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Mourir de soif en prison, le scandale qui agite les États-Unis


"Terrill Thomas a enduré une mort atroce. Il a passé sept jours privé d'eau. Des témoins l'ont entendu implorer de l'eau vers la fin", raconte l'avocat. (illustration AP)

Pour être trop bruyant en détention, Terrill Thomas a eu l’eau coupée durant sept jours dans sa cellule d’une prison américaine : il en est mort et son cas fait des remous dans un pays à la politique carcérale très controversée.

Le décès de ce Noir de 38 ans remonte au 24 avril 2016, mais il aura fallu un an pile pour qu’un jury indépendant commence à en examiner les circonstances. Annoncées lundi, après deux heures seulement de délibérations, les conclusions de ces six jurés sont implacables : il existe selon eux des « motifs raisonnables » pour inculper sept agents pénitentiaires du comté de Milwaukee, la principale ville de l’État du Wisconsin.

Traité comme une bête

Les jours d’audience précédents ont permis d’en savoir davantage sur Terrill Thomas, qui souffrait d’une pathologie psychique. Ses agissements apparemment erratiques l’avaient conduit à ouvrir le feu sur la voie publique, blessant gravement une personne au thorax. Il s’était ensuite rendu dans un casino où il avait tiré en l’air. Il avait été écroué dans la maison d’arrêt du shérif local, ainsi que le prévoit la loi dans certaines régions de l’Amérique. « Ils l’ont jeté dans une cellule à l’isolement, sans matelas, ni couverture, ni oreiller. Ils lui simplement donné du Nutriloaf, une nourriture à peine comestible », relate Erik Heipt, l’avocat représentant la famille Thomas.

Mêlant des céréales à de la viande et à d’autres aliments broyés et cuits sous la forme d’un pain compacté, le Nutriloaf est servi comme mesure disciplinaire dans les prisons américaines. Les troubles bipolaires du prisonnier auraient dû plutôt lui valoir un traitement médicamenteux. En fait de quoi les gardiens, irrités qu’il ne conserve pas son calme, ont décidé de couper les conduites alimentant le lavabo et les W.C. de sa cellule minuscule.

« Terrill Thomas souffrait d’une crise de santé mentale. Au lieu de répondre à ses graves besoins médicaux, la prison du comté de Milwaukee County l’a puni », dénonce Erik Heipt. Le calvaire du détenu va durer sept jours, au cours desquels il perd 16 kilos. Il sombre dans une profonde faiblesse et expire finalement sur le sol bétonné de sa cellule. Son avocat n’hésite pas à parler de torture. « Terrill Thomas a enduré une mort atroce. Il a passé sept jours privé d’eau. Des témoins l’ont entendu implorer de l’eau vers la fin », poursuit-il.

Un shérif radical dans le viseur

Face à la gravité des faits présumés, le procureur local a choisi la voie d’un jury indépendant pour évaluer le niveau de responsabilité des personnels pénitentiaires. Le procureur conserve toutefois le choix de suivre ou pas les recommandations des jurés. Erik Heipt s’attend à des inculpations pénales et entend porter l’affaire devant la justice fédérale. Le scandale place en difficulté le très médiatique shérif de Milwaukee, David Clarke, dans la prison duquel est mort Terrill Thomas.

Ce Noir ultra-conservateur, au chapeau de cow-boy vissé sur le crâne, est connu pour ses interventions et déclarations à l’emporte-pièce sur Fox News ou à la tribune de la National Rifle Association (NRA), le premier lobby des armes américain. Il a ardemment soutenu Donald Trump durant sa campagne présidentielle, recevant l’honneur de s’exprimer à la tribune de la convention d’investiture républicaine. Selon le Milwaukee Journal Sentinel, le shérif Clarke s’est emporté contre le médecin en chef du comté de Milwaukee, qui a conclu que la mort de Terrill Thomas était un homicide. Mais, dans un communiqué lapidaire lundi, il a dit « respecter la procédure » du jury. Les conclusions des jurés « ne sont que des recommandations », selon lui.

L’État du Wisconsin, qui n’avait pas voté républicain à une présidentielle depuis 1984, a réservé la plus grosse surprise de l’élection 2016 en choisissant Donald Trump. L’affaire Thomas y fait des vagues. Lundi, des milliers de manifestants ont dénoncé à Milwaukee les politiques du président Trump et du shérif Clarke.

Le Quotidien/AFP

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