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Coronavirus : Royaume-Uni, un confinement trop tardif


Le confinement est plutôt bien respecté aujourd'hui au Royaume-Uni, comme ici à Londres, mais il a fallu une volte-face du Premier ministre Boris Johnson pour arriver à cette solution appliquée plus tôt sur le continent (photo : AFP).

Le très lourd bilan du nouveau coronavirus au Royaume-Uni, plus de 30 000 morts, s’explique par la lenteur du gouvernement à mettre en place le confinement, estime le Pr Martin McKee, professeur de santé publique européenne à la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

Comment expliquez-vous que le nombre de morts du Covid-19 soit si élevé au Royaume-Uni?

Martin McKee : C’est assez simple. On peut voir que les pays qui ont réussi à contenir l’épidémie sont ceux qui ont mis en place des mesures à un stade très précoce. En Europe par exemple, on peut voir que des pays comme l’Autriche, la République Tchèque, la Slovaquie, ont agi très vite alors qu’ils n’avaient que quelques cas, tandis que le Royaume-Uni a retardé considérablement ses mesures. Si on regarde le taux de reproduction du virus, qui désigne le nombre de personnes qui sont infectées par un porteur, on peut voir que même quelques jours de différence peuvent avoir un impact énorme. Disons qu’une personne en infecte trois autres, chaque jour. On passe de trois à neuf, à 27. Et si vous attendez dix jours, vous retrouvez avec 20 000. Tandis que si vous introduisez des mesures qui réduisent le chiffre disons à 1,5, au lieu des 20 000 cas, vous pouvez n’avoir que 40 cas depuis celui de départ. »

Comment expliquez-vous le contraste entre ce lourd bilan et le fait qu’au Royaume-Uni, le système de santé ne semble pas avoir été submergé comme il a pu l’être ailleurs?

« Au tout début, à Londres et dans certains hôpitaux, on n’était pas loin de la submersion. Ce qui est impressionnant, c’est la manière dont les hôpitaux ont été capables d’augmenter leur capacité. Arrêter toute autre forme de traitement, transformer des blocs opératoires et autres salles en unité de soins intensifs. Il y a eu un effort gigantesque. Et ça leur a permis de faire face. Aussi je crois qu’en ayant de bonnes connexions entre différents hôpitaux pour que, quand l’un est sous pression, un autre puisse prendre une part du fardeau. C’était très concentré à Londres au début, où il y avait déjà un bon système de travail en commun. Cela a été très important parce que le système de santé au Royaume-Uni est relativement sous-doté par rapport à d’autres pays européens. »

Des assouplissements du confinement sont attendus dimanche, quelles sont les erreurs à ne pas commettre de la part du gouvernement britannique pour éviter un deuxième pic?

« On doit se concentrer sur le taux de reproduction. Il est actuellement inférieur à un, 0,7 selon les meilleures estimations, ce qui signifie que l’épidémie va diminuer dans le temps. Mais à mesure que nous introduisons des mesures plus souples, que nous ouvrons l’économie, on doit surveiller toute incidence sur ce chiffre. Par exemple, porter des masques, ça le maintiendra en dessous. Il est fondamentalement important qu’on soit guidés par l’épidémiologie. Pour savoir ce qu’on fait, on doit avoir un bon système de surveillance épidémiologique, ce qui signifie la capacité de tests et de traçage. On travaille dessus. Le Royaume-Uni a considérablement augmenté sa capacité de tests, mais il y a encore un long chemin à faire sur le traçage. L’une des difficultés est que le système de santé publique a souffert du fait d’années d’austérité et d’une réorganisation en 2012. Nous avons eu un exercice d’organisation face à une pandémie en 2016. Malheureusement, les résultats n’ont jamais été publiés. Et il faut aussi être honnête, l’attention du gouvernement britannique a été détournée ces quatre dernières années. Elle s’est concentrée sur la sortie de l’Union européenne, ce qui a laissé très peu de place pour quoi que ce soit d’autre, pour se préparer à n’importe quelle autre crise. »

LQ/AFP

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