Accueil | Monde | La question du bouclier antimissile met en lumière les divisions sur la Corée du Nord

La question du bouclier antimissile met en lumière les divisions sur la Corée du Nord


La ville chinoise de Dandong en face de la ville nord-coréenne de Sinuiju. (photo AFP)

L’annonce de pourparlers sur le déploiement en Corée du Sud d’un bouclier antimissile américain après le tir d’une fusée nord-coréenne constitue une pression supplémentaire pour que Pékin fasse rentrer Pyongyang dans le rang, estiment les analystes.

Cela met aussi en lumière les dangers pour la communauté internationale de réagir de manière dispersée face à la menace militaire nord-coréenne accrue, et pourrait présager d’une course aux armements si la Chine se sentait menacée.

Peu après le tir nord-coréen dimanche, les responsables militaires américains et sud-coréens ont annoncé l’ouverture de discussions officielles sur la mise en place du système dit THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), bouclier antimissile parmi les plus sophistiqués du monde.

Yoo Jeh-Seung, ministre adjoint sud-coréen de la Défense, a invoqué « les menaces croissantes de la Corée du Nord », après le quatrième essai nucléaire mené par Pyongyang le 6 janvier et le tir de dimanche largement considéré comme un test déguisé de missile balistique.

« Cet essai nucléaire associé aux tests de technologie de missiles balistiques (…) renforcent nécessairement l’argument selon lequel Séoul a besoin d’améliorer son système de défense », commente Ben Goodlad, analyste chez IHS Aerospace, Defence and Security.

Au-delà de cet impératif stratégique, existe aussi une explication diplomatique: le déploiement du bouclier pourrait être motivé moins par ce que fait la Corée du Nord que par ce que ne fait pas la Chine.

Pékin est le principal protecteur de Pyongyang. Washington comme Séoul font pression sur la Chine pour qu’elle adopte une attitude plus ferme face au programme d’armements nucléaires nord-coréen.

Mais la Chine redoute un effondrement du régime à sa frontière. Elle a déjà freiné des quatre fers par le passé et semble déterminée à continuer à résister à des sanctions trop lourdes au moment où le Conseil de sécurité de l’ONU se demande comment réagir aux dernières « provocations » nord-coréennes.

D’après Joel Wit, analyste à l’Institut américano-coréen de l’Université Johns Hopkins, c’est la frustration à l’égard de Pékin qui fait avancer l’idée de déployer le système THAAD en Corée du Sud.

« C’est un moyen d’envoyer un signal à la Chine, dire que ce que fait la Corée du Nord a de réelles conséquences, y compris pour les propres intérêts de Pékin en matière de sécurité ».

Efforts de rapprochement avec Pékin

La réaction de la Chine ne s’est pas fait attendre. Si elle n’a fait que regretter le lancement de la fusée, elle s’est dite « profondément préoccupée » par l’arrivée de THAAD.

D’après Pékin, un tel déploiement ne ferait qu’aggraver les tensions sur la péninsule et nuire aux efforts pour lutter contre le programme nucléaire nord-coréen. « Nous exigeons la prudence des pays concernés », a dit une porte-parole.

Pékin perçoit le système THAAD comme une menace pour sa propre politique de dissuasion nucléaire. Il pourrait servir à surveiller les tirs de missile chinois aussi loin que Xian, dans le nord-ouest, fait-elle valoir.

La Chine est le principal partenaire commercial de la Corée du Sud et jusqu’à présent, Séoul s’était abstenue d’évoquer le système THAAD officiellement.

La Corée du Sud avait mis en place son propre système destiné à intercepter des missiles de courte et de moyenne portée au moyen d’engins similaires aux Patriot.

Parallèlement, la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye n’a pas ménagé ses efforts pour rapprocher son pays de la Chine, tissant des liens personnels avec le président chinois Xi Jinping dans l’espoir de développer un véritable partenariat stratégique.

Les relations bilatérales se sont améliorées, mais laissent toujours à désirer pour Séoul en ce qui concerne Pyongyang.

L’ouverture des discussions sur le système THAAD « est un message pour la Chine. Si elle ne veut pas gérer la Corée du Nord, on le fera à notre manière », explique Paul Carrol, analyste au cabinet Ploughshares Fund.

« Et clairement, il y a danger. Si la Chine et les Etats-Unis n’arrivent pas à s’accorder sur une approche commune envers la Corée du Nord, il n’y aura aucun progrès et la situation va empirer ».

Une batterie THAAD est déjà déployée sur l’île de Guam, dans l’océan Pacifique, et le Japon, autre allié clé des Etats-Unis dans la région, envisage d’adopter le système.

« Les pressions sur Washington pour qu’il augmente sa couverture protectrice chez ses alliés ne va faire qu’augmenter, et il y a un vrai potentiel de tensions et d’instabilité régionales », ajoute M. Wit.

« Au lieu de limiter les ambitions nucléaires de la Corée du Nord, on aura une course aux armements ».

 

Le Quotidien / AFP

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.