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Climat : sous pression, Berlin repousse ses décisions à septembre


La dauphine de Merkel, "AKK", déjà moquée par les militants de la cause climatique. (photo AFP)

Sous pression après le score élevé des Verts aux Européennes, le gouvernement d’Angela Merkel a repoussé mercredi au mois de septembre les décisions sur sa loi climatique, faute d’avoir surmonté les divergences entre conservateurs et sociaux-démocrates.

Berlin fixera après l’été les mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’énergie, le bâtiment, l’agriculture, l’industrie et les transports, pour une adoption en conseil des ministres « avant la fin de l’année », selon le porte-parole de la chancelière conservatrice, Angela Merkel, Steffen Seibert. Dès « juillet », le gouvernement planchera sur les différents systèmes destinés à « donner un prix au CO2 », a précisé le porte-parole, soit le mécanisme préconisé par tous les experts pour inciter ménages, entreprises et administrations à réduire leurs émissions.

Cette formule prudente évite de trancher une question âprement débattue depuis des mois : faut-il une « taxe carbone » touchant aussi bien le carburant que les dépenses de chauffage, au risque de pousser dans les rues allemandes un mouvement inspiré des gilets jaunes français ? La ministre de l’Environnement Svenja Schulze y est favorable, mais se heurte à une partie de son camp social-démocrate et à la majorité des conservateurs. La droite prône de son côté une extension du marché européen du carbone, limité pour l’heure à l’énergie et l’industrie lourde, mais il faut l’accord des autres États membres de l’UE.

Adieu au charbon

« Vous êtes à court d’excuses et nous n’avons plus le temps », pressait pourtant vendredi un jeune manifestant de « Fridays for Future » à Berlin, après des mois de mobilisation de la jeunesse allemande pour réclamer une politique climatique plus vigoureuse. Quelque 46% des électeurs du pays ont fait de ce thème le premier déterminant de leur vote lors du scrutin européen de dimanche, un bond de 26 points par rapport aux Européennes de 2014. Et les Verts, avec plus de 20% des voix, sont arrivés en deuxième position du scrutin.

Bâti dans la douleur entre deux camps affaiblis, le quatrième gouvernement Merkel a promis l’an dernier de ramener dans les clous les émissions allemandes de gaz à effet de serre, alors que le pays a déjà renoncé à ses objectifs pour 2020. Faute d’une politique ambitieuse, l’Allemagne manquera aussi ses engagements pour 2030, soit 55% de réduction de ses émissions par rapport à 1990, reconnaissait mi-mai un rapport gouvernemental.

Le chantier le plus important concerne l’énergie : après la sortie du nucléaire avant 2022, il faut s’atteler à l’abandon du charbon d’ici 2038, alors que les bassins miniers sont déjà désindustrialisés et tentés par l’extrême droite. Pour cela, le ministère de l’Économie vient de faire adopter un plan de 40 milliards d’euros pour reconvertir les régions concernées, et devra ensuite programmer la fermeture des centrales et des mines. Mais les Transports sont aussi attendus au tournant vu leur piteux bilan climatique : ce secteur est le seul qui échoue depuis 1990 à diminuer ses émissions, la hausse du trafic et l’appétit pour les grosses voitures compensant l’amélioration des moteurs.

Merkel brocardée

Or mercredi, le ministre Andreas Scheuer a exclu toute mesure réduisant ou renchérissant la circulation routière, misant plutôt sur l’électrification, les moteurs à hydrogène et la « numérisation ». « Depuis le départ, Scheuer sabote toute politique climatique sérieuse », a déploré un responsable des Verts, Cem Özdemir. Le parti écologiste réclame une interdiction des moteurs à combustion à partir de 2030, mesure attendue dès 2025 par l’association Greenpeace.

Quant à Angela Merkel, physicienne de formation très au fait des enjeux techniques, elle a reconnu mardi auprès de CNN qu’il fallait « de meilleures réponses » sur le climat, sans lever le mystère sur les mesures qu’elle souhaite. Un temps dépeinte en « chancelière du climat » pour avoir défendu ce thème sur la scène internationale, elle est désormais brocardée pour son inaction à domicile, au point que l’hebdomadaire Die Zeit l’avait qualifiée en 2017 de « comédienne » de la lutte contre le réchauffement.

Plus largement, le camp conservateur peine à prendre au sérieux la priorité accordée au climat par les jeunes Allemands, si éloigné de sa propre insistance sur la prospérité et la sécurité. « Si les primo-électeurs gagnaient leur propre argent (…), le résultat du vote serait peut-être différent », tweetait lundi soir le secrétaire d’État CDU Thomas Bareiss, s’attirant une vague de critiques.

LQ/AFP

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