À l’occasion de la publication d’une nouvelle brochure par l’Administration de la nature et des forêts (ANF) sur la présence du raton laveur et du chien viverrin au Luxembourg, Tiago De Sousa, spécialiste des espèces invasives, nous détaille les particularités de ces animaux.
Quelles sont les caractéristiques de ces deux espèces ?
Tiago De Sousa : Ce sont deux espèces qui se ressemblent. Le raton laveur est un mammifère originaire d’Amérique du Nord et présent en Europe depuis très longtemps, au début du XXe siècle. Sa robe est grise et brune et il porte un masque noir sur les yeux. Le chien viverrin ressemble au raton laveur, il est légèrement plus grand. son masque autour des yeux n’est pas uni et sa queue n’est pas annelée. Il vient de l’est du continent asiatique et a été aperçu pour la première fois au Luxembourg en février 2021. Concernant leur régime alimentaire, ils sont tous deux omnivores opportunistes. C’est-à-dire que nous pouvons estimer qu’ils mangent un tiers d’invertébrés comme des lombrics, un tiers de végétaux, par exemple, des baies et un tiers d’animaux, des amphibiens, des œufs ou des petits oiseaux. Cela dépend des saisons.
Comment sont-ils arrivés au Luxembourg ?
Les deux espèces ont été introduits en Europe surtout via le commerce de la fourrure. Certains animaux se sont échappés ou ont été libérés. Ainsi on a pu croiser des ratons laveurs dans les années 30 en Allemagne. Ces populations se sont ensuite déplacées et les animaux ont été aperçus à la fin des années 70 au Luxembourg. Pour le chien viverrin, c’est surtout une population de 9000 animaux qui a été relâchée en Sibérie et qui s’est ensuite propagée en Europe.
Comment avez-vous pu identifier le premier chien viverrin en 2021 ?
Une personne a pris une photo de l’animal dans les environs de Bettembourg et nous l’a envoyé. Nous sommes ensuite allés sur place pour tâcher de retrouver l’animal mais impossible de retrouver sa trace. La photo ne laissait pas de place au doute quant à l’identité de l’animal.
Où peut-on les trouver au Grand-Duché ?
Le raton laveur apprécie les forêts de feuillus à proximité de l’eau. On peut également le trouver en milieu urbain. C’est un animal qui s’adapte très facilement aux lieux humains. La population est surtout présente au nord du pays mais on s’aperçoit qu’elle a tendance à se déplacer vers le sud. Le chien viverrin est, lui, plus timide. On le trouvera dans les forêts, sous-bois ou zones mixtes, mais pas en milieu urbain.
« Un raton laveur peut faire des dégâts dans les maisons en faisant des trous dans le toit ou en abimant l’isolation «
Ces espèces sont décrites comme « exotiques envahissantes ». Pourquoi ?
« Exotiques » car elles ne sont pas indigènes et « envahissantes » parce qu’on considère qu’elles ont un impact potentiel sur la biodiversité, l’économie et la santé. Elles vont, par exemple, prendre la place de certaines espèces ou se nourrir d’animaux déjà présents sur le territoire. Ça peut être le cas avec le triton crêté, qui est un animal protégé et rare. Concernant l’économie, un raton laveur peut faire des dégâts dans les maisons en faisant des trous dans le toit ou en abimant l’isolation. Il peut également manger les fruits présents dans les jardins ou s’introduire dans les poubelles, qu’il arrive à ouvrir avec ses mains. Pour la santé, le raton laveur peut être porteur de maladie comme la maladie de carré, ascaris du raton ou la rage, même si cette dernière n’est plus présente au Luxembourg. Le chien viverrin est lui aussi porteurs de maladie comme le ténia du renard.
Y a-t-il déjà des cas de dégradations au Luxembourg ?
Oui, plusieurs personnes se sont déjà plaintes. Des ratons laveurs avaient mangé tous leurs fruits ou les avaient dérangé durant la nuit.
Savez-vous évoluer la population de ratons laveurs et de chiens viverrins sur le territoire ?
Nous n’avons pas de chiffres pour le moment. Toutefois, en constatant le nombre d’animaux chassés, nous pouvons estimer la population de ratons laveurs à plusieurs milliers au Luxembourg. En 2020, plus de 1000 ratons ont été tirés par des chasseurs. Sachant que la chasse prend une petite partie de la population, cela nous permet d’arriver à cette estimation. Le chien viverrin reste, lui, très rare dans notre pays. Le raton laveur et le chien viverrin sont sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union. Il est important de rappeler que le piégeage et chasse nocturne sont interdits au Luxembourg.