Toute l’année, une équipe de bénévoles prend les appels de personnes en situation d’isolement ou de détresse et qui ont besoin de parler à quelqu’un.
Parfois, il suffit d’un coup de fil à un ami pour se sentir mieux. Mais l’isolement, le manque de contacts, la pudeur, la peur, la détresse psychologique et tant d’autres raisons personnelles font que pour certains ce geste est tout simplement impossible. Un numéro existe qui peut apporter cette aide parfois vitale : le 45 45 45. C’est celui de S0S Détresse, qui depuis plus de 40 ans propose une aide accessible et discrète à tous ceux qui en ressentent le besoin.
Créée en 1976, c’est en 1977 que l’ASBL reçoit ses premiers appels. «Il y avait un véritable besoin au Luxembourg pour des personnes qui avaient peur ou du mal à se tourner vers un professionnel de pouvoir parler de leurs problèmes», explique Sébastien Hay, chargé de direction au sein de SOS Détresse.
Accessible toute l’année, le service téléphonique de l’association est là pour apporter une écoute attentive et bienveillante, un soutien, à tous ceux qui le souhaitent et ce, quels que soient les problèmes, grands ou petits. «Prenons l’exemple d’une personne qui appelle pour parler de son chat : ça n’a pas l’air grave, mais si elle n’a pas la possibilité d’en parler, son état va peut-être se dégrader et devenir sérieux, alors qu’un soutien régulier aurait pu prévenir une telle situation », souligne Sébastien Hay.
L’échange, le dialogue, montrer à la personne qui appelle que l’on s’intéresse à elle constituent le premier enjeu de la conversation. «Nous allons essayer de contribuer à renforcer son estime d’elle-même. Nous allons aussi essayer de comprendre le problème auquel elle est confrontée, puis voir quelles sont ses ressources, comment son entourage peut l’aider, etc.».
Rester autant de temps que nécessaire
Les relations – à autrui, avec la famille, de couple – constituent le principal motif des appels reçus par l’ASBL. « Il y a aussi des questionnements sur le psychisme, des personnes perdues qui ne savent pas où elles en sont, qui subissent du stress, qui se posent des questions relatives à la vie, à soi… Des personnes isolées, âgées ou avec un handicap mental ou physique et qui ont besoin d’un soutien émotionnel», fait savoir Sébastien Hay, mais aussi «des personnes qui ont des problèmes plus graves, qui ont des pathologies poussées relevant de la psychiatrie, comme des psychotiques par exemple.»
L’association ne fait pas de travail psychothérapeutique, et si le problème nécessite une aide psychologique, l’appelant est alors orienté vers une institution conventionnée par l’État. SOS Détresse – reconnue d’utilité publique – est également conventionnée par le ministère de la Famille depuis 1994. «Pour qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts», précise Sébastien Hay. Institutions qui sont d’ailleurs régulièrement invitées par SOS Détresse pour parler de leur travail aux bénévoles, afin que ces derniers puissent mieux les connaître et ainsi mieux rediriger les personnes.
Les bénévoles sont aussi parfois confrontés à des situations particulièrement délicates, comme par exemple des personnes en pleine crise de panique ou d’angoisse aiguë, mais aussi des personnes avec des pensées suicidaires, voire sur le point de se suicider. «Nous avons déjà eu des personnes sur le point de s’ôter la vie», indique pudiquement Sébastien Hay. «Elles appellent dans un dernier essor ou pour dire au revoir. On essaie de leur donner un petit espoir pour tenir. Les bénévoles peuvent rester deux, trois heures au téléphone si ça peut aider.»
Anonymat garanti
Afin que les personnes puissent se sentir à l’aise pour parler, un mot-clé et une garantie : l’anonymat. Aucun numéro ne s’affiche sur les téléphones de l’association. Et les bénévoles (qui restent également anonymes) prennent les appels dans les locaux (tenus secrets pour des raisons de sécurité) de l’ASBL. «Il n’y a aucun transfert sur des téléphones privés afin de garantir l’anonymat et la confidentialité», insiste Sébastien Hay. Même l’aide en ligne, proposée depuis 2013, se fait via un système sécurisé qui ne nécessite pas une adresse e-mail ordinaire, mais se fait via la création d’un compte utilisateur sur le site de l’association.
Les statistiques, nécessaires pour le ministère, ne sont donc que des estimations, déduites de la voix ou de la conversation. Ainsi, en 2019, sur 3 712 entretiens téléphoniques, 2 296 appelants étaient des femmes, 1 414, des hommes. Le sexe de deux personnes n’a pu être déterminé. La majorité des appelants avaient entre 50 et 60 ans.
Une certitude toutefois : les appels et les mails reçus sont allés croissant d’année en année (exception faite de l’an passé, du fait d’un manque de disponibilité des permanences). Le reflet d’une société qui va de plus en plus mal? Peut-être, mais c’est impossible à affirmer avec certitude, comme le signale Sébastien Hay : «La demande est-elle plus forte parce que la population s’accroît ? Parce que l’association se fait plus connaître? Parce que les gens se rendent compte qu’avoir des problèmes psychologiques peut arriver à tout le monde et qu’il est normal de chercher du soutien? Beaucoup de facteurs entrent en cause.» Mais il est évident que la société change, note le chargé de direction, qui est également psychoclinicien et psychothérapeute : «Malgré une plus grande facilité d’entrée en contact aujourd’hui, il y a un malaise dans la société, qui a tendance à aller vers une déshumanisation et l’isolement. L’accès numérique est une autre façon d’entrer en contact, mais il occulte une besoin important chez l’humain : le contact physique – pas seulement le toucher, mais aussi le fait de voir. La communication non verbale est essentielle dans les relations humaines. Il y a certes les emojis, mais cela ne remplace pas le contact humain. On peut écrire à une centaine de personnes sur un chat, mais on peut éprouver un manque à la fin de la conversation et avoir le sentiment d’être seul, alors qu’après un contact humain, on garde plus de choses en soi.»
Tatiana Salvan
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