Le cadre idyllique du château de la localité accueille notamment une antenne de l’ASBL Stëmm vun der Strooss. Idéale pour réinsérer professionnellement et socialement ses bénéficiaires.
Dépendance à l’alcool, aux drogues, aux médicaments, au jeu… La structure de Schoenfels permet de stabiliser et de réhabiliter des personnes à la suite de leurs thérapies respectives, grâce à différents ateliers. Le point.
Certains n’ont pas été gâtés par la vie ou bien se sont laissés aller, pour différentes raisons, dans le vice et l’engrenage infernal de la dépendance. Le Centre post-thérapeutique de la Stëmm, installé au château de Schoenfels, leur permet une transition, sans les juger, avant qu’ils ne puissent voler de leurs propres ailes, au terme de leur séjour.
Le responsable de cette antenne de la Stëmm, Tony Barrela, indique que l’ASBL a investi les lieux depuis fin 2014, d’abord dans des conteneurs. «À l’époque, le ministère de la Santé avait la volonté de faire quelque chose en ce lieu, à savoir un centre post-thérapeutique, et après demande à la Stëmm, le projet s’est créé.» Le lieu historique, avec son château, a vu ainsi un nouveau bâtiment être refait dans ce but. Par la suite se sont annexés une antenne de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF) et un atelier de menuiserie. Un hangar et une serre sont aussi sortis de terre pour la Stëmm. De manière générale, le site accueille deux groupes différents de bénéficiaires. Le premier va de pair avec la structure d’hébergement, soit 15 lits et à partir de demain, 13 seront occupés (chambres doubles). «Nous accueillons des bénéficiaires, qui étaient dépendants, dans leur passé (après leur thérapie), à la drogue, l’alcool, aux médicaments ou aux jeux, et qui ont décidé de faire une thérapie. On leur évite d’aller dans une maison d’urgence, un foyer ou de vivre au-dessus d’un café. Le but est de les stabiliser après leur thérapie, puis de les réinsérer socialement et professionnellement», souligne Tony Barrela.
Séjour de deux ans maximum
Mais attention, il ne s’agit pas d’un centre de vacances : «Les bénéficiaires sont encadrés dans un milieu protégé et l’on fait des contrôles réguliers : tests urinaires et tests rapides salivaires. Notre règle d’or est donc la tolérance zéro et nous sommes très stricts sur ce point, aussi pour protéger le reste du groupe de bénéficiaires!» Et si quelqu’un s’avère positif à une substance interdite, il est exclu directement, car l’offre est basée, dès l’arrivée du bénéficiaire, sur un contrat qu’il doit respecter. Quant aux cas les plus fréquents d’addiction, sans surprise il s’agit de la drogue dure (héroïne et cocaïne) et l’alcool. Ils sortent la plupart d’une thérapie aux centres thérapeutiques d’Useldange et de Manternach, mais aussi de l’étranger.
Après leur sevrage et thérapie, ils sont parfois dirigés vers Schoenfels où l’on se focalise vers une réintégration dans la société, afin qu’ils deviennent davantage autonomes. Pour le travail futur, le centre s’occupe des procédures pour les inscrire, soit au Revis, soit à l’Adem. L’Office national d’inclusion sociale (ONIS) est également un interlocuteur important. Cela dit, les bénéficiaires paient un loyer de 300 euros et une caution 200 euros, grâce au Revis. Objectif? «Créer des liens de confiance, et d’ailleurs, on n’a jamais d’agression ici», témoigne l’éducateur gradué Claude Richartz.
Ateliers de cuisine, jardinage et travail forestier
Outre les résidents, il y a un second groupe composé de bénéficiaires qui profitent d’une mesure de réinsertion et qui viennent travailler pour toucher le Revis pour une période plus longue. Le but est que les résidents travaillent ici et, qu’après 2 à 3 mois durant une période transitoire, ils soient autonomes. Pour occuper les bénéficiaires trois ateliers ont été mis en place : l’atelier cuisine (45 plats par jour) et l’atelier jardinage, qui lui, fonctionne en pleine saison (menuiserie pendant l’hiver). Le jardin est bio et on y cultive de tout. Légumes et fruits maison sont cuisinés sur place et une partie d’entre eux est dispatchée, toutes les semaines, dans les autres antennes de la Stëmm. De plus, la Stëmm collabore très bien avec l’ANF et avec la commune de Mersch (tonte du gazon, entre autres). La serre est fonctionnelle en début d’année pour les semences. Le troisième atelier, lui, est l’atelier forestier : il prévoit le nettoyage des sentiers des chemins touristiques, le ramassage des déchets, la taille des haies…; le travail s’effectue bien avec la commune de Junglinster à ce niveau-là.
Liste d’attente
Par ailleurs, il faut savoir que le centre a beaucoup de demandes et qu’une liste d’attente est établie. «Les gens nous préviennent de leur volonté de venir, avant leur thérapie, en général et cela, en nous présentant leurs projets de vie future. Une personne reste, en moyenne, d’un an à un an et demi. Selon les statistiques, allant de 2015 à 2020, nous avons 62 % de réussite, donc des gens qui n’ont pas rechuté après nous avoir quittés. Le covid ne nous a pas aidés, mais force est de constater que nous n’avons eu aucun cas positif, grâce à la multiplication de nos tests et au respect des mesures sanitaires!», précise Tony Barrel. À l’heure actuelle, environ 36 personnes profitent gracieusement de l’offre, les hébergés y compris.
De plus, chaque résident se voit conférer une personne de confiance : un éducateur ou un assistant social, et le lien de confiance s’établit naturellement. Comme dans une petite famille. «On fait un projet de vie réaliste avec les personnes et on les incite à être autonomes. Ce n’est pas une prison ici, ils peuvent aller voir leurs proches, mais on doit savoir où ils sont. L’alcool y est tout cas interdit. Seule la nicotine et les médicaments sont autorisés.»
Un ex-militaire en réhabilitation
L’un des bénéficiaires actuels de l’offre de la Stëmm à Schoenfels, Jesus Paixao Iduino, a accepté de témoigner, à visage découvert. Originaire de l’Angola, Jesus a un passé militaire et… de mercenaire. Il a voyagé dans de nombreux pays africains, avant d’arriver au Luxembourg. Il est dur et fort comme le fer et a vu la corruption au quotidien, de ses propres yeux. Après de nombreuses mauvaises expériences, il émigre et commence à prendre des médicaments. Désormais, il compte bien refaire sa vie, qui n’a pas été heureuse tous les jours.
Depuis 2004 au Luxembourg, en fait, il a atterri à Schoenfels, après avoir multiplié les petits boulots dans diverses compagnies au pays : «Ici, il n’y a pas de stress. Je me sens bien et je peux travailler avec amour. Et les éducateurs sont super! Car ils se donnent du mal, nous donnent de la force, nous respectent… J’aime beaucoup être ici.» S’il affirme n’avoir jamais bu d’alcool ni consommé de drogue, il avoue avoir eu un penchant pour certains médicaments, avant des tentatives de suicide, à la suite d’une dépression : «En 2011, je me suis poignardé sept fois avec un couteau…». À la suite de cela, il finit en psychiatrie, alors que plus aucun employeur n’«ose» l’employer, car ils pensent qu’il est «un criminel de guerre. Une assistante sociale m’a envoyé ici, et je suis bien maintenant. Avant je prenais six médicaments par jour. Aujourd’hui, je suis d’humeur positive et veux refaire ma vie.» Bon courage, Jesus!
Claude Damiani