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Loi Bâillon – L’Espagne est-elle sur les traces de Franco ?


L'ensemble des mouvements populaires, comme le célèbre mouvement des indignés, des dans la ligne de mire de la loi bâillon. (Photo : AFP)

Depuis le 1er juillet, le pays dispose d’une nouvelle loi visant à faire taire la contestation populaire. Le seul fait de manifester dans la rue est passible de 600000 euros d’amende sans passer devant un juge.

La loi «bâillon» va empêcher le citoyen espagnol d’exercer un droit pourtant fondamental dans toute démocratie, celui de manifester. Cette disposition rappelle la censure et le diktat de l’époque de l’Espagne de Franco, qui finalement, n’a peut-être pas tout à fait disparu du paysage politique du pays.

Depuis ce 1er juillet, l’Espagne possède un arsenal législatif de 44 mesures regroupé sous la loi de sécurité citoyenne, appelée plus communément «loi bâillon» par la population (ley mordoza, en version originale) parce qu’elle vise à éteindre la contestation populaire qui prend tous les jours un peu plus d’importance à l’heure où Podemos, les solutions alternatives des mouvements des indignés (15-M) ou encore de la Plateforme des affectés par l’hypothèque (PAH) gagnent du terrain dans l’opinion publique, avec le but de faire sortir l’Espagne du marasme économique et social dans lequel elle se trouve.

Le Parti populaire, au pouvoir en Espagne, a réussi à rassembler l’ensemble de la droite, toute la droite. Fondé par Manuel Fraga, ancien ministre de Franco, le parti de la droite conservatrice est actuellement présidé par Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol. Alors que la majorité des manifestations en Espagne ont, depuis la crise de 2008, été pacifiques, le gouvernement Rajoy s’est attaqué, dès 2014, à la lutte contre les rassemblements violents.

C’est à ce moment-là que la loi de sécurité citoyenne a vu le jour. Très controversée, même par les autorités judiciaires du pays, de par son coté très répressif, le texte initial a été revu par Mariano Rajoy, tout en maintenant les sanctions extrêmement sévères à l’encontre des manifestants. Pour faire court, la loi interdit purement et simplement toute défiance envers les autorités, toute manifestation, le fait de relayer un appel à manifester ou encore d’y participer.

Les amendes pouvant, sans passer devant un juge, aller de 100 euros à 600 000 euros pour «l’organisation de manifestations non autorisées dans des infrastructures publiques susceptibles de mettre en danger les personnes ou de perturber le fonctionnement des services publics» ou encore pour des rassemblements «non autorisés» autour du Congrès des députés, du Sénat ou des assemblées régionales.

Consternation générale

Devant ces mesures dignes des heures les plus noires qu’a connues l’Espagne, alors dirigée par un général Franco ne laissant que très peu de place à la démocratie, plus d’une centaine d’associations et d’organisations militant pour les droits de l’homme ont fait consensus pour lutter contre cette loi en se regroupant sous le collectif «Nous ne sommes pas un délit» et en organisant une manifestation d’hologrammes dans les rues de Madrid.

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) se sont insurgés contre cette loi qui, selon eux, n’est pas conforme aux normes internationales et européennes tout en violant les libertés publiques des citoyens. De son coté, Nils Muiznieks, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a souligné «la menace que présente la loi sur l’exercice du droit de réunion pacifique» insistant pour qu’elle soit retirée de la version finale du texte, sans résultat.

Le droit de manifester coûte donc très cher en Espagne, qui a réussi à mettre un prix sur la liberté d’expression de ses citoyens.

En violation du droit international

En 2014, Amnesty International a publié Spain: The Right to Protest under Threat, à propos des menaces planant sur le droit de manifester en Espagne. Dans ce rapport, l’association qui défend les droits de l’homme conclut que «les autorités espagnoles , en particulier le gouvernement et le Parlement , devraient examiner la législation, les politiques et les pratiques relatives aux assemblées et manifestations publiques de manière à assurer et faciliter l’exercice effectif des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, conformément aux obligations internationales des droits humains de l’Espagne».

Amnesty International conçoit que la crise économique de 2008 a généré une vague de protestations de la part de nombreux mouvements sociaux, mais la grande majorité des manifestations ont été pacifiques. La réponse du gouvernement espagnol a cependant été la répression au lieu de combler les lacunes déjà existantes dans la législation espagnole en matière de manifestation.

«Plutôt que de chercher à les combler et à consolider la liberté de réunion pacifique, le gouvernement a soumis une proposition législative qui permet d’accroître les sanctions à l’encontre des organisateurs de la manifestation et des participants pour avoir exercé pacifiquement le droit à la liberté de réunion, et ce, en violation des obligations de l’Espagne en vertu du droit international.»

Jeremy Zabatta

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