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Polémique raciale après la découverte de l’Homo naledi


Une reconstitution de l'Homo naledi réalisée par le paléo-artiste John Gurche et publiée à la Une du numéro d'octobre du magazine National Geographic. (photo AFP)

La récente découverte d’une nouvelle espèce humaine en Afrique du Sud, l’Homo naledi, suscite une vive polémique parmi d’influentes personnalités sud-africaines qui y voient une théorie du « sous-homme » alimentant le racisme dans un pays toujours profondément meurtri par l’apartheid.

« Personne ne va déterrer des os de vieux singes pour soutenir la théorie selon laquelle je descends du babouin, désolé », s’est indigné Zwelinzima Vavi, secrétaire général jusqu’en mars de la très puissante confédération syndicale Cosatu, alliée fidèle du Congrès national africain (ANC) au pouvoir. « J’ai été traité de babouin toute ma vie, tout comme mon père et ses pères. Je ne suis pas le petit-fils d’un grand singe, d’un singe ou d’un babouin. Point final », a-t-il ajouté sur son compte Twitter, suivi par plus de 300 000 personnes.

Alors que le régime ségrégationniste a été officiellement aboli en 1994, la question du racisme, et de ses conséquences socio-économiques, reste au cœur de la société sud-africaine. Malgré des progrès réels depuis plus de 20 ans, les inégalités persistent entre la majorité noire, qui compte 28% de chômeurs, et la minorité blanche, où 10% de la population est sans emploi.

Zwelinzima Vavi a fait ces commentaires après la découverte la semaine dernière d’Homo naledi, une nouvelle espèce du genre humain selon les scientifiques.

Le paléontologue à l’origine de cette découverte – le très médiatique Lee Berger, un Américain rattaché à l’université sud-africaine du Wits – a tenté de garder ses distances vis-à-vis de cette polémique, rappelant que l’homme ne descendait pas du babouin. « Pour nous scientifiques, la recherche des origines de l’homme célèbre les origines communes de l’humanité sur le continent africain. Il s’agit simplement d’explorer la preuve fossile des origines de notre espèce », a-t-il déclaré.

Le corps d’Homo naledi évoque l’homme moderne, tandis que son crâne de la taille d’une orange le rapproche plus des australopithèques (groupe pré-humain), selon les chercheurs à l’origine de cette découverte. Quelque 1 550 fossiles ont été exhumés dans la « chambre aux étoiles », une grotte située sur le site du « Berceau de l’humanité », véritable mine pour les paléontologues depuis des décennies.

Les ossements n’ont pas encore été datés, mais pourraient, selon des chercheurs, permettre d’en savoir davantage sur la transition, il y a environ 2 millions d’années, entre l’australopithèque primitif et le primate du genre homo, notre ancêtre direct.

« Une découverte qui va dans le sens de l’apartheid »

Dans le feu de la polémique, certains vont jusqu’à remettre en cause la théorie de l’évolution, objet pourtant d’un consensus scientifique. Cette théorie « soutient l’idée que nous sommes des sous-hommes. Et à cause de cette théorie, les Africains ne sont pas respectés dans le monde », a réagi le député et ancien chef du groupe parlementaire de l’ANC, Mathole Motshekga.

La découverte d’Homo naledi « semble calculée pour aller dans le sens de ce que l’apartheid et les colons affirmaient, à savoir que nous étions des sous-hommes venus du royaume des animaux. Ils nous ont ainsi nié le statut d’être humain pour justifier l’esclavage, le colonialisme et l’oppression », a-t-il déclaré sur la chaîne d’info en continu eNCA.

Le Conseil sud-africain des églises, une organisation historiquement impliquée dans la lutte contre l’apartheid et qui regroupe notamment les Eglises anglicane et méthodiste, a aussi alimenté la polémique. « A mon frère Vavi, je dis bien vu », a réagi son dirigeant, l’évêque Ziphozihle Siwa, en réponse à l’ex-chef de la Cosatu. « C’est une insulte de dire que nous venons des babouins. Beaucoup d’Occidentaux pensent que les Noirs sont des babouins. »

A l’annonce de la découverte de l’Homo naledi, le vice-président sud-africain et numéro 2 de l’ANC, Cyril Ramaphosa, s’était lui réjoui. Cette avancée souligne que « nous sommes liés par un ancêtre commun », avait-il lancé fièrement, dénonçant implicitement l’absurdité du racisme.

 

AFP / S.A.

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