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Secours : chantier en cours


L'accident de train de Dudelange du 14 février dernier avait couté la vie à une personne (Photo : Isabella Finzi)

L’organisation des secours attend la nouvelle loi qui lui permettra de réaliser un bond qualitatif. Car actuellement, il y a de gros manques…

Hier, le CHL a organisé un séminaire sur la médecine de catastrophe. Le Pr Benoît Vivien, adjoint au chef de service du SAMU de Paris, est notamment venu partager son retour d’expérience des attentats de Paris. Pascal Stammet, responsable du département médical de l’administration des Services de secours, dépendant du ministère de l’Intérieur, a dressé le compte rendu de la situation au Luxembourg. Un état des lieux qui a démontré l’absolue nécessité de réformer son organisation.

Historique

La création de la Protection civile date des années 1950/1960 au Luxembourg alors en pleine guerre froide. La loi promulguant la création du SAMU date de 1986 et sa mise en place opérationnelle a lieu en 1989. La Protection civile est placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, sauf à Luxembourg où la commune tient les commandes.

Les moyens humains

La Protection civile est assurée par 2 500 personnes, essentiellement des volontaires. La professionnalisation a commencé en 2007, elle concerne 90 personnes. Le pays compte 4 700 sapeurs-pompiers actifs répartis dans 25 centres d’intervention («une disposition stratégique, mais aussi politique», indique Pascal Stammet). Ils peuvent compter sur la base nationale de support de Lintgen. La Ville totalise environ 200 pompiers professionnels. «La distinction entre la Protection civile et les pompiers est floue, mais sur le terrain, ça marche», souligne-t-il.

Les réponses du 112

À la suite d’un appel au 112, la Protection civile déroule une réponse sur trois niveaux. Le premier concerne les «first responders», un dispositif récent qui permet d’envoyer rapidement deux équipiers formés et munis d’équipements pour la réanimation. La moitié des communes dispose de ce service.

Les ambulances constituent le deuxième niveau. Le pays compte 49 ambulances simples, dont 25 doivent être immédiatement opérationnelles, ainsi que 12 ambulances médicalisées (dont 7 sont de garde) et équipées de médicaments, de défibrillateur, de respirateur artificiel. Ces dernières sont toutes basées en ville.

Le troisième niveau est le SAMU. Chaque voiture a son médecin et son infirmier, tous anesthésistes-réanimateurs. Dans la capitale, le chauffeur est également sapeur-pompier, «ce qui constitue un atout supplémentaire considérable», souligne Pascal Stammet.

Pour se rendre sur les lieux de l’intervention, la voie terrestre et la voie aérienne sont possibles. Deux hélicoptères de Luxembourg Air Rescue sont prêts à décoller, l’un est stationné à Luxembourg, l’autre à Ettelbruck. L’opérateur du 112 fait le choix, il est assisté par un logiciel qui calcule les temps de trajet.

La prise en charge hospitalière

Trois hôpitaux sont de garde dans le pays : le CHEM à Esch-sur-Alzette, l’hôpital d’Ettelbruck et un des hôpitaux de la capitale (CHL ou Kirchberg). Les médecins de garde qui partent avec le SAMU sont en contact direct avec l’hôpital.

Un système qui a des limites

Actuellement, l’organisation des secours au Grand-Duché n’est pas idéale, Pascal Stammet ne le cache pas : «L’organigramme est compliqué et si ça fonctionne, c’est parce que le pays est petit et que tout le monde se connaît», relève-t-il. Alors que la population augmente sans cesse, que le pays flirtera avec les 600 000 habitants à la fin de l’année et qu’il compte chaque journée environ 850 000 personnes en comprenant les frontaliers, la situation est en bout de course. «Le problème suivant se posera si l’on a une grande catastrophe avec de nombreuses victimes : qui sera le responsable des opérations?»

En cas de catastrophe ayant ou risquant de faire plus de 10 victimes, le plan Novi (nombreuses victimes) se met en place. Sa première version a été élaborée en 2003 et adaptée en 2005. Mais lui aussi semble être aujourd’hui en partie dépassé. «Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut le revoir compte tenu des nouveaux enjeux. Les attaques multirisques, notamment, comme celles qui ont eu lieu à Paris le 13 novembre 2015, ne sont pas envisagées», reconnaît Pascal Stammet.

Le plan Novi est déclenché par le ministre de l’Intérieur. Dans le cas d’une crise touchant à l’intégrité de l’État (le terrorisme, par exemple), le Premier ministre peut également le mettre en place.
En cas de crise majeure

La première équipe sur place détermine l’évènement, le localise, dénombre les victimes et leurs pathologies. Les différentes unités de sauvetage (incendie, déblaiement, ramassage…) arrivent ensuite et la chaîne de secours se met en place. Le commandant des opérations de secours est le chef des pompiers alors que le bourgmestre est le responsable politique de ce qui se passe sur la commune.

Le poste médical avancé (PMA) classe les patients en trois catégories : les urgences absolues, les urgences relatives et les urgences très relatives.
Matériellement, le PMA est composé de 12 unités dans tout le pays. «Un des problèmes est qu’aucune structure ne détermine l’ensemble, explique Pascal Stammet. Il n’y a pas de cohérence, tout est réparti à gauche et à droite.» Certaines unités ont récupéré d’anciens véhicules pour les transformer, d’autres entreposent tentes, tables ou brancards ou possèdent un conteneur pouvant servir à l’occasion. «Mais il faut absolument standardiser l’ensemble», assène le responsable.

Un support médical est localisé à Dudelange. Il compte trois personnes dont le rôle est de renforcer le PMA en matériel médical et en médicaments. Ceux-ci sont stockés au CHEM.

De meilleures perspectives

La création du nouveau Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS) va permettre de pallier les principaux manquements du système actuel. La loi continue sa navette, le Conseil d’État vient de rendre son deuxième avis. «Nous espérons que le nouveau corps se mettra en place d’ici quelques mois», glisse Pascal Stammet.
Le CGDIS sera un établissement public géré par l’État et les communes (50-50). Il regroupera la Protection civile, les services communaux (notamment ceux de la capitale), le service d’incendie et de sauvetage de l’aéroport du Findel et le SAMU.

Son grand intérêt sera de simplifier l’organigramme et la gestion opérationnelle. «Il permettra également d’uniformiser et de renforcer la formation de tous les volontaires», souligne-t-il. Mais puisque ces volontaires sont de moins en moins nombreux, le nombre de professionnels augmentera progressivement. Pascal Stammet ajoute que «l’engagement des volontaires qui sont indispensables sera valorisé».

Selon la loi qui est préparation, le pays sera divisé en quatre zones (au lieu de trois) et sous-divisé en 14 groupements. Le Centre national d’incendie et de secours sera le cœur de la nouvelle organisation, il est en cours de construction au Ban de Gasperich (près du rond-point Gluck). Il accueillera le centre d’intervention des pompiers de Luxembourg, le 112, l’administration du CGDIS et toutes les installations qui permettront la formation du personnel de secours.

«Cette réforme n’a rien à voir avec celle de 2004 qui s’était contentée d’installer une administration au-dessus de structures existantes, sans rien proposer de plus, assure Pascal Stammet. Cette fois, il s’agit d’une vraie réforme qui va véritablement permettre d’améliorer les secours dans tout le pays.»
Il restera toutefois encore à adapter les plans en cas de crise grave, tout en croisant les doigts pour que le Grand-Duché n’ait jamais à s’en servir.

Erwan Nonet

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