Soulagé il y a une semaine, l’Horeca retrouve le pire avec l’instauration d’un couvre-feu à 23h.
Il y a encore une semaine, les restaurants, bars et cafés du pays étaient soulagés de voir le gouvernement demander plus de responsabilité individuelle à la population face au Covid-19 au lieu d’instaurer un couvre-feu, une mesure que les pays voisins avaient déjà prise. Quelques jours plus tard, les indicateurs sanitaires ont forcé les autorités à faire marche arrière et à instaurer un couvre-feu de 23h à 6h. Les professionnels accusent le coup, mais comprennent.
« Cela semblait inévitable à la vue de l’explosion du nombre de cas. Je pense que c’est difficile de prétendre à maintenir les mesures sanitaires déjà en place alors que l’on est en train de vivre une nouvelle explosion. En revanche, la question qui va se poser, c’est l’impact réel du couvre-feu», interroge Gabriel Boisante, patron de plusieurs lieux festifs du pays comme l’Urban City, l’Urban Belval, le Mamacita, le Paname et le Bazaar. « On peut calculer le chiffre d’affaires entre 23h et minuit, mais l’impact réel ne va pas se faire là-dessus mais sur l’appréhension des gens à sortir. Si on fait un calcul très simple, le temps de payer le restaurant, d’aller à la voiture, de payer le parking et de rentrer chez soi, il y en a pour trois quarts d’heure. Donc vraisemblablement les gens vont partir du restaurant à 22h. Au mieux, on perdra tous les deuxièmes services, alors que justement nous avions mis en place des deuxièmes services pour combler les manques. Durant le mois à venir, nous allons véritablement voir l’impact financier du couvre-feu. Après, est-ce que l’on peut s’en plaindre face à la situation sanitaire du moment ? Ce n’est pas notre rôle de se substituer aux gouvernements. Néanmoins, il faudrait que ces nouvelles mesures soient accompagnées d’aides aux entreprises. Avant, on parlait de l’avenir de la nuit luxembourgeoise, maintenant c’est de la soirée luxembourgeoise et après ça sera de l’afterwork », s’inquiète Gabriel Boisante.
«C’est Netflix maintenant»
Si le couvre-feu de 23h fait perdre une heure de service à l’Horeca, le couvre-feu va peut-être décourager les clients à se déplacer dans les restaurants où alors s’y rendre un peu plus tôt. La nuit luxembourgeoise risque de prendre un sacré coup sur la tête. « La nuit luxembourgeoise n’existe plus, c’est Netflix maintenant », lance Marie, une jeune cadre habitant la capitale et habituée à sortir ou du moins à profiter des plaisirs de la ville. « Ce weekend, je n’ai rien fait et les anniversaires et les restaurants entre amis s’annulent», ajoute la jeune femme avant de poursuivre : « Aller au restaurant à 19h, c’est quand même un peu tôt. Et y aller à 21h, avec le couvre-feu à 23h, ça devient un peu tard pour bien profiter de son dîner et sa soirée si à 22h30 il faut commencer à prendre le chemin de la maison. » Marie avoue « ne plus rien prévoir pour le moment. Je ne sais pas trop ce que cela va donner. Cela n’empêche pas que si à la dernière minute j’ai envie de me faire un restaurant, je pense que je le ferai même si un restaurant à quatre personnes maximum, c’est beaucoup moins festif ».
Les professionnels du secteur ne se font plus d’illusion pour l’année. « On sait que l’année est perdue», assurent tant le secrétaire général de l’Horesca, François Koepp, que Gabriel Boisante. Après les mois de confinement et un été relativement calme, les fêtes de fin d’année s’annoncent tout aussi difficiles. Et ce n’est pas la légère reprise de septembre qui comblera les trous. Pourtant, du côté de l’Horesca, on ne baisse pas les bras et on réfléchit à des solutions pour sauver le secteur. « En premier lieu, on remercie le gouvernement pour son dialogue et on a évité la fermeture totale », insiste François Koepp, qui rappelle tout de même que les infections se font majoritairement dans la sphère privée et non au sein des restaurants, hôtels et cafés du pays qui jouent un rôle important dans l’encadrement des lieux festifs. « Nous sommes conscients de ce que ce couvre-feu veut dire pour les professionnels et on conseille d’adapter les horaires et de commencer un peu plus tôt pour accueillir des clients. Pourtant, on voit déjà un recul de la demande dans les restaurants. On voit déjà que les gens commencent à réfléchir à la situation et que la situation commence à faire peur», souligne François Koepp qui ne cache pas son énervement face aux personnes qui n’ont pas su faire preuve de responsabilité individuelle et ayant conduit à la situation sanitaire préoccupante du moment. Le secrétaire général de l’Horesca cherche désormais des solutions et va s’entretenir cette semaine avec le ministre du secteur, Lex Delles.
« On va demander de nouvelles aides. Ou plutôt que les aides soient étoffées. Car nous ne sommes pas là pour toujours demander de nouvelles aides. Mais il faut aider les entreprises dans la mesure du possible là où cela fait du sens. Les entreprises ont un problème avec le paiement des loyers, le remboursement des emprunts et le paiement des charges sociales. Il faut trouver des solutions. On ne pourrait pas concevoir de transformer la dette des charges sociales en un emprunt remboursable dès que le vaccin est là» , propose, entre autres, François Koepp. « On va essayer de survivre le mieux que l’on peut, mais il y en a déjà beaucoup sur le carreau. On parle souvent des restaurants et des bars, mais on parle de tout un écosystème : le monde de l’Horeca, avec des fournisseurs, une chaîne logistique, de l’événementiel. Ce n’est pas juste le cafetier qui demande des aides», prévient également Gabriel Boisante.
Du côté de la clientèle, Marie n’est pas rassurée face à l’augmentation des cas dans le pays et assure faire désormais encore plus attention. « Je vois des gens proches touchés ou être cas contact. Avec l’actualité et le nombre de cas en augmentation, l’ambiance devient très anxiogène. Maintenant, voir les gens devient compliqué et j’avoue faire maintenant très attention d’autant plus que les fêtes de fin d’année, souvent en famille, approchent. »
Jeremy Zabatta