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L’esplanade des Mosquées, une poudrière qui menace d’exploser


Des femmes appartenant au groupe des mourabitates (sentinelles) manifestent le 16 septembre 2015 contre l'afflux récent de visiteurs juifs sur l'esplanade des Mosquées. (Photo : AFP)

L’esplanade des Mosquées à Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam et site le plus sacré pour les juifs, vient de connaître trois jours d’affrontements et les craintes sont grandes d’une plus forte éruption de violences qui risquerait de secouer toute la région.

Pourquoi le lieu est-il une poudrière ?

L’esplanade des Mosquées, ou mont du Temple dans l’appellation juive, est le troisième lieu saint de l’islam après la Grande Mosquée de La Mecque et la Mosquée du Prophète de Médine, en Arabie saoudite. L’emblématique dôme du Rocher qui s’y trouve se dresse sur le rocher d’où le prophète Mahomet serait monté au ciel sur sa jument ailée, al-Bouraq. Tout près se trouve la mosquée Al-Aqsa qui donne souvent son nom à l’esplanade.

Le site est pour les juifs l’endroit où se manifeste le mieux la présence divine. C’est là que s’élevait le premier temple juif selon la Bible et le second, détruits successivement par les Babyloniens et les Romains.

Il est situé à Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem occupée en 1967 par Israël et annexée, donc au coeur du conflit-palestinien. Des deux côtés, il est un symbole religieux et/ou national intangible. C’est tout Jérusalem qui est en proie aux violences depuis des mois. Mais l’esplanade sublime les convictions et les antagonismes en une formule hautement volatile.

La seconde Intifada a éclaté en septembre 2000 après la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade. En 1996, le percement d’un tunnel le long de l’esplanade avait provoqué des affrontements qui avaient fait des dizaines de morts palestiniens et israéliens.

D’où viennent les tensions ?

D’un afflux récent de visiteurs juifs sur l’esplanade, coïncidant non seulement avec les fêtes du Nouvel an juif au début de la semaine, mais plus largement avec la montée en puissance des nationalistes religieux israéliens et de leurs prétentions sur l’esplanade, disent les experts.

Les Palestiniens vivent dans la crainte permanente d’une remise en cause du «statu quo» par lequel sont régis les lieux et au-delà, d’une prise de contrôle par Israël. Israël s’est emparé en 1967 de Jérusalem-Est et de l’esplanade. La Jordanie reste la gardienne de l’esplanade, administrée au quotidien par une fondation musulmane. Mais Israël contrôle totalement les accès.

«Le site illustre l’exclusion politique des Palestiniens de ce qu’ils considèrent comme leur capitale», disait l’International Crisis Group dans un document récent.

Mais surtout, bien au-delà de l’enjeu national, en touchant à Al-Aqsa, «on touche au symbole pur (…) à la sacralité», dit à l’AFP l’islamologue Mathieu Guidère.

Aussi le mouvement de défense de la mosquée d’Al-Aqsa, que soutiennent les factions et autorités palestiniennes, est-il essentiellement spontané. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu accuse ces dernières d’attiser les haines. Une partie des défenseurs proclamés d’Al-Aqsa sont financés par des organisations hostiles, dit Israël.

Netanyahu veut-il changer la donne ?

M. Netanyahu assure constamment n’avoir aucune intention de toucher au statu quo.

Les juifs et les touristes non-musulmans sont autorisés à la visite dans la matinée cinq jours sur sept. Mais les juifs sont interdits de prière. Les tentatives de passer outre donnent régulièrement lieu à des incidents avec les musulmans.

Ceux-ci ont accès à tout moment, sauf quand Israël impose des restrictions d’âge dans des périodes de tensions. Dans un contexte d’après-guerre à Gaza, de telles restrictions et la fermeture complète de l’esplanade le 30 octobre, pour la première fois depuis des années, avaient fait craindre une troisième Intifada à l’automne 2014.

M. Netanyahu avait alors limité les visites de juifs et surtout de hauts responsables. Mais elles ont repris, dit Nathan Thrall, de l’International Crisis Group, comme celle, dimanche, du ministre de l’Agriculture Uri Ariel, partisan du droit des juifs à prier sur l’esplanade et de la construction du troisième temple.

M. Netanyahu semble soucieux de préserver la relation stratégique avec la Jordanie. Avec la tourmente régionale, l’esplanade est aussi «le point d’ancrage restant de la cause palestinienne dans le monde musulman», dit M. Guidère.

Mais il «a très, très peu de marge de manoeuvre» avec une coalition gouvernementale précaire qui fait une place de choix aux nationalistes religieux, dit M. Thrall.

Quels sont les risques ?

L’esplanade des Mosquées va au-devant d’une nouvelle période délicate. Le mouvement islamiste Hamas qui contrôle la bande de Gaza a appelé à une «journée de rage» vendredi, jour de prière hebdomadaire. Chacun envisage avec inquiétude la collision, mercredi, du jour du Grand Pardon (Yom Kippour, la fête juive la plus solennelle) et de l’Aïd el-Adha (fête du Sacrifice), le moment fort du calendrier musulman.

La semaine suivante, les célébrations juives de Souccot devraient conduire de nombreux juifs sur l’esplanade. Les musulmans peuvent prendre mal les limitations de circulation imposées à Kippour quand ils fêtent l’Aïd.

AFP/M.R.

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