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Luxembourg : horizon incertain pour les salles obscures


La reprise, Christophe Eyssartier s'y prépare, afin d'être «opérationnel rapidement», ne sachant pas pour autant donner une date précise. (Photo : Archives LQ)

Salles fermées et festivals annulés… Devant la crise du Covid-19, les cinémas patientent et espèrent des jours meilleurs. C’est le cas de Kinepolis qui, comme beaucoup, avance à l’aveuglette.

Depuis le 14 mars, c’est le calme plat. Plus de films, plus de pop-corn, plus d’animation dans les allées et plus de commentaires à la sortie des salles. Le cinéma est à l’arrêt complet, au Grand-Duché comme ailleurs, et c’est tout un secteur qui tire la langue (producteur, distributeur…). En «queue de peloton», l’exploitant prend son mal en patience, lui aussi sérieusement impacté par la pandémie : «On est tous victimes de ce qui se passe maintenant. On est peut-être le maillon le plus visible, mais c’est toute la chaîne qui est touchée.»

La remarque vient de Christophe Eyssartier, responsable des sites Kinepolis au Luxembourg. Cela fait un mois et demi que les grilles se sont fermées, et que l’homme cherche à combler le vide laissé par cette situation inédite : «Une si longue interruption, c’est une première, surtout pour une activité censée se dérouler 365 jours par an», confiait-il, mardi, avant une énième réunion sur Zoom ou Skype avec son équipe, qu’il maintient en éveil, et avec laquelle il «peaufine toutes les actions» liées à la prochaine réouverture, lâche-t-il.

Car oui, un sujet les occupe tout particulièrement : la fin du confinement. Une attente commune, selon lui, à un groupe «impatient de se remettre en route» et au public qui espère reprendre rapidement ses habitudes. Mais voilà, les dernières projections ne sont guère rassurantes : il y a d’abord ces mesures d’hygiène, difficiles à appliquer sur le terrain, et ces avancées gouvernementales à tâtons, qui rendent l’après encore plus aléatoire.

En attente de films «forts»

«La vraie inquiétude, ce n’est plus la fermeture, mais la réouverture !», soutenait ainsi, il y a peu, de l’autre côté de la frontière, Richard Patry, le président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF). La reprise, Christophe Eyssartier s’y prépare, afin d’être «opérationnel rapidement», ne sachant pas pour autant donner une date précise. «On n’a pas plus d’informations que ça, souffle-t-il. Il n’y a pas beaucoup de visibilité», malgré l’ouverture progressive des «écoles, chantiers et petits commerces» envisagée au Luxembourg, comme dans certains pays limitrophes. Cela reste bien maigre, mais ça ouvre tout de même quelques pistes de réflexion. «La priorité, ça reste la sécurité des clients et des collaborateurs : c’est le fil rouge dans les préparatifs que l’on imagine. On réfléchit aux mesures barrières à appliquer au sein des cinémas. Il va falloir mettre tout ça en musique avec le gouvernement.»

Il salue au passage le soutien financier de ce dernier. «Toutes les équipes sont touchées par le chômage partiel, explique-t-il. À cet égard, l’appui de l’État est clairement indispensable. D’ailleurs, on espère en bénéficier encore après le confinement, car un retour à la normale ne sera fera pas du jour au lendemain.»

Dans ce sens, beaucoup d’exploitants reportent leurs espoirs sur la deuxième partie de l’année et l’été qui s’annonce. La date de la mi-juillet est ainsi évoquée en Europe, parallèlement à l’annonce par les chaînes américaines de leur intention d’ouvrir des portes en juillet. D’incertaines projections motivées surtout par la sortie, souhaitée, de films «forts», nécessaires pour relancer l’activité en berne.

Il y a, entre autres, la superproduction Tenet de Christopher Nolan, dont la sortie aux États-Unis est prévue le 17 juillet, mais aussi l’arrivée, le week-end suivant, de Mulan, version en prises de vue réelles du film animé de Disney. Sans oublier le prochain James Bond, envisagé pour novembre (No Time to Die), alors que le neuvième épisode de Fast and Furious et Wonder Woman 1984 devront attendre 2021.

Au Luxembourg, la programmation devrait s’enrichir de films dont «la diffusion s’est arrêtée» avec le Covid-19, et d’autres récurrences, à la suite d’un sondage en ligne lancé par Kinepolis. «On a demandé au public ce qu’il aimerait revoir à la réouverture des cinémas», précise Christophe Eyssartier. D’accord, mais pour quelle expérience cinématographique? L’avis de Nathanaël Karmitz, PDG de la société parisienne Mk2, qui vient justement d’accorder une partie de son catalogue à Netflix, amène à réfléchir…

«Effrayante» expérience

«La question n’est pas de savoir quand rouvrir, mais comment le faire. Si cela doit se passer avec des masques, en respectant la distanciation sociale et avec des restrictions supplémentaires, notre conviction est que cela ne vaut pas la peine d’ouvrir et que nous devrions attendre», a-t-il déclaré, précisant que le cinéma doit être «une bonne expérience» et non «effrayante». D’autres cherchent déjà une parade temporaire, comme ce dispositif permettant de regarder un film en VOD choisi par un cinéma (dans un catalogue de 400 films), lequel perçoit une rémunération sur les visionnages.

Ou encore cette initiative de la plate-forme La 25e Heure, qui permet à un exploitant d’organiser sur internet une séance à heure fixe, réservée aux personnes vivant dans un secteur géographique déterminé – et dont les recettes sont partagées entre exploitant, distributeur et le site hébergeant la salle virtuelle. De son côté, Christophe Eyssartier, «optimiste» de nature, espère surtout que le mauvais film du moment prendra fin, pour que le public puisse à nouveau «se détendre» dans les salles obscures, et «voyager dans d’autres univers», différents de celui dans lequel il est plongé depuis deux mois.

Grégory Cimatti

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