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Confinement : bien en sortir pour éviter d’y retomber


Le balancier dont dépendra l'équilibre ? Le nombre de personnes contaminées en moyenne par chaque malade.(Photo : Archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Le verrou du confinement va s’entrouvrir dans plusieurs pays ces prochaines semaines, mais il faut le faire avec prudence et méthode : le risque d’une sortie ratée, c’est une deuxième vague épidémique et l’obligation de revenir à cette mesure extrêmement lourde économiquement et socialement.

« Au moment où la décision (du confinement) a été prise, c’était notre seule arme pour espérer amorcer le contrôle de l’épidémie » de Covid-19, « notamment en diminuant le nombre d’hospitalisations et de passages en réanimation », dit l’épidémiologiste française Dominique Costagliola. Mais cette mesure prise « dans l’urgence » n’est « pas supportable au long cours ni pour les personnes ni pour le pays », ajoute-elle. « Les effets sociaux, économiques et sanitaires du confinement s’accumulent, et il arrivera un point de bascule où ses coûts dépasseront ses bénéfices », prévoit la Pr Linda Bauld, spécialiste de santé publique à l’université d’Édimbourg (Écosse). La plupart des experts s’accordent à dire que le confinement a sauvé des milliers de vie.

Revers de la médaille, une récession économique mondiale historique, qui a poussé l’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) à nommer cette crise « Grand Confinement », sur le modèle de la « Grande Dépression » de 1929. S’y ajoutent des risques sociaux redoutés par les spécialistes : accroissement des inégalités, violences domestiques, montée de l’anxiété, hausse de la consommation d’alcool, aggravation des problèmes de santé autres que ceux liés au Covid-19…

Plus le trajet d’un funambule qu’une autoroute vers la liberté

Encouragés par des signes de ralentissement de l’épidémie (tassement des hospitalisations et des morts), plusieurs pays envisagent un allègement prochain de leurs mesures de confinement, en rouvrant progressivement les écoles, les commerces et en renvoyant les confinés au travail. En Europe, l’Allemagne, la France, la Belgique, la Suisse, le Danemark, l’Italie ou l’Espagne, parmi d’autres, sauteront le pas d’ici la mi-mai ou y réfléchissent. Donald Trump, lui, a jugé qu’il était temps de « faire redémarrer l’Amérique ».

Quel que soit le pays, la sortie ressemblera davantage au trajet d’un funambule qu’à une autoroute vers la liberté. Le balancier dont dépendra l’équilibre ? Le nombre de personnes contaminées en moyenne par chaque malade (ou « taux de reproduction de base » de la maladie). Avant le confinement, « il était à 3,4 ou 3,5 », a expliqué le président du comité scientifique qui conseille les autorités françaises, Jean-François Delfraissy. La France comme l’Allemagne assurent que le confinement a fait descendre ce chiffre au-dessous de 1, barre qui correspond au contrôle de l’épidémie. Mais l’allègement le fera mécaniquement remonter puisque le confinement empêche le virus de circuler. La marge de manœuvre est donc très étroite.

“On ne va pas passer du noir au blanc, mais du noir au gris foncé”

« À 1,1, nous pourrions atteindre les limites de notre système de santé en terme de lits en réanimation d’ici octobre », a prévenu cette semaine la chancelière allemande Angela Merkel. « À 1,2, nous atteindrons les limites de notre système de santé en juillet. Avec un taux à 1,3 nous y arriverons déjà en juin ». « Le fond du problème avec la décision du confinement, c’est que la sortie nous ramène automatiquement au point de départ : la situation d’avant le confinement », dit l’épidémiologiste français Laurent Toubiana. Voix discordante dans la communauté scientifique, il était opposé « dès le début » au confinement général, dont les conséquences négatives sont selon lui « sans aucune commune mesure » avec celles de l’épidémie elle-même.

À cause de cette marge de manœuvre étroite, l’allègement du confinement se fera très progressivement. « On ne va pas passer du noir au blanc, mais du noir au gris foncé », a souligné le Pr Delfraissy. Surtout, cela doit s’accompagner d’une stratégie très précise, qui a porté ses fruits en Corée du Sud, pays fréquemment cité en exemple : tester massivement, mettre en quarantaine les cas positifs, tracer les personnes avec lesquels ils ont été en contact pour les tester à leur tour. Or, cette stratégie est impossible à mettre en œuvre « sans que les moyens nécessaires soient en place », souligne Dominique Costagliola. Ces moyens, ce sont un nombre de tests suffisant et une logistique permettant d’assurer le traçage des malades potentiels, avec des applications numériques, mais pas seulement.

« Singapour devrait être un avertissement pour nous tous »

La Corée du Sud avait « une armada, une brigade de 20 000 personnes » pour réaliser ces procédures appelées contact tracing, a rappelé le Pr Delfraissy, en mettant en garde contre le « fantasme » du tout-numérique. En outre, même quand elles fonctionnent, les stratégies plus légères que le confinement ne sont pas une garantie sur le long terme. Après avoir d’abord contrôlé l’épidémie grâce à une politique similaire à celle de la Corée du Sud, Singapour combat aujourd’hui une deuxième vague d’infections. Cela a forcé le gouvernement à se résoudre cette fois à des mesures sévères, parmi lesquelles la fermeture de la majorité des lieux de travail.

« Singapour devrait être un avertissement pour nous tous », a commenté sur Twitter le Pr Vincent Rajkumar, du réseau hospitalier américain Mayo Clinic. Plus qu’une solution univoque, il faudra donc « probablement jouer pendant une longue période à libérer un peu, resserrer, libérer, resserrer », prédit le Pr Delfraissy. C’est ce que dit aussi une étude américaine parue cette semaine dans la revue Science : selon elle, il faudra sans doute alterner entre périodes de confinement et d’ouverture jusqu’en 2022, le temps de découvrir des traitements efficaces ou un vaccin.

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