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France et Syrie : histoire d’une diplomatie manquée


La chute de Bachar el-Assad n'est plus une priorité pour la France. (photo AFP)

En 2012, Laurent Fabius estimait que Bachar al-Assad n’avait pas sa place sur terre. Aujourd’hui, François Hollande fixe comme priorité absolue la destruction de l’organisation jihadiste Etat islamique. En quelques années, la diplomatie française, qui se voulait « moralement juste », a été rattrapée par la sanglante réalité syrienne.

« Au fond, c’est l’histoire d’une série de rendez-vous manqués. On avait bien anticipé dès le début ce qui allait se produire en Syrie, on avait prévu les réfugiés, les attentats, et on avait une position qui était la bonne, mais on a perdu », constate amèrement une source gouvernementale.

La diplomatie française, considérant le président syrien comme le « boucher » de son propre peuple et le renvoyant dos à dos avec les « barbares » de l’EI, a viré. Et même si la France insiste toujours sur la nécessité d’une solution politique en Syrie et répète qu’Assad n’est pas l’avenir de son pays, l’ordre des priorités a changé.

« Que faire ? Dans un contexte où 130 personnes sont tuées à Paris, où ces attentats ont été fomentés en Syrie, comment expliquer aux gens qu’on veut une diplomatie balancée ? », s’interroge la même source gouvernementale. « La diplomatie de la France a évolué avec la réalité », a admis cette semaine la présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Elisabeth Guigou.

L’erreur sur Bachar

En 2011, année des printemps arabes, la France vit, selon la formule d’un ancien diplomate, sur « l’illusion tunisienne et égyptienne », où les régimes autoritaires de Ben Ali et Hosni Moubarak se sont effondrés sous la pression de révoltes populaires.

« La Syrie arrive après tous les printemps arabes, dans un contexte où on en est encore à penser que du jour au lendemain l’Egypte va devenir la Suisse », se remémore une source diplomatique. « Personne ne croit que Bachar va tenir », affirme encore en septembre 2012 un haut responsable gouvernemental.

Sur cette lancée, François Hollande est, en novembre 2012, le premier dirigeant occidental à reconnaître la Coalition nationale syrienne, un groupe hétéroclite d’opposants, et ouvre la voie à d’éventuelles livraisons d’armes aux rebelles « modérés ».

« En pointe » sur le dossier syrien, comme le veut l’expression en vogue à l’époque, Paris bataille pour obtenir une levée de l’embargo européen sur les armes en Syrie. L’ambassadeur, Eric Chevallier, multiplie les allers-retours en Turquie, d’où part l’aide humanitaire française, et tente de fédérer une opposition déjà affaiblie par ses divisions internes et les rivalités de ses puissants parrains régionaux, Qatar et Arabie Saoudite notamment.

L’embargo européen sur les armes tombe en mai 2013. Mais Paris – comme les autres capitales occidentales – est désormais beaucoup moins enclin à livrer des armes à des groupes rebelles qui commencent à être gangrénés par les jihadistes.

« Ceux qui ont aidé le régime syrien (la Russie et l’Iran) l’ont fait sérieusement et sont restés droits dans leurs bottes. A l’inverse, ceux qui ont voulu aider l’opposition ont tergiversé, ont eu des états d’âme. Nous sommes tous impliqués dans ce formidable échec politique », déplore le chercheur français François Burgat.

La douche froide de 2013

Arrive ce que tous diplomates et experts confondus considèrent comme le « tournant », le « point de rupture » de la guerre en Syrie. Le 31 août 2013, le président américain Barack Obama renonce à frapper le régime de Damas, accusé d’avoir perpétré un massacre à l’arme chimique (plus de 1 500 morts selon l’opposition) en banlieue de Damas.

La France, qui s’est engagée à fond auprès de son allié américain pour participer aux frappes, se retrouve lâchée en rase campagne. « On nous a laissé nous avancer en nous disant: on vous couvre. Et on s’est retrouvé à poil dans la steppe », raconte un conseiller de l’Elysée dans le livre du journaliste du quotidien le Monde, David Revault d’Allonnes, sur « Les guerres du président ».

« Militairement, on n’avait pas la capacité d’agir seuls. Diplomatiquement, on n’a pas su convaincre de la justesse de nos positions. A partir de ce moment-là, c’est une lente déréliction », se désole la source gouvernementale française.

Paris a conçu une profonde amertume de ce lâchage américain, et le répète encore aujourd’hui à l’envi. C’est également à partir de ce moment que se font entendre, à droite mais aussi dans les milieux du renseignement, inquiets de la menace jihadiste, les voix des tenants d’un « pragmatisme » et d’une « realpolitik » vis-à-vis du président Assad et de son allié russe.

La France fait en effet le constat de son impuissance. « On ne contrôle plus rien, on a laissé les clés aux acteurs de la région » (Iran, Arabie Saoudite, Qatar et Turquie), s’inquiète un diplomate à la mi-2014, tandis qu’un autre évoque « la désespérance générale sur ce dossier ».

En juin 2014, l’EI entame sa fulgurante avancée et proclame un califat en Irak et en Syrie. La crise des réfugiés, qui affluent par centaines de milliers en Europe, commence à l’été 2015. Le 13 novembre, la France est frappée par les pires attentats de son histoire.

Aujourd’hui, François Hollande va tenter de convaincre ses alliés occidentaux et Moscou de lutter ensemble contre l’organisation Etat islamique et de relancer une solution politique à un conflit de près de cinq ans qui a fait plus de 250 000 morts.

AFP

 

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