Un an de prison, dont six mois avec sursis, et une amende de 3 750 euros ont été requis jeudi à l’encontre de l’ancien chef de l’État français Nicolas Sarkozy, jugé avec 13 autres prévenus dans l’affaire des dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012.
Des peines allant de 18 mois à 4 ans d’emprisonnement avec sursis ont été requises à l’encontre des autres prévenus.
« Nicolas Sarkozy ne regrette visiblement rien puisqu’il n’est venu qu’à une seule audience », a soutenu la procureure Vanessa Perrée en dénonçant « la totale désinvolture » de l’ancien président.
« Ce comportement de ne pas se considérer comme un justiciable comme un autre, comme un citoyen parmi les citoyens, est à l’avenant de ce qu’il a été lors de cette campagne présidentielle, se situant hors de la mêlée », a-t-elle poursuivi d’un ton vif. « Cette désinvolture vis-à-vis (des autres prévenus) et du tribunal est à l’image de la désinvolture dans sa campagne », a -t-elle insisté.
En mars, Nicolas Sarkozy était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à de la prison ferme (trois ans dont un ferme), pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ».
La campagne de Nicolas Sarkozy a été marquée par une « improvisation et une impréparation totale » a dit Vanessa Perrée lors de son réquisitoire. La procureure a aussi ironisé sur ces « professionnels de la politique » qui ignoraient tout du coût de meetings électoraux. « Nicolas Sarkozy a dit : Qui peut oser dire que ma campagne a dérapé ? C’est une farce ! Mais c’est une farce de nous faire croire que ces personnes là ne surveillaient rien. C’est une farce que de les voir se retrancher derrière leur absence de compétence », s’est-elle indignée.
« Il y a 14 prévenus et presque autant de versions. Ces multiples versions et leur impossible combinaison montre qu’il y a nécessairement des mensonges », a affirmé de son côté le procureur Nicolas Baïetto. Malgré les notes d’alerte sur le risque de dépassement du coût de la campagne, dès le 7 mars 2012, « Nicolas Sarkozy veut un meeting par jour » et dès lors « vogue la galère », a ironisé le procureur.
La culpabilité ne fait « aucun doute »
Pour eux, la culpabilité des ex-dirigeants de Bygmalion, qui organisait les meetings, et de sa filiale chargée de l’événementiel Event & Cie et des ex-cadres de l’UMP ne fait « aucun doute ». Tout au long des débats, les anciens cadres de l’UMP (devenue Les Républicains) et de Bygmalion, le directeur de campagne, les experts-comptables, ont tous cherché à minimiser leur rôle, voire à le nier. Seuls 4 des 14 prévenus (3 ex-cadres de Bygmalion et l’ancien directeur de campagne adjoint du président-candidat, Jérôme Lavrilleux), ont reconnu partiellement leur responsabilité dans la mise en place d’un système de fausses factures imaginé pour masquer l’explosion des dépenses de campagne du président candidat à sa réélection.
Les procureurs ont demandé trois ans de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende pour Jérôme Lavrilleux. Contre les trois ex-cadres de Bygmalion qui ont admis avoir accepté la mise en place du système de fausses factures, dix-huit mois de prison avec sursis ont été requis. La peine la plus lourde (4 ans d’emprisonnement avec sursis) a été requise à l’encontre d’Eric Cesari, ex-directeur général de l’UMP, et de Guillaume Lambert, qui était le directeur de la campagne en 2012.
Incapable d’ « assumer » ses actes
Révélé deux ans après la défaite de Sarkozy, le scandale avait entraîné des déflagrations en série à droite. L’enquête a révélé que le prix réel des 44 meetings organisés par l’agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit – 80% des factures ont disparu – et le reste réglé par l’UMP au nom de conventions fictives du parti.
L’enquête « n’a pas établi » que Nicolas Sarkozy l’aurait « ordonné », qu’il y aurait « participé », ni même qu’il en aurait été informé, selon l’accusation. Par contre, il en a « incontestablement » bénéficié, disposant ainsi de « moyens bien supérieurs à ceux que la loi autorisait ». Le plafond légal a été dépassé de 22 millions d’euros.
Une thèse vigoureusement contestée par le chef de l’État pendant ses quatre heures d’interrogatoire. Il n’y a eu « aucun emballement » de la campagne, qui ressemblait « comme une sœur » à celle de 2007, voire à celle de son opposant au second tour, François Hollande, a martelé à la barre Nicolas Sarkozy. Comment la campagne de 2012 aurait-elle alors pu « coûter le double », a-t-il scandé. « Invraisemblable ! »
L’ancien patron de l’UMP Jean-François Copé, entendu comme simple témoin dans le procès, a fustigé jeudi sur France Inter la « stratégie de défense intenable » de Nicolas Sarkozy et son incapacité à « assumer » ses actes.
LQ/AFP