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Restriction des pesticides, bronca des agriculteurs allemands


Depuis des années, le fossé entre le gouvernement allemand et les agriculteurs s'est creusé. Ce projet de loi ne va pas les rapprocher. (illustration AFP)

Le gouvernement allemand a présenté ce mercredi un projet de loi limitant drastiquement l’usage des pesticides autour des cours d’eau et dans les zones naturelles protégées afin d’enrayer le déclin massif des insectes, suscitant la colère du monde agricole.

« La mort des insectes doit être stoppée, dans l’intérêt de tous », a affirmé la ministre de l’Environnement Svenja Schulze en présentant ce projet de loi, dont l’ambition a été saluée par les associations de défense de l’environnement. « Avec ce texte, l’Allemagne se positionne comme un pays avant-gardiste dans la protection des insectes », s’est félicité Martin Dermine, expert pour l’association européenne antipesticides Pan Europe.

Le texte, adopté en Conseil des ministres, vise à restreindre l’utilisation des pesticides pour prévenir le danger d’extinction des populations d’insectes – un phénomène qui touche toute la planète – qui sont des éléments clés des écosystèmes. Berlin va interdire l’utilisation des produits nocifs autour des cours d’eau, dans un périmètre qui sera déterminé au niveau local mais avec une distance limite minimale.

De « nombreux produits phytosanitaires » seront bannis dans les zones naturelles protégées, a assuré le gouvernement, sans toutefois préciser les substances concernées. L’Allemagne a réitéré sa volonté de sortir du glyphosate « fin 2023 », et s’est engagé dès maintenant à « restreindre fortement » son usage. L’actuelle autorisation dans l’UE de cet herbicide, accusé d’être cancérogène par le Circ, une branche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), expire fin 2022. Des mesures contre la pollution lumineuse vont également être mises en place, notamment dans les zones protégées.

Majorité divisée 

Dans les tiroirs depuis 2019, le projet a été maintes fois repoussé en raison de l’opposition de la ministre de l’Agriculture, Julia Klöckner, issue du parti conservateur CDU. Il a été au cœur d’âpres négociations ces derniers jours avec son homologue de l’Environnement, la sociale-démocrate Svenja Schulze.

Plusieurs parlementaires du parti de la chancelière Angela Merkel s’y sont opposés ouvertement, une députée affirmant que « plus d’un million d’hectares » de surfaces agricoles ne pourraient plus être exploités correctement à cause du texte. La loi suscite surtout la colère des organisations agricoles allemandes, qui ont organisé ces derniers jours des manifestations dans les grandes villes du pays. « Sans agriculteurs, pas d’avenir » : à Berlin, plusieurs centaines de tracteurs avaient défilé mardi pour exprimer leur colère.

« Nous ne sommes pas contre la protection des insectes, mais il faut l’adapter à une pratique moderne de l’agriculture », a déclaré Wilke Luers, un exploitant de 28 ans. La DBV, principal syndicat agricole allemand, a écrit la semaine dernière à Angela Merkel, affirmant qu' »au moins 7 % » des terres cultivées dans le pays sont menacées par ce texte. « Chaque kilo de pesticide économisé, chaque kilomètre carré de terre sans pesticide et chaque source de lumière économisée sont positifs pour les insectes et la nature », a au contraire salué l’organisation environnementale BUND.

Fossé entre deux mondes

Le fossé entre agriculteurs et écologistes s’est creusé ces dernières années en Allemagne, alors que les mobilisations pour le climat poussent le gouvernement à en faire plus pour la défense de l’environnement. Berlin va déjà mettre fin à des pratiques controversées en terme de bien-être animal, comme la castration à vif des porcelets ou le broyage des poussins mâles.

Ces réformes suscitent l’incompréhension des agriculteurs, qui estiment ne plus pouvoir faire face à la concurrence internationale, alors que de nombreux pays ne sont pas soumis à ces règles. Si sa ratification est pour le moment au point mort, l’accord de libre-échange conclu en 2019 entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, ouvrant les marchés européens à certaines denrées agricoles sud-américaines, inquiète d’autant plus le monde agricole.

Selon une vaste synthèse d’études dévoilée en 2019, près de la moitié des espèces d’insectes, essentiels aux écosystèmes, sont en déclin dans le monde. Les scientifiques allemands avaient été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme sur cet « apocalypse des insectes » en constatant, sur la base de mesures effectuées durant 30 ans, que près de 80 % des populations avaient déjà disparu dans le pays.

AFP/LQ

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