Dix-huit classes, une maison relais, une crèche ainsi qu’une maison de soins : plus qu’une école, c’est un véritable campus qui s’apprête à sortir de terre.
C’est un projet novateur pour le Luxembourg qui s’apprête à sortir de terre à Esch-sur-Alzette. Depuis un an environ, dans le parc situé rue Winston-Churchill, où une ancienne école a été rasée, des engins de chantiers s’affairent pour bâtir ce qui sera bientôt un véritable campus intergénérationnel.
Le «Wobrécken» (le nom définitif est encore à trouver) va en effet consister sur près de 12 000 m2 en une école de 18 classes qui accueillera non seulement tous les cycles mais également trois classes destinées aux enfants à besoins spécifiques : deux pour le Centre de logopédie et une pour les enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme.
Mais ce n’est pas tout : au Wobrécken, il y aura aussi un hall des sports, une maison relais capable d’accueillir chaque élève (soit 300), ainsi qu’une crèche de 40 places, une cuisine et une maison de soins. Le Service de consultation et d’aide pour troubles de l’attention, de la perception et du développement psychomoteur (SCAP) aura en effet une antenne à l’intérieur même du bâtiment. Le tout s’articulera autour d’un parc intergénérationnel.
«L’idée d’une école d’inclusion à Esch ne date pas d’aujourd’hui, la majorité précédente en avait déjà l’envie mais rien ne s’était concrétisé. Nous avons complètement rediscuté et repensé le projet à notre arrivée à la tête de la commune», explique Christian Weis, échevin à la ville d’Esch-sur-Alzette délégué à l’enseignement.
Neutralité carbone
Le projet revu et corrigé est en effet très novateur et ce, sur plusieurs points. Au niveau de sa structure déjà : si les fondations sont en béton, le gros du bâtiment sera en bois, une matière première recyclable, qui permettra en outre de modifier les lieux (ou de les démonter) si besoin était. «On ne réfléchit pas seulement à la consommation d’énergie au cours de l’exploitation, mais déjà au cours de la construction», commente l’architecte Marc Lukas.«On essaie de limiter les terrassements et le béton qui est une source de C02 considérable. Le concept modulaire permet d’augmenter la circularité et de limiter l’énergie grise (NDLR : l’énergie nécessaire pour produire, recycler ou jeter le matériau). Chaque matériau a été analysé en ce sens et nous avons essayé de pousser le plus loin possible l’utilisation de matériaux naturels et recyclables. Bien sûr, lorsque la sécurité exige une porte coupe-feu, nous achetons une porte coupe-feu !»
Il s’avère qu’en plus une telle structure se trouve en adéquation avec les nouvelles formes d’enseignement, comme le souligne Martin Kox, l’échevin délégué au développement urbain et aux bâtiments : «À Esch, en moyenne, on compte 14 élèves par classe, ce qui est déjà bien par rapport à d’autres communes qui ont des classes de 25 élèves. Mais l’éducation privilégie désormais les petits groupes. Il faut donc des espaces modulaires pour permettre ce type d’enseignement et qui puissent être aisément adaptables aux besoins.»
L’ensemble répondra en outre aux critères du passivhaus, c’est-à-dire que la construction couvrira seule une grande partie de ses besoins en matière de chauffage et affichera une neutralité carbone. «Théoriquement, on n’aura pas besoin de chauffage, explique Martin Kox. Mais si l’hiver est particulièrement froid, nous utiliserons alors la géothermie.»
Dix-huit sondes géothermiques réparties sur deux zones différentes à l’extérieur du bâtiment et s’enfonçant à 140 mètres de profondeur iront en effet puiser la chaleur de la terre. À l’inverse, lors de la période estivale, la chaleur pourra être renvoyée dans le sol. «La terre va constituer une sorte de batterie, à partir de laquelle nous pourrons alimenter les bâtiments en chaleur l’hiver et les refroidir l’été», résume Marc Lukas.
Des capteurs de C02 seront également intégrés dans les classes, qui permettront d’indiquer précisément quand ventiler les salles selon leurs réels besoins, réduisant ainsi la consommation d’énergie (tout comme l’utilisation de lampes LED avec détecteurs de présence). «Le taux de C02 est quelque chose de crucial pour les écoles : lorsqu’il n’y a plus assez d’air, cela peut provoquer des maux de tête», rappelle Martin Kox.
Et bien sûr, les toits de l’école et du hall des sports seront recouverts de panneaux photovoltaïques.
Un concept pédagogique à inventer
Mais c’est également au niveau du concept pédagogique que le Wobrécken est innovant. «Ce sera une école type de l’inclusion. La loi luxembourgeoise prévoit que toutes les écoles doivent avoir un caractère inclusif, c’est-à-dire qu’elles doivent intégrer des enfants avec handicap. Mais c’est souvent difficile dans les établissements déjà existants», note Christian Weis.
Ici de nombreux acteurs sont invités à monter de toute pièce tous ensemble et en amont un programme pédagogique qui n’existe pas encore et qui prévoira des interactions entre les différentes classes, pour que les enfants à besoin spécifiques puissent suivre un programme approprié tout en s’intégrant pleinement à la vie scolaire. «On est en train d’élaborer avec la direction régionale de l’Éducation nationale, avec le Script (NDLR : Service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques) ainsi qu’avec les centres de compétences pour enfants à besoins spécifiques un programme pédagogique qui n’a aucun modèle au niveau luxembourgeois.»
Quelques enseignants ont déjà été recrutés pour travailler avec les différents acteurs durant les deux années de chantier restantes à développer ce projet. «Le reste du recrutement se fera ensuite en fonction du programme qui sera élaboré.»
D’un coût total d’un peu moins de 38,5 millions d’euros, l’école et la maison relais Wobrécken devraient accueillir les premiers élèves à la rentrée 2023.
Tatiana Salvan