Accueil | Monde | Pour le chef des Serbes de Bosnie, ce pays est « un concept raté »

Pour le chef des Serbes de Bosnie, ce pays est « un concept raté »


"Je ne suis pas prêt à faire semblant de soutenir un concept raté qui s'appelle la Bosnie-Herzégovine", a prévenu Milorad Dodik. (photo AFP)

La Bosnie-Herzégovine actuelle est « un lieu que personne ne désire », « un concept raté », juge Milorad Dodik, turbulent patron des Serbes de Bosnie qui « réfléchit beaucoup » à un référendum d’indépendance de sa « Republika Srpska ».

Déjà évoqué dans le passé par le turbulent responsable, un tel scrutin ébranlerait le fragile édifice établi par les accords de Dayton, qui avaient mis fin à la guerre intercommunautaire (1992-95).

« Je ne suis pas prêt à faire semblant de soutenir un concept raté qui s’appelle la Bosnie-Herzégovine », a prévenu Milorad Dodik mardi dernier au cours d’un entretien à l’AFP dans son palais présidentiel de Banja Luka (nord), se disant toutefois prêt à travailler « pour assurer la pérennité de la Bosnie telle qu’elle est prévue par la Constitution ».

Aujourd’hui, « la Bosnie-Herzégovine est un lieu que personne ne désire, sauf quelques idéalistes de Sarajevo qui tentent de la préserver ». « D’un point de vue rationnel, elle ne profite à personne », a-t-il insisté. Selon lui, faute de consensus sur son fonctionnement entre les communautés, elle disparaîtra.

Peuplée de 3,5 millions d’habitants, dont une moitié de Bosniaques musulmans et moins d’un tiers de Serbes, la Bosnie est composée d’une entité croato-musulmane et de la « Republika Srpska ». Elles sont unies par de faibles institutions communes, qui ne tiennent que par la volonté de la communauté internationale.

Malgré le veto de la justice et l’ire des responsables musulmans bosniaques, Milorad Dodik a déjà organisé le 25 septembre un référendum pour permettre aux Serbes de Bosnie de continuer à fêter leur propre « fête nationale ».

Il a remporté un plébiscite, avec près de 100% de « oui », infligeant un camouflet à Sarajevo. Milorad Dodik ne s’est pas rendu à une première convocation du parquet de Sarajevo, qui veut l’entendre sur l’organisation de ce référendum.

S’il a répété être prêt à une audition par vidéo ou sur le territoire de la « Republika Srpska », Milorad Dodik exclut de se rendre dans les locaux d’une juridiction qu’il considère « illégale ».

« Mes chemins ne me mènent pas à Sarajevo », « Je suis une cible des musulmans de Sarajevo », « Je n’ai aucun lien avec Sarajevo et rien ne m’attire là-bas », a-t-il répété.

« À contresens sur l’autoroute »

Conforté par la récente victoire de son parti (SNSD) aux municipales, Milorad Dodik a de nouveau évoqué un référendum d’indépendance de la « Republika Srpska »: « J’y pense, j’y réfléchis beaucoup », a-t-il répondu à ce sujet.

Dire cela « peut être utilisé contre moi devant un tribunal, parce qu’en Bosnie-Herzégovine, on n’a pas le droit de penser », « si vous pensez, vous êtes immédiatement considéré comme un ennemi plus grand » que les membres « de l’Etat islamique qui se promènent librement par ici ».

Une allusion aux quelque 330 Bosniaques partis combattre dans les rangs de l’organisation Etat islamique (EI).

Le chef politique des Bosniaques musulmans, Bakir Izetbegovic, reproche à Milorad Dodik de jouer avec « la ligne rouge », 25 ans après la fin d’une guerre qui a fait 100.000 morts et plus de deux millions de déplacés.

Il l’a récemment comparé au chauffeur d’une voiture « à contresens sur l’autoroute, convaincu que des centaines d’autres chauffeurs ont tort », relevant que « l’accident est inévitable » si le pilote « continue dans la même direction ».

« Cela dépend de ma voiture. Peut-être que je peux casser celles qui arrivent en sens inverse, on verra », a rétorqué Milorad Dodik, « ravi de conduire dans le sens opposé » de Bakir Izetbegovic.

« Soit on bâtit une Bosnie respectant la volonté de tous, soit elle n’existera plus. Quand cela adviendra-t-il? Je ne sais pas », a-t-il estimé. Il a accusé l’Occident « d’accélérer le processus de disparition » du pays en dictant sa volonté, en imposant, selon lui, une centralisation du pouvoir.

Il reproche aussi aux Occidentaux de lui envoyer des « ambassadeurs de troisième rang » qui « viennent s’entraîner ici » avant de partir: « Je ne veux pas être leur cobaye ».

Le Quotidien / AFP

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.