Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
La rue de Strasbourg n’a rien de la quiétude alsacienne. La lutte contre le deal passe désormais par des projets qui impliquent les habitants. La municipalité et les habitants ont inauguré mercredi un espace de jeux pour enfants, au cœur de l’artère sulfureuse.
Après le deal, le jeu. Décidément, la rue de Strasbourg réunit tous les péchés capitaux de la capitale. Eh bien non! Car il s’agit de jeux d’enfants. En plein cœur de l’artère sulfureuse, les habitants et la municipalité se lancent à la reconquête du territoire. Lydie Polfer en personne, la bourgmestre de Luxembourg, a inauguré le nouveau parc, mercredi. Scène surréaliste : des dealers et des guetteurs continuaient leurs affaires quelques mètres plus haut, certains n’hésitant pas à observer la cérémonie.
Peu importe, l’élue ne s’est pas dégonflée. D’une voix forte, au milieu du parc et sans micro, Lydie Polfer a lancé : « Nous avons conçu l’aménagement du parc ensemble, avec le comité de quartier. C’est une première, et ce ne sera pas la dernière! » Quelques badauds se sont agacés, en substance : « Des jeux d’enfants pour faire reculer les dealers? C’est l’armée qu’il faudrait envoyer .» Ce sont des voix minoritaires.
Reconquête pas à pas
Laurent Schwaller, du service coordination des espaces publics de la ville explique la portée du projet : « On pourrait faire de grandes annonces, dire que tout va changer. En réalité, ces gros projets prennent du temps et ils finissent souvent dans un tiroir .» En choisissant de reconquérir le territoire « pas à pas », qui plus est en impliquant les habitants du comité de quartier (lire ci-dessous), les autorités misent sur du concret.
Une jeune maman, avec son enfant sur les nouveaux jeux, fait le constat elle-même : « Si les habitants occupent la rue, ça veut dire qu’elle n’appartient plus aux dealers. Ils voient que nous sommes là, avec nos enfants. » Et de lancer en désignant une ligne de démarcation : « Là-haut c’est le deal, ici c’est chez nous. »
Problème, quelques établissements en contrebas du parc semblent encore actifs. Selon des habitants avisés, il y aurait des rabatteurs en haut, le parc, puis des drives de deal plus bas. Ce n’est pas gagné.
Opération reconquête antidrogue dans la rue de Strasbourg.
Ni flash-balls ni policiers : la présence des habitants aimant leur quartier doit primer. (photo F.Pizzolante)
Ne rien lâcher, valoriser le quartier
Mais cette première réussite donne le sourire à tout le monde. « L’aménagement du parc est allé vite , note l’une des responsable du Collectif Gare. Tout est parti d’un ras-le-bol sur Facebook. Puis une première réunion, il y a environ un an, avec les autorités. Et là, en quelques mois, le parc est refait. »
Il faisait bon flâner hier, autour des jeux de la rue du Luxembourg. « Ce quartier a une âme, poursuit la responsable. Les gens y sont attachés. Le deal ne doit pas tout gâcher. La mixité, l’ambiance populaire et familiale… c’est une réalité aussi! »
Hubert Gamelon
Lydie Polfer : « Le police va revenir ici »
Lydie Polfer l’a confirmé mercredi : des effectifs de police vont être réaffectés au cœur du quartier de la Gare. Au début de l’année, le commissariat central de la rue Glesener (proche de la rue de Strasbourg) avait été délaissé au profit d’un bâtiment plus moderne au Verlorenkost. Résultat : moins de présence policière (« encore moins… », dixit un habitant) dans le quartier de la Gare. « Nous allons réaffecter des équipes dans la rue Glesener , a promis Lydie Polfer. C’est une question de travaux dans le bâtiment. Tout sera prêt pour septembre ou octobre, dernier délai. »
« Dans une ambiance de coworking »
La stratégie de reconquête du quartier est spécifique par deux aspects : la technique des petits pas, mais aussi l’implication totale des habitants. Le Collectif Gare, né d’un ras-le-bol exprimé sur Facebook, a été consulté sur chaque avancée du projet.
« Je me souviens de la deuxième réunion , sourit Laurent Schwaller, agent de coordination de la Ville. Il y avait des tables comme dans une salle de classe. On a tout changé, on s’est mis en rond et on a commencé à travailler. C’était une ambiance de coworking .» Il s’agissait notamment de déterminer quels jeux choisir. Les habitants ont rapidement convenu qu’il fallait attirer un maximum de familles. Des jeux pour tous les âges ont été privilégiés.
« L’autre avantage, poursuit Laurent Schwaller, est d’accélérer l’appropriation des lieux. Je pense que les habitants du quartier sont fiers de ce parc et qu’ils ne laisseront personne le dégrader. » Plus globalement, c’est aussi une bonne communication politique. Qui pourra encore dire qu’on ne voit jamais les élus sur le terrain?
Le ruban a été coupé par de nombreux habitants du quartier. (photo Fabrizio Pizzolante)
