Plusieurs centaines de Hongkongais ont bravé jeudi l’interdiction de rassemblement pour se regrouper dans un parc du centre de la ville afin de marquer le 31ème anniversaire de la répression de Tiananmen, sur fond de fortes tensions quant à l’influence de Pékin.
Pour la première fois en 30 ans, la police n’avait pas donné son feu vert à la tenue de cette traditionnelle veillée, en citant les risques liés au coronavirus. Alors que les Hongkongais se préparaient à marquer l’événement en ordre dispersé dans tout le territoire, quelques manifestants ont retiré les barrières qui avaient été installées autour du Parc Victoria, avant qu’un groupe plus nombreux n’y pénètre et se rassemble sur les terrains de football en scandant des slogans.
« Tout ce que nous pouvons faire, c’est parler »
« Voilà 30 ans que je viens chaque année pour la veillée à la mémoire des victimes de la répression du 4 juin, mais cette année, cela a encore plus d’importance », a déclaré un homme de 74 ans se faisant appeler Yip. « Parce que Hong Kong vit le même genre de répression menée par le même régime, comme ce qui s’est passé à Pékin », a-t-il ajouté. « Nous n’avons pas d’arme. Tout ce que nous pouvons faire, c’est parler. »
Signe que la crise politique dans l’ex-colonie britannique est loin d’être terminée, son Parlement a finalement adopté jeudi après-midi dans des conditions houleuses un texte très controversé criminalisant tout outrage à l’hymne national chinois. Les élus de l’opposition pro-démocratie se sont refusés à participer à ce vote perdu d’avance, et l’un d’eux a déversé un mélange fétide d’engrais liquide dans la chambre pour perturber le travail législatif. Les adversaires du texte y voient la dernière tentative en date de Pékin pour rogner les libertés locales théoriquement garanties jusqu’en 2047 par l’accord de rétrocession.
Et le fait qu’elle soit votée le jour anniversaire de Tiananmen n’a fait qu’accroître leur émoi. La sanglante intervention de l’armée chinoise dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 avait mis fin à sept semaines de manifestations d’étudiants et d’ouvriers qui dénonçaient la corruption et réclamaient la démocratie en Chine. La répression avait fait entre plusieurs centaines et plus d’un millier de morts. Le sujet est tabou en Chine. Jeudi matin à Pékin, un photographe de l’AFP a été stoppé par la police, qui l’a obligé à effacer la plupart de ses clichés, alors qu’il circulait près de Tiananmen.
La pandémie pour prétexte
Voilà 30 ans qu’une veillée attire immanquablement des foules à Hong Kong, seul endroit du pays où l’événement est commémoré, ce qui illustre les libertés uniques dont jouit le territoire autonome, revenu dans le giron chinois en 1997. Mais pour la première fois en trois décennies, la veillée n’a pas été autorisée cette année par la police qui a invoqué les risques liés au Covid-19, les rassemblements de plus de huit personnes restant interdits.
« Je ne crois pas que ce soit à cause de la pandémie. C’est de la répression politique », affirme Wong, un homme de 53 ans, après s’être agenouillé près du Parc en hommage. « J’ai bien peur que cette veillée n’ait plus jamais lieu. » La veillée de Hong Kong attire généralement des foules à Hong Kong, notamment les années où l’inquiétude quant à l’attitude de Pékin est particulièrement vive.
L’an passé, la veillée du 30e anniversaire s’était déjà déroulée dans un contexte politique tendu : l’exécutif hongkongais pro-Pékin tentait d’imposer l’autorisation des extraditions vers la Chine continentale. Une semaine plus tard allaient débuter sept mois de manifestations quasi-quotidiennes dans la métropole financière. En réponse à ce mouvement, Pékin vient d’annoncer son intention d’imposer à Hong Kong une loi sur la sécurité nationale, qui prévoit de punir les activités séparatistes, « terroristes », la subversion, et les ingérences étrangères dans le territoire.
En Chine continentale, aucune commémoration publique n’est possible : les médias restent muets, les censeurs effacent toute mention sur internet et la police surveille de près les dissidents avant la date fatidique du 4 juin.
Interrogé sur la répression, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a répété mercredi que le pouvoir chinois était « déjà parvenu à une conclusion claire sur les troubles politiques survenus à la fin des années 1980 ». « Les grandes réalisations de la Chine nouvelle au cours des 70 dernières années ont pleinement démontré que la voie de développement choisie par la Chine est tout à fait correcte », a indiqué Zhao Lijian.
LQ/AFP