Les États-Unis ont fait planer mercredi la menace d’un recours à l’option militaire contre l’Iran en cas d’échec de la diplomatie pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme atomique, faisant pour la première fois clairement écho aux avertissements israéliens.
Washington pense « qu’une solution diplomatique est la meilleure manière » d’éviter que la République islamique devienne une puissance nucléaire, a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken lors d’une conférence de presse avec son homologue israélien Yaïr Lapid dans la capitale des États-Unis.
Mais il a manifesté, plus fermement qu’auparavant, son impatience, au moment où les négociations pour sauver l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien sont toujours suspendues depuis juin, dans l’attente que Téhéran accepte de revenir à la table. « Il faut être deux pour dialoguer et nous n’avons pas constaté, à ce stade, de volonté d’en faire autant de la part de l’Iran », a déploré le secrétaire d’État, estimant une nouvelle fois que la « fenêtre de tir » pour revenir dans l’accord était « de plus en plus restreinte ».
« Nous sommes prêts à nous tourner vers d’autres options si l’Iran ne change pas de direction », a-t-il prévenu alors qu’il était interrogé sur la possibilité du recours à la force. « Nous envisagerons toutes les options. » À ses côtés, le ministre israélien a enfoncé le clou, sans être contredit. « En disant ‘d’autres options’, je pense que tout le monde comprend », a-t-il lancé. Yaïr Lapid a d’ailleurs été encore plus explicite au nom de l’État hébreu, opposé de longue date à l’accord de 2015 qu’il juge insuffisant.
« Protéger le monde »
« Le secrétaire d’État Blinken et moi sommes des enfants de survivants de l’Holocauste. Nous savons qu’il y a des moments où les nations doivent avoir recours à la force pour protéger le monde du Mal », a-t-il déclaré. « Israël se réserve le droit d’agir à tout moment, et quels que soient les moyens », a-t-il martelé.
Le chef de la diplomatie israélienne était venu à Washington dans l’intention de réclamer au gouvernement Biden un « plan B alternatif » en cas d’échec de la diplomatie. Et de plus en plus, les Américains évoquent ouvertement la nécessité d’élaborer de telles options. « Nous sommes réalistes. Nous savons qu’il existe au moins une forte possibilité que l’Iran choisisse une autre voie, et nous devons nous coordonner avec Israël et avec nos autres partenaires dans la région », a déclaré mercredi l’émissaire américain pour l’Iran, Rob Malley. Le négociateur américain a annoncé qu’il se rendrait dans les prochains jours en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar pour évoquer ces deux possibilités : les « efforts pour revenir » dans l’accord mais aussi « quelles options nous avons pour contrôler le programme nucléaire iranien si nous n’y parvenons pas ».
L’ex-président américain Donald Trump a claqué la porte en 2018 de cet accord conclu entre l’Iran et les grandes puissances, et a rétabli les sanctions américaines qu’il avait permis de lever. En retour, Téhéran s’est de plus en plus affranchi des restrictions nucléaires. Le président Biden s’est lui dit prêt à revenir dans l’accord à condition que l’Iran renoue aussi avec ses engagements.
« Accords d’Abraham »
Des négociations indirectes entre Washington et Téhéran, par l’intermédiaire des autres signataires, ont démarré en avril à Vienne pour sauver cette entente, mais sont suspendues depuis l’élection en juin d’un nouveau président iranien. Son gouvernement n’a pas encore fixé de date pour un retour à la table des négociations, suscitant une impatience croissante côté américain mais aussi européen. Le négociateur de l’Union européenne Enrique Mora, coordonnateur du texte de 2015, est attendu jeudi à Téhéran.
Antony Blinken et Yaïr Lapid ont aussi tenu mercredi une réunion à trois avec leur homologue émirati, Cheikh Abdallah ben Zayed Al Nahyane, pour tenter de relancer la dynamique du processus de reconnaissance d’Israël par les pays arabes. « Nous sommes déterminés à continuer de faire fructifier les efforts du précédent gouvernement pour élargir, au cours des prochaines années, le cercle des pays aux relations normalisées avec Israël », a dit le secrétaire d’État américain.
Ces « accords d’Abraham » de reconnaissance d’Israël avaient été signés en septembre 2020 par les Émirats et Bahreïn, sous l’égide de Donald Trump qui en a fait l’une de ses principales réussites diplomatiques. Le Maroc avait suivi cet exemple, ainsi que le Soudan, même si la position de ce dernier est aujourd’hui plus incertaine.
LQ/AFP