Les installateurs de piscines et de spas sont au taquet. La crise, ils ne connaissent pas, bien au contraire, ils n’en espéraient pas tant. Les commandes pleuvent, mais les stocks se tarissent. Petit plongeon dans le secteur.
«Non, ne faites pas ça s’il vous plaît», implore la secrétaire d’un ton amusé. Les spécialistes des piscines, spas et autres installations destinées au bien-être sont littéralement débordés. La simple idée qu’un article sur leur activité puisse augmenter le volume de travail leur donne des frayeurs sans leur faire perdre le sens de l’humour.
Seraient-ils tentés de se faire oublier pour quelque temps ? Non, pas jusque-là. Disons qu’ils n’ont pas besoin de publicité pour l’instant, eux ne connaissent pas la crise alors qu’ils s’imaginaient chuter comme des pans entiers de l’économie mondiale. C’est en tous les cas ce que pensait sincèrement Jean Birgen, le fondateur d’Instal-Fit qui occupe une place dominante sur le marché au Grand-Duché.
Celui qui a cédé la direction de la société à son fils en est resté le conseiller et suit donc assidûment les affaires. «Je me disais au début de la crise du Covid que nous allions traverser une période difficile avec l’arrêt de l’activité et que nous aurions du mal à compenser ce manque à gagner», confie Jean Birgen. C’est tout le contraire qui s’est produit et ce n’est pas l’effet immédiat de la canicule.
Nombreux sont ceux qui ont commencé à imaginer une piscine ou un spa dans leur jardin ou sur leur terrasse pendant les trois mois de confinement qui leur ont offert un printemps doux et ensoleillé. Cette idée qui a germé dans les esprits se traduit par une augmentation de 50% du volume d’activité (par rapport à 2019 à la même période), pour l’entreprise créée il y a 40 ans par Jean Birgen.
Le prix d’une voiture
Le constat est le même du côté de Paysage Luxembourgeois, quelques décennies d’expérience au compteur également, qui confirme la hausse significative des installations de spas et de piscines depuis la crise du coronavirus. Surtout pour les spas, moins d’entretien, moins cher qu’une piscine, les installateurs observent même que les gens en profitent plus que d’une piscine.
Une soixantaine de devis sont en préparation actuellement pour les piscines chez Instal-Fit qui a dû doubler les effectifs en charge de réaliser les travaux qui suivront. «Ce n’est pas la main-d’œuvre qui nous inquiète, nous l’avons. Le gros problème vient surtout des fournisseurs qui sont en rupture de stock», déplore Jean Birgen. La prochaine commande de spas arrivera en janvier. Pour satisfaire des clients guère disposés à attendre plus longuement leurs bulles de bien-être, des modèles exposés dans le showroom de la société ont été vendus. La piscine qui représente toujours un investissement conséquent (entre 30 000 et 150 000 euros) n’est plus un privilège de nantis. C’est le prix d’une voiture dont le montant final dépendra des options qui viennent s’ajouter. «Les suppléments sont parfois plus chers que le prix de la piscine, mais il est possible de les acheter plus tard», rassure Jean Birgen.
Les prix ont baissé avec l’apparition de nouveaux matériaux qui offrent des bassins préfabriqués. «Nous venons avec une pelleteuse, nous creusons un trou de 4 mètres sur 8 qui est la dimension la plus utilisée et nous avons terminé en une semaine», précise le désormais conseiller. La piscine hors sol est également une option qui a su séduire si bien que la construction en béton n’a plus le vent en poupe.
Pour les spas, il faut compter entre 4 000 et 12 000 euros et espérer que les fournisseurs puissent satisfaire au plus vite la demande. Si un coin wellness vous tente pour la saison prochaine, c’est maintenant qu’il faut y penser pour avoir la certitude de pouvoir en profiter au printemps 2021.
Geneviève Montaigu
Guère d’impact sur la consommation d’eau Ce boom des piscines et des spas n’inquiète pas le directeur de l’administration de l’Eau, Jean-Paul Lickes.
«Apriori, ces piscines recyclent l’eau donc ce n’est pas si dramatique que cela peut en avoir l’air», explique Jean-Paul Lickes. Ce qui est le plus gênant à ses yeux, ce sont les consommations de pointe, et quand tout le monde remplit sa piscine à la même période cela n’aide pas, mais cela n’arrive pas si souvent en plein milieu d’un été sec. L’eau utilisée en cette saison dans les piscines sert à faire l’appoint ou à renouveler l’eau à la suite du lavage des filtres, mais cela ne concerne pas l’entièreté du volume de la piscine.
Pour remplir une piscine de taille standard (8 mètres sur 4 et 2 mètres de profondeur) il faut compter 63 m3 d’eau, soit 63 000 litres. À titre de comparaison, la consommation d’eau potable par personne et par jour est de 200 litres en moyenne dans le pays, soit 120 000 m3 par jour au total.
Avant, ce qui avait un impact plus notoire, c’était la piscine gonflable, sans traitement, remplie tous les deux jours, même si le volume était plus petit, il s’agit quand même d’un ou deux mètres cubes à chaque remplissage et ce genre de piscine se vendait comme des petits pains. C’est encore le cas aujourd’hui sauf qu’on note une certaine évolution. «Maintenant, il y a une tendance à ce que ces piscines soient équipées d’un traitement de l’eau qui peut alors séjourner plusieurs jours voire plusieurs semaines et finalement même si elles sont plus grandes, elles ne vont pas faire chavirer notre système», fait remarquer le directeur de l’administration de l’Eau.
«Un très bon indicateur de l’activité économique»
Par rapport aux deux années précédentes, la vague de chaleur est venue plus tardivement. «Les quelques degrés de moins que l’on a eus pendant la journée ont un impact très fort», précise-t-il encore. En juin, il n’a pas fait très chaud pour la saison et 6 ou 7 degrés de moins «font une grande différence», ajoute-t-il.
Le congé collectif permet aussi de faire une pause dans la consommation d’eau. «On ne fait pas de béton actuellement donc cela nous donne plus de sécurité dans le système», indique Jean-Paul Lickes.
La reprise économique n’est pas aussi forte dans le secteur industriel, note-t-il encore au regard de la consommation d’eau : «C’est un très bon indicateur de l’activité économique.» Actuellement, il n’y a pas de souci à se faire, selon le directeur. «La consommation est là, mais on n’est pas dans le rouge ni l’orange. On surveille avec les fournisseurs», rassure-t-il.
L’hiver était pluvieux, mais il fallait compenser la période très sèche de 2019 et recharger la nappe phréatique que l’eau n’a atteinte qu’à partir de janvier. Ces situations de sécheresse sont surtout dramatiques pour l’agriculture qui devra se réinventer pour s’adapter au changement climatique. Même constat pour les forêts où il faudra planter des essences plus résistantes aux fortes chaleurs.
«Les sécheresses vont devenir moins exceptionnelles», rappelle Jean-Paul Lickes.
G.M.