ans de réclusion. L’intégralité de cette peine est assortie du sursis. Placé sous le régime du sursis probatoire pour la durée de cinq ans, le quadragénaire a l’obligation de se soumettre à un traitement psychologique en relation avec ses tendances. Il lui est en outre interdit pour la durée de dix ans de travailler dans la fonction publique, d’enseigner ou d’être employé dans un établissement d’enseignement.

Pour son avocat Me Sébastien Lanoue, «le tribunal a envoyé un signal fort dans deux directions : il est allé presque jusqu’aux réquisitions du ministère public sur la durée de la peine.D’un autre côté, le sursis intégral, c’est ce que nous souhaitions. Le tribunal a entendu et retenu les regrets exprimés par mon client et il a tenu compte des efforts qu’il a faits pour travailler sur lui-même pour faire évoluer sa prise de conscience.» Si la défense parle d’un «message d’encouragement, d’accompagnement», elle rappelle qu’il y a toutefois des «conditions : un suivi est ordonné pour une durée de cinq ans». «Dans ce sens, un message fort est envoyé : « Vous ne pouvez pas aller dans cette direction. Sachez-le. La justice sera là et vous surveillera »», poursuit Me Lanoue heureux que le tribunal donne à son client «la possibilité de poursuivre le travail commencé».

La famille d’une victime se voit allouer 3 000 euros

L’affaire avait fait l’objet d’une rupture du délibéré le 15 janvier dernier. «Afin de permettre au tribunal de pondérer de manière plus juste la peine», l’avocat du prévenu avait fait parvenir après la clôture des débats les conclusions de son neuro-psychiatre. «Il avait une impulsion forte sur laquelle il n’avait pas d’emprise. Par sa thérapie, il a retrouvé un certain contrôle pour ne plus être contraire à la loi», avait ainsi plaidé Me Lanoue fin juin.

Lors du procès, il y avait également eu constitution de parties civiles. Un jeune homme, qui avait déposé plainte pour viol, s’était suicidé en juin 2019. Me Michel Karp, représentant les parents et les frère et sœurs de la victime, avait dès la première audience du procès fin novembre réclamé un total de 320 000 euros de dommages et intérêts. On en est très loin. Les sept membres de la famille se voient au final allouer un total de 3 000 euros. À cela s’ajoutent 3 500 euros d’indemnités de procédure.

Le tribunal a en effet écarté toutes les demandes en indemnisation pour la perte d’un être cher. «La responsabilité par rapport au décès n’intervient pas dans le chef du quadragénaire», résume Me Lanoue. Ce que les juges ont retenu c’est le préjudice ex haerede, c’est-à-dire le préjudice des victimes par ricochet qu’elles exercent au titre de la personne décédée. Un parent peut faire valoir le préjudice qui aurait pu être réclamé par la victime directe si elle avait pu le faire.

«Mon fils est parti, ma douleur est restée»

Présente lors du prononcé avec une partie de la famille, la mère a également réagi à la sortie. Pour elle, «justice n’a pas été faite». Même derrière son masque – crise sanitaire oblige –, son émotion était bien palpable. «Ce sont des enfants de 13 à 17 ans. On est tous des parents. J’ai perdu le mien à cause de ça. Mon fils ne connaissait pas la drogue, il n’était pas alcoolique, il avait un père et une mère travailleurs…» Et d’ajouter : «Mon fils est parti, ma souffrance est restée.» Tout ce qui lui reste aujourd’hui, ce sont ses derniers mots. «Maman, tu sais ce que c’est la douleur de l’âme? Depuis qu’il m’a touché, Maman, il m’a pris mon âme…» «Il lui a tout pris. Je vous le dis franchement. Je ne souhaite cela à personne», dira-t-elle encore.

Toutes les parties ont 40 jours pour interjeter appel.

Fabienne Armborst

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