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Les maires de Catalogne, entre euphorie et crispation


Les catalans ont avancé la date du référendum sur l'indépendance de la région, au grand dam de Madrid (Photo: AFP)

Les maires de Catalogne préparent déjà le référendum sur l’indépendance du 1er octobre prochain, pourtant interdit par Madrid.

« C’est un rêve qui devient réalité », jubile Eudald Calvo, les yeux noisette brillants. Le maire de 31 ans est déjà plongé dans les préparatifs du référendum d’indépendance convoqué le 1er octobre par les dirigeants de Catalogne, considéré anticonstitutionnel par Madrid. Le jeune homme a transmis sans hésiter la liste, demandée par le gouvernement régional, des bureaux de vote de la coquette bourgade d’Argentona, blottie entre collines et mer à une trentaine de kilomètres au nord-est de Barcelone. Quatre écoles et deux salles municipales seront disponibles le 1er octobre pour les 12.000 habitants, dont certains ornent déjà leurs balcons de pancartes « Oui » à l’indépendance.

Exactement le scénario que veut à tout prix éviter le gouvernement espagnol, qui a averti les édiles du risque de poursuites, y compris pénales. « Ca me paraît difficile de penser qu’ils puissent mettre tous les maires en prison », balaie l’élu de la CUP (gauche radicale séparatiste). Le risque d’inéligibilité? « Je reprendrai mon métier d’économiste », sourit-il en haussant les épaules.

Eudald Calvo s’attend à une forte participation dans sa ville: il ira voter en compagnie de ses nombreux oncles, tantes et cousins, devenus indépendantistes ces dernières années face au refus de Madrid de concéder plus d’autonomie aux Catalans. A dix minutes de route, la journée a des airs de cauchemar pour le maire socialiste de Mataro, 120.000 habitants, qui refuse de communiquer la liste des bureaux de vote aux indépendantistes. « Quand j’ai été élu, ma promesse était de faire respecter la loi. C’est ce que je dois faire aujourd’hui », martèle David Bote Paz, 35 ans, en référence à la Constitution espagnole. Crispé sous sa barbe noire et ses lunettes rouges, le colosse enchaîne les rendez-vous avec la presse: il est l’un des rares maires de la région ayant formellement manifesté son refus au référendum.

Sur les 948 municipalités de Catalogne, 674, principalement de petite taille, se sont déjà engagées à organiser la consultation. Mais seules trois des dix villes les plus peuplées ont pour l’instant accepté.

Les lois « pas inamovibles »

Sous pression, le maire de Mataro? Son téléphone est plein de messages, « des uns et des autres » (pro ou anti référendum), concède-t-il, tandis que la fronde monte parmi les élus indépendantistes du conseil municipal. La veille, des administrés ont manifesté sous ses fenêtres pour pouvoir participer au référendum. L’élu rejette les accusations de déni de démocratie: les lois espagnoles en vigueur « ont elles aussi été validées par des votes », il faut donc les respecter martèle-t-il.

Mais « les lois ne sont pas inamovibles, elles évoluent, souvent plus lentement que la société », rétorque placidement Joaquim Tremoleda, assis dans son fauteuil de maire de Llado, 800 habitants, 120 kilomètres plus au nord. Les Pyrénées à l’horizon, cette zone rurale passe pour l’une des plus farouchement indépendantistes de Catalogne.

Le référendum aura lieu dans l’unique bureau de vote du joli village, à côté de l’église arborant le drapeau catalan à rayures jaune et rouge, étoile blanche sur fond bleu. « Le simple fait de pouvoir mettre des urnes » est déjà un premier pas important, estime-t-il. Mais si la police vient les confisquer « je ne veux pas de confrontation », assure-t-il, jugeant peu probable des violences.

Toutefois, « si (le référendum) avorte, les réactions en faveur de l’indépendance se multiplieront », prédit M. Tremoleda, archéologue quinquagénaire fraîchement entré en politique. Même sympathisants de la cause catalane, tous les élus n’ont pas encore tranché. Outre le dilemme politique, tous n’ont pas de carrière sur laquelle se rabattre en cas d’ennuis judiciaires. « Pas loin d’ici, il y a un maire (d’un parti indépendantiste) qui hésite encore. Il dit +vous comprenez, mon travail c’est la mairie+ », glisse M. Tremoleda. L’AFP a tenté de joindre ce maire, qui n’a pas répondu à ses appels.

La plus puissante de tous, la maire de gauche de Barcelone Ada Colau, tergiverse. Favorable à la consultation, elle a aussi estimé qu’en l’état elle manquait de « garanties » permettant à l’ensemble des Catalans participer à ce débat crucial, au risque de laisser de côté « la moitié de la Catalogne ». Elle a aussi indiqué vouloir protéger les fonctionnaires municipaux des poursuites.

La participation dans sa cité de 1,6 million d’habitants, moins pro-indépendantiste que les zone rurales, jouera un rôle-clé pour la crédibilité du référendum.

Le Quotidien / AFP

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