Le rapport des experts climats de l’ONU (Giec) publié lundi dresse un tableau sans fin des souffrances endurées par l’humanité frappée par les impacts du réchauffement de la planète auxquels elle n’est pas suffisamment préparée.
Voici les principaux éléments de la première évaluation par le Giec des impacts et de l’adaptation au changement climatique depuis sept ans.
Ici et maintenant
Les conséquences dévastatrices du changement climatique, longtemps vu comme un point à l’horizon, sont devenues une réalité maintenant aux quatre coins de la planète, avec 3,3 à 3,6 milliards de personnes d’ores et déjà « très vulnérables », soit près de la moitié de l’humanité.
Le réchauffement d’environ +1,1°C en moyenne depuis l’ère préindustrielle a déjà contribué au déclin des espèces et à l’extinction de certaines, à l’augmentation des maladies transmises par les moustiques, à plus de morts causées par la chaleur et la sécheresse, à une perte de récoltes agricoles et de la pêche.
La santé des populations, physique et mentale, est également touchée.
« L’augmentation des extrêmes météorologiques et climatiques a conduit à des impacts irréversibles » sur les sociétés humaines et la nature, conclut le Giec.
Mais ce n’est que le début et les impacts sur la nature et l’Homme vont s’accroître : extinction possible de 3 à 14% des espèces terrestres à +1,5°C, des « milliards » de personnes supplémentaires exposés à la dengue, ou de manière générale, une « augmentation sensible des maladies et des morts prématurées ».
Avis de submersion
Quel que soit le rythme des émissions de gaz à effet de serre, un milliard de personnes pourraient vivre d’ici à 2050 dans des zones côtières à risque, alors que la hausse du niveau de la mer renforce l’impact des tempêtes et des submersions marines.
La population exposée au risque d’inondations marines va doubler si l’océan s’élève de 75 cm, un chiffre largement compatible avec les projections pour 2100. Aujourd’hui, environ 900 millions de personnes vivent à moins de 10 m au-dessus du niveau la mer.
D’ici à 2100, la valeur des infrastructures et autres actifs installés dans ces zones sujettes à des inondations exceptionnelles (« une tous les 100 ans ») sera d’environ 10.000 milliards de dollars dans un scénario modéré d’émissions.
Dépasser temporairement +1,5°C
Le premier volet du rapport du Giec sur la physique du climat en août avait estimé qu’il serait possible, en cas de dépassement probable de +1,5°C, objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, de revenir ensuite sous ce seuil d’ici à la fin du siècle.
Mais ce dépassement même temporaire, que les climatologues appellent « overshoot », n’irait pas sans répercussions.
Tout dépassement de +1,5° « entraînerait des impacts irréversibles » sur des écosystèmes capitaux comme les récifs coralliens, les glaciers de montagne et les calottes glaciaires. « Le risque d’impacts graves augmente avec chaque fraction supplémentaire de réchauffement », dépassement temporaire ou pas, selon le rapport.
S’adapter ou mourir
Le précédent rapport de 2007 ne s’étendait pas sur la question de l’adaptation, c’est-à-dire les mesures prises pour limiter ou se préparer aux impacts du réchauffement. Cette question est désormais centrale.
De manière générale, le Giec met en garde contre le fait que le monde n’est pas prêt, le réchauffement va plus vite que les mesures pour s’adapter aux conséquences. En outre, « au rythme actuel de planification et de mise en place de l’adaptation, l’écart entre les besoins et ce qui est fait va continuer à grandir ».
Redécouverte de variétés anciennes de cultures agricoles plus résistantes, restauration des mangroves ou construction de digues, plantation d’arbres dans les villes pour créer des couloirs rafraîchis ou climatisation : l’exploration des possibles est urgente. Mais sans garantie de résultat.
« Mal-adaptation »
Le Giec met ainsi en garde contre les dangers de mesures qui peuvent être totalement contreproductives, alors que le monde n’a plus aucune marge d’erreur.
« Il y a des preuves de plus en plus nombreuses de mal-adaptation dans de nombreux secteurs et régions ». Par exemple, construire une digue pour protéger des submersions marines alimentées par la montée du niveau de la mer peut conduire à développer la zone en question pourtant la plus à risque, créant un sentiment erroné de sécurité.
Cascade et points de basculement
Le rapport met en lumière certaines modifications irréversibles et potentiellement catastrophiques du système climatique, appelées « points de basculement », qui peuvent être déclenchés à certains niveaux de réchauffement.
Cela concerne en particulier la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’ouest de l’Antarctique qui contiennent suffisamment d’eau glacée pour faire monter les océans de 13 m.
À plus court terme, certaines régions — nord-est du Brésil, Asie du Sud-Est, Méditerranée, centre de la Chine — et les côtes presque partout pourraient être frappées par de multiples catastrophes en même temps : sécheresse, canicule, cyclone, incendies, inondations.
La science commence tout juste à se pencher sur les impacts de ces impacts en cascade.