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Zika : les chercheurs traquent le moustique mâle pour le neutraliser


Une pipette avec des moustiques susceptibles de transmettre le virus du Zika vont être stérilisés dans un des laboratoire de l'AIEA à Seibersdorf, près de Vienne le 10 février 2016. (Photo : AFP)

De jeunes moustiques mâles croissent et prospèrent dans un laboratoire de la banlieue de Vienne, inconscients du sort qui les attend: être stérilisés en masse pour ne plus pouvoir engendrer la moindre descendance susceptible de transmettre des maladies, comme le virus Zika.

C’est l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), plus connue pour son rôle de gendarme du nucléaire dans des dossiers à haute tension diplomatique, qui perfectionne cette technique dite de l’insecte stérile, dans ses labotatoires de Seibersdorf, à 35 km au sud de Vienne.

Le principe semble simple : lâchés en bande sur des zones ciblées, les mâles neutralisés, mais pas chastes pour autant, ont pour mission de séduire les femelles locales. Leur accouplement n’engendrant aucune descendance, la population disparaît par extinction naturelle, à l’issue de conquêtes répétées.

La mise en oeuvre est plus complexe: il faut d’abord isoler les mâles des femelles puis les stériliser par irradiation, lorsqu’il sont au stade de nymphe, en recourant à l’usage du cobalt 60 ou bien des rayons X, un procédé que peaufine l’AIEA depuis de nombreuses années.

«C’est un genre de planning familial pour les insectes», résume Jorge Heindrich, chef de la section de contrôle des insectes parasites de l’organisme, à la tête d’une équipe de chercheurs internationaux.

Grâce à cette technique jugée «plus propre» que l’épandage d’insecticide, la mouche du melon a par exemple été localement rayée de la carte à Okinawa (Japon), la mouche tsé-tsé à Zanzibar (Tanzanie), la mouche du fruit dans certaines régions d’Argentine et d’Afrique du Sud.

Comme la dengue et le chikungunya, également transmis par les moustiques, le virus Zika est désormais dans le collimateur des scientifiques de Seibersdorf.

Changer d’échelle

Leur quotidien, ce sont des milliers de moustiques vibrionnant dans des boîtes carrées couvertes d’un filet serré, sous la lumière crue des néons. La chaleur est tropicale, l’odeur nauséabonde. Un instant de panique irrationnelle saisit les journalistes en visite lorsqu’un insecte se fait la belle et vient bourdonner autour d’eux.

C’est surtout pour les femmes enceintes que le virus Zika représente un danger: il est soupçonné d’entraîner une grave malformation congénitale du foetus, la microcéphalie. A l’origine d’une grande épidémie en Amérique latine, le Zika provoque sinon, dans la plupart des cas, des symptômes grippaux bénins (fièvre, maux de tête, courbatures).

Ce sont les insectes femelles qui transmettent le virus: «elles ont besoin de sang pour produire des oeufs. Les mâles ne se nourrissent que du sucre des fleurs et de nectar», rappelle Rosemary Lees, l’une des chercheuses.

Séparer les mâles des femelles est l’une des principales difficultés techniques en laboratoire, explique Mme Lees devant des boîtes où s’affiche la provenance des moustiques: Brésil, Indonésie, Thaïlande.

Le risque est aussi de relâcher des mâles affaiblis, qui ne seront plus assez forts pour entrer en compétition avec les mâles sauvages.

Une fois sur le terrain, c’est un défi d’une toute autre ampleur encore qui attend les spécialistes: «Nous avons démontré que la technique est efficace sur une petite échelle: nous pouvons cibler la banlieue d’une ville, peut-être jusqu’à 250.000 personnes. Il nous faut maintenant augmenter l’échelle» pour ces moustiques, explique l’entomologiste.

Deux expériences sont en cours, l’une au Soudan dans une région agricole affectée par un paludisme endémique ; l’autre sur l’île de La Réunion à la suite d’une épidémie virulente de chikungunya en 2005-2006.

Lancé en 2009, le projet de La Réunion n’est qu’au seuil de sa phase pilote. La production de moustiques stériles à grand échelle destinés à être lâchés sur la terrain n’a pas commencé.

Une fois terminée l’étude de l’écologie et de la biologie du moustique ciblé, encore faut-il que «les Etats aient la volonté de produire des insectes de synthèse, d’investir dans des installations et une source de rayons efficace», explique Marc Vreysen, chef du laboratoire des insectes nuisibles à la Divison mixte FAO-AIEA.

Et cette technique est surtout efficace en combinaison avec d’autres méthodes, y compris la pulvérisation d’insecticides pour réduire les populations de moustiques.

Une réunion avec les Etats membres de l’AIEA, spécifiquement les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, se tiendra au Brésil fin février pour étudier les possibilités d’application au Zika du procédé de stérilisation des moustiques.

AFP/M.R.

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