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France : des jeux vidéo pour soutenir la grève


Le concept est spécial : une sorte de Téléthon numérique mêlant jeux vidéo et esprit geek (Photo : Stream Reconductible)

Ils remplissent la principale caisse de grève en jouant aux jeux vidéo: les membres du collectif « Le Stream Reconductible » se relaient sur une plateforme de diffusion en direct pour récolter des fonds, déjà plus de 130 000 euros, en soutien aux salariés mobilisés contre la réforme des retraites.

Devant leur webcam, ces « streamers » venus pour la plupart de YouTube discutent de l’actualité avec humour.

Débats, musique, témoignages… Les vidéastes varient les contenus et interagissent avec les internautes du « chat ». Ces derniers envoient leurs commentaires en direct et peuvent faire des dons destinés à la principale caisse de grève, celle lancée par le syndicat Info’Com-CGT.

« L’idée est née d’un tweet suggérant une sorte de Téléthon pour soutenir la grève », rembobine Quineapple, youtubeuse de 33 ans chargée de la communication du Stream Reconductible. « En deux jours, on s’est organisés ».

Le site Twitch permet la diffusion en direct de jeux vidéo et la discussion avec les internautes. La chaîne du Stream Reconductible (twitch.tv/recondustream) y est lancée dès la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le 5 décembre. Le bouche-à-oreille fait le reste: « une centaine de vidéastes et techniciens bénévoles » y participent aujourd’hui, estime Quineapple.

Des « Sims » précaires

Benjamin Patinaud, 33 ans, est plus connu comme Bolchegeek sur YouTube. Pour le « Recondustream », il joue « en essayant d’avoir une petite approche politique, pour susciter la discussion. Par exemple, quand on a joué à un jeu d’infiltration de multinationale, on a fait comme si on infiltrait BlackRock », le gestionnaire d’actifs que les grévistes ont érigé comme symbole de la retraite par capitalisation.

Il aime animer des débats avec le « chat »: « on parle des différents mouvements auxquels ont participé les gens, des violences policières, des précautions à prendre en manifestation… »

Une autre vidéaste, la Développeuse du dimanche, a lancé une partie de « Sims », un jeu vidéo de simulation, en incarnant une personne âgée et pauvre devant se débrouiller dans un quartier riche.

Guile, graphiste, a rejoint le Stream Reconductible car « les organisateurs sont des amis qui connaissaient (ses) sensibilités politiques, plutôt de gauche ». Il est spécialisé dans la sculpture de modèles en 3D. « On a fait une caricature d’Emmanuel Macron, et un vieux Pif le chien qui manifeste pour sa retraite », raconte-t-il.

Ce trentenaire souligne que « pendant qu’on participe au Stream Reconductible, on met la pause sur notre gagne-pain habituel, qui est de ‘streamer’ sur notre propre chaîne. On participe à la grève ».

Plus de 130 000 euros récoltés

Rencontré sur le « chat » de la chaîne, « RJ », 29 ans, regarde le Stream Reconductible « depuis le début de la mobilisation ». Il a déjà envoyé « une fois deux euros et une fois trois euros ».

« C’est comme passer au piquet de grève: je reste quelques minutes, je discute avec les gens », raconte celui qui n’avait jamais fait de don à un mouvement social auparavant. Pour lui, le Stream Reconductible a un impact « direct », car il permet « aux gens isolés, comme moi dans le Vaucluse, de participer à la discussion ».

D’après le site du Stream Reconductible, plus de 130 000 euros ont été récoltés sur la plateforme de financement participatif uTip. Ils seront reversés à la caisse interprofessionnelle du syndicat Info’Com-CGT, la plus importante selon le compte Twitter @caissedegreve qui en fait le recensement.

« Ils ont fait un don de 103 444 euros pour le moment (le 13 janvier), on va avoir le reste après. Mais c’est déjà le plus gros don qu’on ait reçu depuis le lancement du mouvement », situe Romain Altmann, secrétaire général du syndicat Info’Com-CGT. Il apprécie « l’entrée dans la lutte de jeunes qui contestent une réforme à laquelle on dit qu’ils s’intéressent peu ».

Les vidéastes « streament » les jeudis, vendredis, samedis et lors des journées de manifestations. Jusqu’à quand? « Ça s’arrêtera quand ils s’arrêteront », annonce leur compte Twitter.

Pour Bolchegeek, cet outil autogéré « a dépassé toutes les attentes et pourra être remobilisé. Comme tout mouvement social, il a créé des liens qui peuvent être réactivés pour d’autres causes, et on n’en manquera pas ».

AFP

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