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Violences domestiques au Luxembourg : le confinement est une situation à risque


La place de Differdange, vide. Dans le huis clos du confinement, les associations luxembourgeoises s'inquiètent des possibilités de violences conjugales (Photo d'illustration : Tania Feller).

Nécessaire pour la santé publique, le confinement est une situation à risque pour les personnes victimes de violences domestiques. En cause, la promiscuité et le stress que cette situation génère.

En Belgique et en France, l’aide aux victimes a été adaptée au confinement. Outre-Quiévrain, une task force «violences conjugales et confinement» a été mise sur pied et des chambres d’hôtel ont été réquisitionnées pour abriter les victimes. En France, on estime que les violences domestiques ont augmenté d’un tiers en région parisienne et de 20 % sur l’ensemble du territoire. Les pharmacies dans un premier temps et les centres commerciaux ensuite, sont devenus des points d’alerte pour les victimes qui peuvent se signaler grâce au mot code plus tout à fait secret «masque 19». Un système d’alerte par SMS a également été mis en place.

Au Luxembourg, les chiffres des violences conjugales seraient stables pour le moment. Même si les signalements de disputes augmentent légèrement, selon la police grand-ducale. Il ne faudrait cependant pas confondre disputes entre deux époux et violences ou agressions entre conjoints. «Nous prenons ces signalements très au sérieux et nous rendons immédiatement sur les lieux, indique Frank Stoltz, porte-parole de la police. Il se peut que la situation que nous découvrons alors, ne corresponde pas à ce qui nous avait été initialement signalé. C’est pourquoi, il faut être prudent en interprétant les chiffres. Il faudra attendre encore quelques semaines, quand les procès-verbaux pour violences domestiques auront été rédigés, pour se prononcer et dégager des tendances fiables.»

La peur et la perte de repères

Andrée Birnbaum, directrice de l’association Femmes en détresse, imagine que «la situation de confinement en elle-même limite les possibilités de signalement de la part des victimes» enfermées avec leur bourreau. Elle n’écarte cependant pas le fait que les chiffres pourraient, comme chez nos voisins, augmenter si la situation venait à se prolonger dans le temps.
Les causes de violences domestiques restent les mêmes qu’avant le confinement et toucheraient également les mêmes familles. «La situation actuelle oblige les familles à rester enfermées ensemble 24 heures sur 24, le stress augmente, les tensions se multiplient… Les victimes ne peuvent pas fuir alors que les auteurs agissent en tout impunité et sur leur terrain», explique Andrée Birnbaum, qui poursuit : «Les facteurs déclencheurs de ces violences sont très subjectifs. Il suffit parfois qu’un repas ne soit pas servi à l’heure habituelle, que l’épouse ait envie de sortir avec des amies ou que le couple n’arrive pas à s’accorder sur une question d’éducation des enfants. L’alcool est souvent un facteur. Des actes de violences subies pendant l’enfance par la victime ou l’auteur, également.»
La cohabitation, la peur d’être contaminé par le virus et tout ce que cela implique comme craintes existentielles, l’impression d’être privé de libertés individuelles ou encore la perte de repères sont autant de facteurs aggravants. La période actuelle amène les êtres humains à découvrir leurs limites. «Certaines personnes peuvent adopter des comportements inhabituels, qu’ils parviennent pourtant à contrôler ou à gérer de manière constructive en temps normal», explique la directrice.
Les dérapages attendent les victimes au tournant. «Je considère toutefois que le risque d’une augmentation des violences domestiques touche de toute façon les couples au sein desquels existe déjà un germe de violence. Il ne pourra alors qu’éclore, annonce la directrice, nous ne sommes plus habitués à vivre 24 heures sur 24 et sept jours sur sept avec la même personne.»

Oser demander de l’aide

Les moyens de prévenir ces violences sont individuels. «Chaque situation de violence est différente, il n’existe pas de réponse standard, indique Andrée Birnbaum, éviter les violences domestiques est difficile. La victime n’a pas beaucoup de possibilités, si ce n’est de demander de l’aide. Idem pour les auteurs potentiels qui se seraient surpris ayant une pulsion ou un geste violents. Victimes et auteurs peuvent nous contacter par e-mail en dehors des heures de bureau à l’adresse organisation@fed.lu.»
Le service Riicht Eraus de la Croix-Rouge luxembourgeoise qui vient en aide aux auteurs de violence, a, quant à lui, ouvert une hotline au 2755 5800.
Mais pour le moment, le nombre d’appels aux services de l’association Femmes en détresse, Visavi (le service d’information et de consultation pour femmes), Fraenhaus (un refuge pour femmes victimes de violences conjugales) ou le Service d’assistance aux victimes de violences domestiques (Savvd) sont stables par rapport à ceux des mois précédents. Ces services restent toutefois sur leurs gardes. Comme chez nos voisins, une augmentation des cas reste possible. «La situation actuelle est inédite. Nous devons suivre son évolution au jour le jour pour y répondre au mieux et être présent pour la population cible», note Andrée Birnbaum.
Contrairement à ses voisins, le Luxembourg n’a pas encore pris de mesures extraordinaires pour venir en aide aux victimes. «Les mesures en vigueur pour le moment sont celles inscrites dans la loi : soit l’expulsion de l’auteur, la prise en charge des victimes par le Savvd et le service d’assistance pour les enfants, ainsi que Riicht Eraus pour les auteurs», précise Andrée Birnbaum. Cette mesure d’expulsion de l’auteur de violences domestiques qui n’existe pas chez nos voisins et l’absence de cas supplémentaires expliquent pourquoi des mesures extraordinaires n’ont pas encore été prises au Luxembourg.

Le gouvernement prêt à intervenir

Les victimes ne sont pas pour autant abandonnées par les autorités. Elles peuvent trouver une multitude d’informations sur les différents organismes d’aide au cas par cas sur le site internet violence.lu du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Ministère qui reste lui aussi vigilant quant à l’évolution de la situation des violences conjugales. De même que le ministère de la Justice.
La ministre Sam Tanson a indiqué vendredi aux députés membres de la commission de la Justice que «la situation sur le terrain diffère probablement des statistiques étant donné que, dans cette période de confinement, la dénonciation des violences domestiques ainsi que le constat d’une violation de la protection des mineurs s’avèrent plus difficiles». Certains députés ont suggéré au gouvernement de chercher des solutions urgentes telles que la mise à disposition de chambres d’hôtels pour protéger ces victimes. Une mesure d’hébergement qui ne devrait pas être compliquée à mettre en place, selon la ministre. Sam Tanson s’inquiète davantage d’une absence de dénonciation des violences domestiques ou des abus sur mineurs en ces temps de confinement.
Cependant, le confinement ne doit en aucun cas justifier ni excuser les violences domestiques. Les auteurs ne doivent pas rester impunis et les victimes doivent pouvoir y échapper malgré la situation exceptionnelle que nous vivons. Pour cela, elles ne doivent pas craindre de se manifester auprès des organismes d’aide ou de proches qui pourraient les accueillir. Proches et voisins sont également sollicités et encouragés par les associations à appeler la police à l’aide s’ils remarquent des cas de violences domestiques.

Sophie Kieffer

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