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Sida : des années de recherche, toujours pas de vaccin


Plusieurs dizaines de vaccins sont actuellement à l'étude. L'un d'eux, lancé cet été par le laboratoire Moderna, est basé sur la technologie de l'ARN messager qui a fait le succès de son vaccin contre le Covid. (photo AFP)

Plusieurs vaccins contre le Covid-19 trouvés en quelques mois, aucun contre le sida après des années de recherche : comment expliquer un tel écart ? Par la nature du VIH, difficile à neutraliser, même si des essais continuent pour en venir enfin à bout.

Investissements colossaux, procédures accélérées et pistes innovantes de recherche – en réalité en développement depuis des décennies – ont permis l’an dernier à différents vaccins contre le coronavirus de voir le jour en un temps record. Alors qu’est organisée mercredi la journée mondiale de lutte contre le sida, force est de constater que la lutte contre le VIH n’a pas connu le même destin. Et malgré de formidables progrès pour le traiter, il tue encore : 680 000 personnes dans le monde en 2020.

Depuis sa découverte en 1983, la recherche d’un vaccin contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), qui a pour caractéristique d’affaiblir le système immunitaire, n’a pourtant pas flanché. Mais ce virus s’avère, par sa nature, particulièrement complexe à décimer, soulignent les chercheurs. Le VIH « infecte les cellules du système immunitaire » dans l’ADN desquelles il intègre son matériel génétique, explique le Pr Olivier Schwartz, directeur unité virus et immunité à l’Institut Pasteur. Cela le rend beaucoup plus difficile à cibler car ces cellules immunitaires, quand elles ne sont pas sollicitées, traversent des phases dormantes pendant lesquelles le virus passe sous les radars.

Ainsi, alors qu’une première infection contre le SARS-CoV2 – dont on guérit dans la plupart des cas naturellement – permet d’acquérir une immunité, ce n’est pas le cas avec le VIH.

Mutations incessantes

En second lieu, sa variabilité est sans commune mesure avec celle du coronavirus : il « mute beaucoup plus facilement », il est donc « plus difficile de générer des anticorps à large spectre qui pourraient bloquer l’infection », souligne le Pr Schwartz. Or « on sait vacciner contre un variant assez rapidement, mais pas quand un virus mute trop », souligne Nicolas Manel, directeur de recherche à l’Inserm, chef d’équipe à l’Institut Curie.

Récemment, l’essai d’un vaccin en Afrique sub-saharienne, qui devait protéger contre plusieurs variants du VIH, a pris fin en raison d’une efficacité jugée insuffisante.

Pour trouver un vaccin, il faudra que ce soit « un choix majeur, mais le marché est aujourd’hui très faible pour les groupes pharmaceutiques. On déplore un manque d’investissement criant sur cette question », relève aussi Nicolas Manel. « De nombreux chercheurs sont très motivés mais ils font avec les moyens du bord ».

Mettre au point un vaccin reste pourtant a priori la seule manière d’éradiquer totalement le virus, avec lequel vivent encore près de 38 millions de personnes dans le monde. Certes, pour traiter le sida, « on dispose aujourd’hui d’une boîte immunitaire: une trithérapie qui marche merveilleusement bien et des médicaments pouvant prévenir la maladie », rappelle Monsef Benkirane, directeur de recherche à l’Institut de génétique humaine au CNRS. « Mais au-delà de l’accès au traitement, il reste un problème d’adhésion à celui-ci, y compris en Europe », tempère-t-il.

ARN Messager

Plusieurs dizaines de vaccins sont actuellement à l’étude. L’un d’eux, lancé cet été par le laboratoire Moderna, est basé sur la technologie de l’ARN messager qui a fait le succès de son vaccin contre le Covid. « L’utilisation de cette technologie est une nouvelle porte qui s’ouvre, pleine d’espoir pour des virus comme le VIH », veut croire le Pr Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon, spécialiste du sida. Les résultats définitifs ne devraient toutefois pas être connus avant plusieurs années.

« On n’a jamais autant appris sur le système immunitaire que ces dernières années », se félicite Serawit Bruck-Landais, directrice des programmes scientifiques et médicaux de Sidaction. « De là à dire qu’on pourra rapidement mettre au point un vaccin, ce serait beaucoup s’avancer », ajoute-t-elle.

Si l’épidémie de coronavirus a eu un impact très négatif sur la lutte contre le sida en perturbant gravement l’accès aux systèmes de santé, aux dépistages et aux traitements dans de nombreux pays, les chercheurs espèrent toutefois qu’elle permettra aussi des avancées, y compris sur le plan vaccinal. « On n’a jamais autant parlé de santé, de maladies infectieuses, de l’effort collectif nécessaire pour lutter contre une pandémie globale », souligne Serawit Bruck-Landais.

LQ/AFP

 

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