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Luxembourg : «Nos jeunes sont souvent un peu oubliés»


Les jeunes dans les foyers d’accueil sont «des personnes vulnérables. (Photo Fabrizio Pizzolante)

Michèle Kridel, la directrice générale, et Stéphanie Veiga, éducatrice diplômée, de l’ASBL Solina Solidarité Jeunes évoquent la situation des jeunes en foyer d’accueil en temps de Covid-19.

Le Luxembourg compte un certain nombre d’enfants, adolescents et jeunes adultes placés en foyers d’accueil pour mineurs et jeunes. Ils y sont, soit de leur plein gré, avec l’accord de leur famille ou parce qu’un juge aux affaires familiales considère qu’un environnement familial propice à leur bon développement fait défaut. L’ASBL Solina Solidarité Jeunes, membre de la Fondation Solina, en accueille. Comment vivent-ils cette crise sanitaire ?

«Les jeunes en foyer d’accueil purgent en quelque sorte une double peine, confinés et loin de chez eux, estime Michèle Kridel, la directrice générale de l’ASBL Solina Solidarité Jeunes. L’année dernière, au début de la crise sanitaire, nous avions décidé d’envoyer certains dans leur famille. Mais cela ne fonctionnait pas trop, ce n’est pas pour rien qu’ils sont en foyer d’accueil…»  Elle poursuit en soulignant que «ce sont des personnes vulnérables».

Les différentes structures de l’association se sont adaptées. C’est le cas au sein du foyer d’accueil Vivo, situé dans le quartier de Gasperich dans la capitale. «Comme tout le monde, on a dû mettre en place certaines règles, assure Stéphanie Veiga, l’une des éducatrices diplômées du foyer. Ils vivent la crise différemment que les autres jeunes. Par exemple, ils doivent tout le temps porter leur masque sauf dans leur chambre alors que les autres jeunes peuvent l’enlever dans leur maison. Aujourd’hui, ce n’est toujours pas le moment de se libérer du masque et des règles sanitaires.»

«Des angoisses amplifiées»

Au début de la crise, certains des 20 jeunes locataires du foyer Vivo «avaient l’impression que le virus allait rester à l’extérieur du foyer», confie Jean (le prénom a été changé) dans un article écrit par la direction de l’association, et d’autres comme Pauline «ressentait un malaise à l’égard de ce nouveau virus dont on ignorait tout». Le Covid-19 a fait son entrée dans la structure en janvier dernier. «On a eu 18 cas chez les jeunes et un chez les éducateurs, détaille Stéphanie Veiga. Nous, nous ne pouvons pas fermer, sinon où iraient les jeunes ? Nous sommes restés à leurs côtés tout le temps. On avait des masques, des gants, des blouses… pour leur apporter leur repas dans leur chambre ou pour discuter avec eux et leur remonter le moral. On n’a jamais coupé le lien.»

Aujourd’hui, tout le monde va bien physiquement parlant. «Pour certains, la situation est compliquée moralement, note l’éducatrice diplômée. On a eu des cas plus critiques que d’autres et certains sont tombés dans des formes de dépression et ont vu leurs angoisses amplifiées.» La directrice générale de l’ASBL Solina Solidarité Jeunes, Michèle Kridel, complète : «notre service psychologique reçoit plus de jeunes avec des pensées suicidaires qu’auparavant». Et «pour d’autres, c’était une chance de vivre dans un foyer ou une autre structure et cela leur a évité de tomber dans le vide».

Cette crise sanitaire semble également avoir modifié certains comportements. «Ils vivent tout ça ensemble et avec nous, rappelle Stéphanie Veiga. Ils sont plus proches entre eux. Ils demandent aussi à faire plus d’activité ensemble. Les liens avec nous se sont aussi renforcés. Ils ont mis un peu de côté le monde virtuel et leur portable. Il y a une plus grande motivation de leur part. On sent qu’ils veulent parler. Ils cherchent du contact.»

Mais beaucoup d’entre eux ont peur de l’avenir. «Le monde du travail se ferme à eux, souligne Michèle Kridel. Déjà compliqué pour eux avant, cela l’est encore plus maintenant. Ils ne trouvent pas d’apprentissage, ni de jobs d’été. La situation est difficile.» La directrice de l’ASBL Solina Solidarité Jeunes conclut : «Nos jeunes sont souvent un peu oubliés. C’est le cas aujourd’hui. Or, c’est primordial de ne pas les oublier».

Guillaume Chassaing

L’ASBL Solina Solidarité Jeunes en bref

Le Péitrusshaus, des foyers d’accueil, du logement encadré social, le service Impuls, le Haus 13… L’ASBL Solina Solidarité Jeunes proposent de nombreux services à destination des jeunes en difficulté. Membre de la Fondation Solina aux côtés Jongenheem et Aarbechtshëllef, Solidarité Jeunes est une association sans but lucratif dont «l’objet social est la conceptualisation, la création, le développement et la gestion d’activités qui directement ou indirectement se rapportent aux domaines de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Elle s’investit dans l’accompagnement d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes en difficultés».

L’ASBL compte actuellement environ 180 salariés, 76 jeunes vivent dans les 10 foyers d’accueil et environ 60 jeunes adultes vivent dans l’un des logements encadrés de l’association.

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