Des parents d’élèves sont vent debout contre une décision de changer l’organisation scolaire dans le quartier Gare. La Ville leur a proposé d’étudier la situation, mais la désillusion est grande.
Changer ses enfants d’école : l’acte peut paraître anecdotique, sauf quand plusieurs familles doivent se résoudre à cette solution parce que la nouvelle organisation scolaire de leur quartier les y oblige.
«Nous sommes plusieurs à envisager d’inscrire nos enfants dans les écoles d’autres quartiers où vivent des proches et à nous résoudre à faire du tourisme scolaire. Comme beaucoup à Luxembourg», menaçait hier Jean-Marc Cloos, père de deux garçons scolarisés à l’école de la rue Michel-Welter à Luxembourg. La démarche serait simple, selon le père de famille dépité de devoir avoir recours à une démarche si peu éthique.
La raison de cette décision? La Ville veut regrouper toutes les classes du cycle 4 des écoles du quartier Gare à l’école de la rue Michel-Welter et envoyer les autres cycles dans d’autres écoles du quartier pour équilibrer le nombre d’élèves par classe et favoriser la mixité scolaire entre les familles plus aisées et socialement plus intégrées de la partie nord du quartier et les familles plus populaires du sud du quartier.
Un groupe de parents d’élèves emmené par Jean-Marc Cloos s’y oppose et 250 personnes ont signé une pétition de soutien. «Cela va rallonger le chemin de l’école de près de 30 minutes pour certaines familles, les enfants vont être séparés… Mon plus jeune fils m’a dit qu’il se moquait de l’école dans laquelle il allait devoir aller, ce qui lui importe est de rester avec ses deux meilleurs amis. Dans une école en particulier, il y a des élèves en situation difficile. Et puis, il y a la radicalité de la décision et la rapidité du processus. Nous traversons une crise sans vraiment connaître son impact sur les enfants. Avant de leur imposer un tel changement, il faudrait peut-être l’évaluer.»
Les parents d’élèves ont proposé une alternative, lundi soir, lors d’une réunion avec la commission scolaire de la commune et la bourgmestre. «On nous a dit qu’elle serait analysée et que nous aurions une réponse pour les vacances de Pâques. C’est tout. La décision du regroupement des classes n’a pas été suspendue jusque-là, indique le père de famille déçu. Les parents d’élèves des différentes écoles vont être interrogés, mais nous ne savons pas par qui ni sur quoi l’analyse va porter.»
Les parents d’élèves seraient rentrés chez eux sans le message clair qu’ils attendaient. Ils partent défaitistes. «On va nous dire que c’est comme ça et il sera trop tard pour mettre des alternatives en place.»
Le cycle 4 sous un même toit
L’école de la rue Michel-Welter accueille des élèves issus d’une quinzaine de rues environnantes. La transformation du quartier et l’âge de ses résidents font que les classes sont de moins en moins peuplées. Les parents d’élèves, pour y remédier et conserver l’ambiance familiale de l’école de quartier, ont mis en place, avec les enseignants, un système qui permettait de regrouper les enfants du même cycle au sein d’une même classe (2.1 et 2.2, 3.1 et 3.2 et ainsi de suite).
Cela permettait en outre de ne pas tarir le quota limité d’enseignants mis à la disposition de la commune et risquer la fermeture de l’école. «Cela fonctionnait bien», note Jean-Marc Cloos.
Cette année, l’école de la rue Michel-Welter accueille 13 élèves de cycle 2, 20 du cycle 3, une classe de 4.1 et une de 4.2, de 11 et 12 élèves chacune. Étant donné la taille de la classe, le troisième cycle aurait besoin de personnel enseignant supplémentaire. C’est ici que le bât blesse, selon les parents d’élèves. L’équipe d’enseignants ne peut être adaptée aux besoins des élèves que sous certaines conditions et calculs.
De plus, l’école de la rue du Commerce voudrait dissoudre une classe «indomptable». Pour y parvenir, il faut du personnel supplémentaire que ni le cheptel de la Ville de Luxembourg ni le ministère de l’Éducation nationale ne sont en capacité de fournir. «Alors on lorgne les enseignants de la rue Michel-Welter», expliquent les parents d’élèves. Pour les autorités communales, ce serait la seule alternative.
Les parents d’élèves ont des propositions
Outre la mauvaise réputation de la rue du Commerce, 20 % de la population de son école primaire changerait chaque année. Cela viendrait en partie de la composition des habitants du quartier (84 % en 2018 étaient d’origine étrangère contre 70 % pour la population de la ville), expliquent les parents d’élèves dans un communiqué. Ils sont attirés par les structures d’aide sociale, les logements à prix «abordables» et le projet-pilote d’accueil des enfants de réfugiés mis en place dans cette école.
Les parents d’élèves préviennent des difficultés scolaires rencontrées par certains de ces enfants alors que le nombre d’enseignants censés les aider stagne. Ils craignent des classes à deux vitesses et du découragement de la part des enfants. «Il y a une différence entre les enfants qui doivent être alphabétisés et apprendre une langue nouvelle et ceux qui doivent juste être alphabétisés. C’est de l’intégration, mais à quel prix?», s’interrogent les parents d’élèves.
Le quartier Gare à Luxembourg possède trois bâtiments scolaires : rue Michel-Welter, rue du Commerce et rue Adolphe-Fischer. Quatre jusqu’à la fermeture au début des années 2000 de l’école de la rue du Fort-Neipperg. Les enfants de cette partie du quartier vont à l’école à Bonnevoie. Les rapatrier dans une des trois écoles du quartier Gare permettrait d’atteindre une masse critique suffisante dans les trois écoles et obtenir des renforts d’enseignants.
Autre proposition des parents d’élèves si la Ville refuse le statu quo : construire une seule école centrale dans la rue Adolphe-Fischer pour tous les écoliers du quartier. «Elle serait à mi-chemin des écoles de la rue Welter et de la rue du Commerce», précise Jean-Marc Cloos.
Prévoir des écoles dans les plans d’aménagement généraux
Plus besoin, quand on a plusieurs enfants d’âges différents d’être à la même heure devant deux écoles différentes. Le quartier étant peu sûr, les parents se refusent de laisser leurs enfants seuls sur le chemin. Les conduire prendrait un temps fou. «Pour quelqu’un qui habite en haut du boulevard de la Pétrusse, conduire son enfant à l’école de la rue du Commerce rajoute une demi-heure au trajet habituel matin et soir», indique le père de famille qui pointe les problèmes de circulation dans le quartier.
Une autre situation est jugée par lui absurde : «Des enfants vivant à quelques mètres les uns des autres sont envoyés dans trois écoles différentes. Les enfants de la rue Zithe à l’école de la rue Michel-Welter, ceux de la rue André-Duchscher à l’école de la rue du Commerce et ceux de la place de Paris, entre ces deux rues, à Bonnevoie.»
Pour lui, la Ville n’a aucun concept en ce qui concerne l’organisation scolaire. Il demande une étude de terrain et que les écoles soient systématiquement prévues dans les plans d’aménagement généraux. «Gare-Hollerich, 5 000 nouveaux habitants attendus, Cloche d’or, 6 000, Kirchberg, 21 000… et pas une école de prévu», conclut le père de famille.
Sophie Kieffer