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Black-out au Cachemire : même pleurer ses morts est interdit


Des soldats dotés de gilets pare-balles se tiennent devant un rouleau de barbelés qui divise le quartier. (photo AFP)

Dans la vallée de Srinagar qui subit depuis lundi un black-out total imposé par les autorités indiennes, même pleurer ses morts est devenu presque impossible.

Lorsque son père est subitement décédé à l’âge de 58 ans cette semaine à Srinagar, le chagrin d’Irfan Ahmad Bhat s’est encore alourdi avec l’impossibilité pour sa famille de se recueillir autour du défunt pour les derniers adieux.

Le couvre-feu et le black-out imposés depuis lundi ont empêché ses proches de se rassembler. Plusieurs n’ont même pas pu être avertis de sa disparition. « Mon plus grand regret, c’est que les proches de mon père n’aient pu voir son visage une dernière fois et accomplir les derniers rituels », confie Ahmad Bhat.

Srinagar (1,5 million d’habitants) a passé la semaine sans téléphone ni internet. Chacun est resté confiné chez soi, à moins de bénéficier d’un laissez-passer.

Des dizaines de milliers de soldats supplémentaires envoyés par New Delhi veillent au respect du couvre-feu et des restrictions sur les communications, après la décision lundi du Premier ministre indien Narendra Modi de révoquer l’autonomie du Cachemire indien. Une décision condamnée par le Pakistan et certains responsables de l’opposition indienne.

Les restrictions sont si sévères qu’Ahmad Bhat n’a pu informer du décès de son père que quatre membres de sa famille qui vivent à Srinagar.

Des barbelés partout

L’impossibilité d’observer les simples rites religieux accompagnant des funérailles dit tout des contraintes auxquelles est soumise la ville, aux rues désertées, sillonnées de barbelés et de points de contrôle. On peut sortir marcher mais à condition d’être seul ou à deux. Les quelques voitures qui circulent doivent zig-zaguer entre les barrages.

« J’ai dû marcher plusieurs kilomètres en pleine nuit pour informer un ou deux proches. C’était effrayant », raconte Manzoor Ahmad, un membre de la famille d’Ahmad Bhat. Mohammad Siddiq, un beau-frère âgé du défunt, estime que la situation est encore pire qu’à l’époque où la plupart des habitants n’avaient pas de téléphone chez eux.

Peur sur la ville

Compte tenu de la peur engendrée en ville par le bouclage militaire, toute visite inattendue chez des amis ou des parents – surtout la nuit – suscite un moment de panique intense, témoigne Umar Bhat, un autre parent. « Quand j’ai entendu frapper à la porte au milieu de la nuit et appeler mon nom, j’ai eu si peur que ce soit la police venue pour m’arrêter avant de réaliser qu’il s’agissait de mon cousin », se souvient-il.

A l’extérieur de la maison, des soldats dotés de gilets pare-balles se tiennent devant un rouleau de barbelés qui divise le quartier.

Plus loin, dans un autre quartier, le principal hôpital de la ville était quasiment vide vendredi et quasiment aucun patient n’y entrait. L’établissement n’accueille depuis le début du block-out lundi que moins d’un dixième du nombre habituel de patients, selon un urgentiste.

LQ/AFP

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