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Ukraine : Lyman sous occupation russe, un «retour vers le passé»  


Depuis Kramatorsk, le chef de la police de Lyman raconte son ancienne ville, coupée du monde. (photo AFP)

C’est une vidéo diffusée sur un canal russe. Le « nouveau » chef de la police de Lyman, ville de l’est ukrainien tombée fin mai aux mains des forces de Moscou, explique, radieux, que la population les a accueillis en criant : « Enfin ! la Russie est là, merci ! ».

À Kramatorsk, 42 km plus au sud, Igor Ougnivenko éclate de rire. « Je ne sais pas qui est ce type. » « Non mais regardez-le, assis dans mon bureau, sur la chaise que m’a offerte ma femme ! Regardez l’écusson sur sa veste : URSS ! ». Il secoue la tête, incrédule. « URSS. C’est dingue. »

Le major Igor Ougnivenko se présente toujours comme le chef de la police de Lyman. Il a définitivement quitté la ville le 23 mai, après des semaines de bombardements et une offensive majeure des forces russes qui ont poussé les troupes ukrainiennes à se retirer.

Aujourd’hui basé à Kramatorsk, le centre administratif de la région de Donetsk dont veut s’emparer Moscou, Igor Ougnivenko, toujours en contact avec quelques personnes à Lyman, accepte de raconter, « subjectivement », insiste-t-il, ce qu’il perçoit de la situation dans sa ville ravagée et désormais coupée de l’Ukraine.

Les informations ne peuvent être vérifiées de façon indépendante par l’AFP.

Entreprises saisies

« C’est dur pour la population civile. Il n’y a ni électricité, ni gaz, ni eau. Comment, et si, de l’aide alimentaire est fournie, je ne sais pas », raconte le policier en tenue noire. Il reste quelque 8 000 personnes dans la ville, contre environ 25 000 avant la guerre.

À Lyman, déjà théâtre de combats en 2014 lorsque les séparatistes prorusses soutenus par Moscou se sont emparés d’une partie de la région, beaucoup de civils « attendaient la venue des Russes », reconnaît Igor Ougnivenko. « Aujourd’hui, ils crient que tout va bien, et que l’Union soviétique revient », s’étonne le responsable qui avait quatre ans à la chute de l’URSS.

« Je ne suis pas de la génération de l’Union soviétique. Je l’ai à peine connue. Je suis allé à l’école et à l’université ukrainiennes, je parle parfaitement ukrainien, et je n’ai aucun problème avec l’ouest du pays », auquel nombre d’habitants du Donbass vouent un fort ressentiment, estimant avoir été délaissés et méprisés par Kiev pendant des années.

« Ça paraît fou, mais ce qui se passe à Lyman, c’est un vrai retour au passé. Et une route pour nulle part », soupire-t-il.

Selon lui, des propriétés et entreprises privées ont été saisies et seront « nationalisées » par la République populaire de Donetsk, l’entité autoproclamée par des séparatistes combattant aux côtés des forces russes.

« Monde russe » 

Lyman, ville ouvrière comme de nombreuses localités de la région industrielle du Donbass, a toujours vécu autour du rail et des entreprises ferroviaires, employant près de la moitié de la population.

« Beaucoup d’ouvriers sont restés à Lyman, ils pensaient qu’ils pourraient continuer à travailler. Mais les Russes ont saisi les équipements et transféré le matériel à Debaltsevé, sous contrôle des séparatistes, à quelque 140 km plus au sud, affirme le policier.

« Ce qui me déçoit, c’est que les gens n’ont pas compris ce qui les attendait. Certains ont souhaité pendant des années ‘le monde russe’, mais sont désormais désillusionnés », poursuit-il en secouant la tête. « Quel est l’avenir pour eux ? Rien ! », assène-t-il. « Nous étions peut-être une petite ville, mais nous avions le rail et aussi le centre de traumatologie régional », ouvert en 2015 et rejoint par les meilleurs spécialistes, venus à Lyman après la chute de Donetsk aux mains des séparatistes en 2014, déplore Igor Ougnivenko. Aujourd’hui, l’établissement est partiellement détruit, les médecins sont partis.

Selon le policier, des mouvements limités sont encore autorisés, il reste possible de quitter la ville, mais seulement en direction de la Russie ou des territoires séparatistes. « Moi je veux que mes quatre enfants vivent dans un État de droit et puissent voyager comme ils l’entendent », lance le major Ougnivenko, qui a envoyé sa famille à Dnipro, dans le centre-est du pays.

« Tôt ou tard, nous libérerons nos villes », assure ce policier de 37 ans, dont la vie, comme celle de ses concitoyens, a complètement basculé. « À Lyman, j’avais la maison de mes rêves, une maison en bois de deux étages, à l’orée de la forêt. Elle a été touchée par une frappe, et a brûlé en 15 minutes. »

 

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